Une meilleure gouvernance de la Zone euro pour plus de croissance ?

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Par Ferghane Azihari Publié le 19 octobre 2017 à 5h00
Zone Euro Gouvernance Economie Croissance
@shutter - © Economie Matin
1,7 %En 2016, la croissance de la zone euro a été de 1,7 %.

Un gouvernement central permettrait à l'Europe de renouer avec la croissance, selon ses partisans. Que ce soit pour imposer la rigueur ou la redistribution, les arguments sont faibles.

La Zone euro est régulièrement décrite comme la région la moins performante des économies occidentales, à tel point que le terme de « stagnation séculaire » s’est imposé parmi les économistes pour qualifier la croissance atone des pays membres de l’Union économique et monétaire (UEM).

Comment expliquer cette stagnation ? Pour les partisans de l’intégration politique du continent européen, c’est le défaut de gouvernance. La Zone euro serait incomplète. Il lui manquerait une union politique et fiscale pour mieux fonctionner. Le contenu de cette union politique et budgétaire reste à déterminer mais l’on peut déjà affirmer que deux doctrines sont en compétition.

Une union budgétaire fondée sur la rigueur ?

La première doctrine prône l’établissement de contraintes en matière de déficits et d’endettement publics. Les instruments mis en place ces dernières années (pacte budgétaire, Two pack, Six packs(1)) avaient officiellement cette ambition. Trois raisons conduisent cependant à douter de leur efficacité sur la croissance économique.

D’abord, ces dispositifs, s’ils se concentrent sur les déficits, ignorent complètement la question cruciale du niveau de dépense publique et de fiscalité. Faut-il préférer le gouvernement qui dépense 60% de la richesse nationale en étant à l’équilibre ou celui qui ne dépasse pas 20% de dépense publique avec un déficit légèrement supérieur à 3% ? Les deux autres raisons de douter de l’efficacité de ces règles tiennent à leur application. On n’a jamais vu un seul Etat officiellement sanctionné en raison du non-respect des critères de Maastricht alors que l’écrasante majorité des gouvernements de la Zone euro ne les respectent pas.

Ce laxisme est politique. Qui peut croire un instant qu’infliger une amende à un Etat qui peine à boucler son budget est efficace ? Comment une telle sanction passerait-elle dans l’opinion publique ? Que dire du traitement inégalitaire entre les petits Etats visés par les procédures relatives à l’endettement et aux déficits excessifs et les grands Etats qui n’ont jamais été inquiétés malgré une gestion loin d’être exemplaire ?

Signe de l’incapacité à mettre en oeuvre ces règles, la solution aujourd’hui adoptée par les dirigeants européens consiste à agiter la carotte plutôt que le bâton en conditionnant l’aide publique européenne aux pays en difficultés à la mise en oeuvre de « réformes ». « Réformes » entre guillemets car celles-ci ne vont pas nécessairement dans la bonne direction. En témoigne par exemple l’obsession des dirigeants européens à accroître la pression fiscale dans les pays en difficultés (comme la Grèce, ce qui ampute les perspectives de croissance) plutôt que d’y réduire le périmètre de l’Etat.

Une union budgétaire fondée sur un vaste système de redistribution ?

La deuxième doctrine discutée en matière d’union budgétaire consiste à mettre en place un gigantesque système de transferts budgétaires entre régions de l’UEM. Compte tenu de sa popularité dans les cercles de réflexion (voir par exemple les propositions de réforme d’Emmanuel Macron), on peut supposer que son adoption n’est qu’une question de temps. Cette doctrine attribue donc les problèmes de la Zone euro à un manque de transferts budgétaires.

L’argument est le suivant. Comme toute zone monétaire, la Zone euro devrait se doter d’un mécanisme redistributif pour absorber les chocs asymétriques, c’est-à-dire une modification brutale de la situation économique de régions qui appartiennent à cette même union monétaire. A défaut d’agir sur les prix (les salaires) et sur la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs pour lutter contre ces chocs, il serait nécessaire de réduire les inégalités économiques par le financement de services publics communs (infrastructures, assurance-chômage…).

On connaît les critiques habituelles sur l’efficacité de ces mécanismes (fiscalisation et pénalisation de la production, de l’épargne et de l’investissement, perversion des incitations, usage improductif des ressources, affaiblissement de la création de richesses). On peut se demander si cet argument ne serait pas finalement une sorte d’alibi économique à un sujet purement politique. En 2016, un rapport(2) produit par le think tank européen Bruegel (qui milite ouvertement pour une plus grande intégration européenne) admettait par la voix de ses auteurs (Maria Demertzis et Guntram B. Wolff) que « l’expérience montre que les différences structurelles peuvent persister […]. Mais si les différences sont trop importantes, elles ne pourraient pas être soutenables sur le plan politique ».

Autrement dit, la mise en place de cette redistribution vise avant toute chose à utiliser l’argent des citoyens pour acheter leur adhésion au projet politique européen. A regarder les réactions négatives que peuvent susciter les transferts budgétaires dans d’autres Etats-nations (cf les protestations de la Catalogne contre l’Espagne, celles de la Flandre contre la Belgique ou encore le mécontentement des contribuables allemands à l’égard des pays du Sud de l’Europe), il n’est pas sûr que ce soit un facteur de cohésion sociale, en particulier avec des pays entre lesquels il n’existe aucun sentiment national pour appuyer la légitimité d’une redistribution des richesses.

Faut-il cependant condamner toute perspective de monnaie commune en Europe ? Non. A condition, toutefois, d’admettre qu’une zone monétaire n’a nullement besoin d’un gouvernement central pour fonctionner correctement.

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici

1- Deux « paquets législatifs » européens, appelés « six pack » et « two pack » ont été adoptés en 2012 et 2013. Le « six pack » accorde à la Commission la faculté de demander des corrections aux projets de budget des Etats membres. Dans ce cas, ces derniers doivent publier un « plan d’action correctif. » La Commission peut aussi limiter la croissance des dépenses publiques des Etats pour éviter tout dérapage. Ces paquets législatifs comportent aussi un volet répressif avec amende possible.

2- Maria Demertzis and Guntram B. Wolff, What are the prerequisites for a euro-area fiscal capacity? Policy Contribution Issue n°14 | 2016

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Étudiant en droit et en science politique à l’université de Paris-Est Créteil Val-de-Marne, Ferghane Azihari est coordinateur local pour Students for Liberty, un réseau international destiné à promouvoir l’économie de marché. Il est également chargé de mission pour l’École de la Liberté, une plateforme de recherche et d’éducation destinée à faire connaître la tradition libérale à travers le prisme de toutes les sciences humaines. Il publie régulièrement pour le magazine Contrepoints en France, l’Institut Ludwig von Mises aux États-Unis. Il est également rédacteur chez Young Voices. Ses centres d’intérêt se portent plus particulièrement sur les politiques européennes, les relations internationales, la fiscalité et plus généralement les rapports entre le droit positif et la concurrence.

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