Cher lecteur, je suis ravi de vous retrouver pour le 88ème numéro de cette chronique ! Rentrée oblige, je vous propose de faire encore plus léger que d’habitude en nous cantonnant aux vacances de nos politiciens… avant de passer aux vôtres !
Chefs d’Etat : êtes-vous plutôt moto ou vélo ?
En politique, les vacances d’été sont l’occasion idéale pour en remettre une couche au sujet des valeurs que l’on prétend incarner. Figure centrale de l’exécutif russe depuis 1999, Vladimir Poutine n’a cessé de se présenter comme le champion incontesté de la toute puissance physique et de la virilité.
Cet été, pour ceux qui n’auraient pas encore compris que l’ancien directeur du FSB est une sorte d’hybride entre Gueorgui Joukov et Ivan Drago, le président russe a gratifié le public d’une nouvelle mise en scène qui fleurait bon la testostérone.
Le 10 août, Vladimir Poutine est ainsi arrivé en Crimée installé sur une moto Oural en vue d’assister à un rassemblement international de bikers organisé par les Loups de la nuit (un club de moto russe).
Du côté français, le fait marquant des vacances d’Emmanuel Macron semble avoir été de manger une pizza en compagnie de son épouse. Un régime « anti-homard » censé permettre au président de se rendre « plus humain », disent les esprits grincheux.
De Paris Match à l’homme qui se fera sans doute enterrer avec son écharpe rouge, c’est en tout cas le portrait qu’on nous a brossé.
Forcément, ça fait moins gros bras, en particulier lorsqu’on a l’habitude de se faire prendre en photo au guidon d’un vélo pour draguer l’électorat écolo.
Il n’en fallait pas plus pour qu’une certaine frange de la twittosphère – qu’un observateur taquin affuble du sobriquet « mongaullo-souverainiste » – nous propose un match entre les supporters du viril motard et ceux du frêle cycliste.
Je passe sur les commentaires bas du front pour vous poser la question : et vous, cher lecteur, préféreriez-vous être citoyen de l’éternelle et sainte Russie ou bien la France, malgré tous les travers évoqués au fil de cette chronique (et les autres), vous convient-elle mieux ?
Je vous laisse prendre le temps d’y penser… mais, pour vous aider dans votre réflexion, je vais tout de même vous proposer quelques chiffres utiles.
Parlons sous, tout d’abord. En 2017, le PIB russe s’élevait à 1 578 Mds$ et le PIB français à 2 583 Mds$. Malgré l’ascension de la Chine, la Russie reste certes un « géant politique », mais le pays est toujours un « nain économique ».
Source : World Mapper
Sur le plan du PIB, la Russie se positionne un chouia au-dessus de la Corée du Sud (1 531 Mds$ en 2017), et 12% au-dessus du Benelux, si vous préférez une référence européenne (1 382 Mds$ en 2017).
Comme l’a rappelé Dominique Reynié, lorsque l’on ramène ces chiffres au nombre d’habitants, ça se fait forcément ressentir :
Assez parlé sous, parlons libertés. Commençons avec quelques exemples frappants, si je puis dire.
La gestion par l’Etat français du mouvement des gilets jaunes a-t-elle été honorable ? Evidemment pas ; elle a été déplorable, et ce pour deux raisons.
D’abord, du fait du nombre de personnes éborgnées par la Police nationale. Ensuite, du fait du deux poids, deux mesures en comparaison du traitement des exactions perpétrées quotidiennement par la racaille de banlieue. L’Etat est en effet beaucoup plus tolérant vis-à-vis des violations de l’ordre public lorsqu’elles sont perpétrées dans les zones de non-droit.
Lors de la conférence de presse donnée le 19 août aux côtés d’Emmanuel Macron en prévision du G7, Vladimir Poutine a eu beau jeu d’évoquer le nombre de personnes blessées lors des manifestations des Gilets jaunes.
Cependant, comme l’a rappelé à juste titre Emmanuel Macron :
« En France, ceux qui ont manifesté se sont présentés aux élections. Ceux qu’on appelle gilets jaunes ont été librement aux élections européennes et iront aux municipales. Je souhaite qu’ils s’expriment librement aux élections parce que ça réduit la conflictualité. Nous sommes un pays où les gens peuvent s’exprimer librement, manifester librement… »
Même si les libertés civiles ont continué de se restreindre sous la présidence d’Emmanuel Macron, ce dernier a globalement raison. S’il avait voulu se la jouer gros bras, le président aurait d’ailleurs pu ajouter que l’on compte moins de journalistes d’investigation français que de journalistes russes « tombés d’un balcon »…
… ou encore que c’est un peu plus inconfortable en Russie qu’en France de faire partie de l’opposition, y compris à l’échelon municipal (des élections auront lieu le 8 septembre dans la capitale russe).
A Moscou, si vous n’êtes pas content de la façon dont se déroule le processus électoral et que vous décidez de le faire savoir dans la rue, vous risquez tout de même 15 ans de prison pour « émeutes de masse »…
Mais ce ne sont peut-être que des cas particuliers, me direz-vous ? Par vraiment.
Lorsque l’on prend en compte l’ensemble des libertés civiles et des libertés économiques, comme le fait chaque année le Cato Institute dans son Human Freedom Index [Indice des libertés humaines], la France se classe à la 32ème position sur 162 pays, soit bien devant la Russie et sa 119ème place (chiffres pour 2016 issus du rapport 2018 du Cato Institute).
Pour info, voici le top 10 :
Par ailleurs, si l’on se penche sur l’évolution de la Russie entre 2008 et 2016, on note une lente dégradation de la liberté humaine (de 6,53 à 6,27) mais surtout une diminution très prononcée de la liberté personnelle (de 6,53 à 5,71). Seule la liberté économique a légèrement progressé (de 6,52 à 6,83).
En France, au cours de la même période, la situation s’est certes dégradée sur les trois plans, mais dans des proportions bien moindres pour ce qui est de la liberté humaine et surtout de la liberté personnelle, ce qui permettait à la France de rester en 2016 bien plus libre que la Russie sur les trois critères évoqués.
Au final, il est vrai qu’Emmanuel Macron ne conduit pas de moto, mais lorsque l’on demande aux Russes comment ils se sentent dans leur pays, figurez-vous que la plupart d’entre eux expliquent que leur situation est moins enviable que celle des Français.
Source : World Happiness Report via Visual Capitalist
Bref, score final niveau bonheur de la population : 5,6 pour l’Etat dirigé par le motard des Loups de la nuit, contre 6,6 pour celui du cycliste à polo rose. Cet écart d’un point est considérable lorsque l’on sait que la Finlande – championne du monde – plafonne à 7,7.
Samedi prochain, nous resterons dans les hautes sphères de la société puisque nous passerons des vacances de nos présidents à celles de la jet-set !
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