Les petits chefs sans autorité passent leur temps à placarder dans les couloirs des notes de service comminatoires que personne ne lit ni n’applique. Il en est de même au niveau de l’État. Il y a eu les décrets ascenseur, stock-options, sécheresse, canicule, kilowatt … À quand un décret de loi interdisant qu’il pleuve le dimanche ?
L’opinion a presque cru qu’il suffirait d’une loi pour interdire le chômage. L’outrance de la communication par le texte de loi révèle un manque d’autorité dont les deux bornes seraient la lâcheté ou le ridicule. Avec courage et franchise, Pierre Mazeaud, précédent Président du Conseil Constitutionnel, a dénoncé à son départ « une dégradation de la qualité de la loi», « la malfaçon législative pure et simple », « la loi qui tâtonne, hésite, bafouille, revient à bref intervalle sur le même sujet dans un sens ou un autre, selon les réactions réelles ou supposées de la société », le tout révélant l'impréparation des dispositions initiales. Bien plus, rejoignant Michel Crozier, il relevait le « manque de clarté et d'intelligibilité » de la législation contemporaine, et déplorait enfin par-dessus tout « la dégénérescence de la loi en instrument de la politique spectacle, la loi d'affichage ».
Les textes légaux ont été multipliés par DIX en 10 ans. Ainsi, plus le pouvoir multiplie la communication, les textes de loi, les fonctions spéciales, les hauts comités, plus il démontre sa faiblesse et son impuissance. À chaque fois, un fait d’actualité force la publication en quelques jours d’un texte de loi bouclé à la hâte, produit en dépouille aux media, oublié le lendemain, et inapplicable par des fonctionnaires désabusés, comme des milliers d’autres aujourd’hui, ce que reconnaissent tacitement le Conseil d’État et les Préfets.
A l’inverse, des textes fondamentaux sur le droit du travail n’ont même pas pu être rendus conformes aux directives européennes, provoquant des zones de non droit, sources de multiples conflits du travail souvent exploités par des indélicats. Les mesures de « simplification administrative » ont multiplié les tracasseries, voire empiré le problème, sans diminuer les coûts.
La France actuelle devient celle des « Rois Fainéants »
Dans notre société d’information directe, où les données et les faits circulent instantanément, grâce à de multiples instruments , le pouvoir et l’administration s’agitent au lieu d’agir, dans un microcosme bobo et parisien, avec les méthodes du XVIIIème siècle au temps où les préfectures avaient été situées à une journée de cheval de tout lieu du Département.
La solution surviendra, mais sa violence sera proportionnelle aux freins aux changements qu’elle aura rencontrés. La crise accélère la pression : malheur donc aux communicants actuels ou aux faux-fuyants, péroraisons pitoyables aux journalistes dans les parvis des assemblées ou lors des questions au gouvernement, discours lénifiants, souvenirs cruels d’un accord de Münich ayant prouvé en 1938 l’impéritie de cette méthode. Plus le gouvernement légifère aujourd’hui, plus il sera lynché demain, comme on le voit déjà en Grèce, au Portugal, en Espagne, maintenant en France avec des sans-emplois excédés, et même en Grande Bretagne où le Prince Charles lui-même a failli être extrait de sa Rolls lors des révoltes étudiantes.
Plus haute est la parole, moins forte est l’action.
Alexandre Kojève définit l’autorité comme « capacité d’agir sur les autres, sans que les autres réagissent, alors qu’ils peuvent le faire ». Plus on est obligé d’agir pour exercer son autorité, moins on en a. C’est pourquoi autorité et violence sont opposées et s’excluent mutuellement. Une révolte ne devient violente qu’en proportion des freins au changement, ou des carences de l’autorité. C’est ce qu’on constate aujourd’hui en Europe avec en plus les super technocrates de Bruxelles qui en rajoutent une couche épaisse, avec une éthique discutable. Là est la nuance du pouvoir qu’une autorité ne peut exercer durablement sur un territoire sans crédibilité.