Le tout premier vaccin contre le Covid-19 a reçu l’approbation des autorités sanitaires russes le 11 août 2020. Mais faut-il prendre cette nouvelle au sérieux ?
Un vaccin testé sur… 76 personnes
« Au cours des essais pré-cliniques et cliniques, le vaccin « Gam-Covid-Vac » mis au point par le Centre de recherche Gamaleya a prouvé son efficacité et sa sécurité pour une utilisation chez l’homme. […] Au cours des essais cliniques, il n’a pas été constaté d’effets indésirables significatifs. Le contrôle de l’efficacité de ce vaccin, qui sera réalisé post-approbation, comprend notamment une étude clinique sur 2.000 personnes », a fait savoir dans un communiqué Roszdravnadzor, l’agence russe dont les missions sont à la croisée de celles de Santé Publique France et de l’Agence de la sécurité du médicament.
Vous avez bien lu : l’essai clinique sur 2.000 personnes n’a pas eu lieu avant l’approbation de ce vaccin. D’après le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l’avancée des candidats vaccins contre le Covid-19 (daté du 10 août 2020), seule la phase 1 (sur les 3 requises par la réglementation) a eu lieu à ce jour. Au cours de chacune des deux étapes de cette phase 1, le vaccin a été essayé sur 38 bénévoles, soit 76 personnes en tout.
De nombreux effets indésirables et un panel de participants réduit
Selon le rapport soumis pour l’approbation de ce vaccin, et que le média russe Fontanka.ru a pu consulter, la certitude quant à l’efficacité et l’innocuité de ce vaccin est bien moindre. Au cours de l’essai réalisé sur 38 bénévoles, 144 effets indésirables ont été recensés. Par ailleurs, au 42e jour après la vaccination (soit le dernier jour des essais cliniques), 31 effets indésirables se maintenaient. « Le titre d’anticorps est à ce jour inconnu. La durée de la protection est inconnue. Des essais cliniques quant à l’efficacité épidémiologique [de ce vaccin] n’ont pas été menés », peut-on lire dans le rapport.
Le rapport révèle par ailleurs que ce vaccin peut être administré uniquement aux personnes âgées entre 18 et 60 ans, des études sur des enfants ou des personnes âgées n’ayant jamais été menées. L’interaction avec d’autres médicaments, ainsi que les éventuels effets sur la capacité à conduire un véhicule, n’ont pas été étudiés. Enfin, le document précise que la vaccination doit se faire en salle de déchocage et que le patient doit rester sous la surveillance du personnel médical pendant 30 minutes après avoir reçu l’injection.
Des essais cliniques terminés dans un temps record
Pour les autorités sanitaires russes, le fait que les essais cliniques de ce vaccin n’ont duré que 42 jours peut se comprendre, vu le contexte épidémique et l’urgence de disposer d’un vaccin. Le rapport soumis pour obtenir l’approbation du vaccin précise d’ailleurs explicitement qu’il doit être utilisé uniquement dans une situation d’urgence. Prochaine étape, selon Mikhaïl Murachko, le ministre russe de la Santé : réaliser l’essai clinique du vaccin sur des médecins et des professeurs. Leur vaccination devrait commencer fin août 2020.
D’après les médias MedVestnik et PharmVestnik, la veille de l’approbation du vaccin, Alexandre Tchoutchalin, président du Conseil de l’éthique au sein du ministère de la Santé, a démissionné. S’il nie l’existence d’un lien entre sa démission et sa prise de position concernant ce vaccin, par le passé il avait déclaré : « il est important pour un pays de disposer d’un vaccin. Mais quand des essais cliniques sont menés, le principe d’innocuité doit primer. Garantir une sécurité pérenne tout en limitant les essais cliniques à 4 ou 6 semaines est impossible ».