L’article précédent montre pourquoi, pays par pays, le revenu total du travail est ce qui reste du revenu global après constitution du revenu total des placements. Conjointement à cette soustraction, une règle de trois régit la répartition du revenu global, toujours pays par pays.
La structure de cette règle de trois est mathématiquement élémentaire. Soit les trois variables X, Y et Z et les trois ratios (les trois rapports significatifs) A = X / Y, B = Z / Y, C = X / Z. Le ratio A est toujours égal au produit du ratio B par le ratio C puisque X / Y est toujours égal à (Z / Y) fois (X / Z). Avec par exemple Z = 8, Y = 100, Z = 400 : A = 8 %, B = 4 (400 / 100), C = 2 % (8 / 400) : 8 % est égal à 4 fois 2 %.
J’indique dans l’argumentation de la proposition 8.5 qui est à ma connaissance le découvreur de l’application de cette règle de trois en comptabilité économique. Ce fût en Amérique il y a plus d’un siècle, dans un groupe industriel. Bien que cette application soit consacrée par un acronyme en anglais devenu fameux, la théorie économique générale en a mésusé. Ce n’est évidemment pas pour des raisons mathématiques. En revanche et sans nul doute, c’est à cause de choix conceptuels pollués par le parti pris du subjectivisme économique. Même si les économistes dont les travaux ont été récompensés par le prix annuel de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel se prononçaient tous contre les conventions terminologiques suivantes, puis que de génération en génération cette obstination persistât, ces conventions resteraient à jamais logiquement solides et scientifiquement recevables.
La rentabilité
N’appelons « rentabilité » qu’un taux de marge, ou de revenu de placement, sur stock. Dans cette définition, au sens de ce concept en logique des ensembles finis, « stock » est utilisé dans son sens économique le plus général, par distinction d’avec « flux » (sur cette distinction, Economie Matin du 16 mars). Les bilans sont des comptes de stock (Economie Matin du 25 mars), les comptes de résultat sont de flux (Economie Matin du 30 mars). Seul un ratio entre un gain G, extrait d’un compte de résultat ou d’un ensemble de comptes de résultats, et un stock S, extrait d’un bilan ou d’un ensemble de bilans, est en économie définie une rentabilité R telle que R = G / S.
Un taux de profit sur capital est un ratio de la famille des rentabilités. Un taux d’intérêt l’est également. Sont aussi des rentabilités les taux de marge brute sur stock moyen et les taux de marge directe sur actif direct. Un taux de marge sur chiffre d’affaires ou sur prix de revient des ventes appartient, lui, à une autre famille que celle des rentabilités ; je vais dire laquelle dans quelques paragraphes.
De toute évidence, rendre la famille des rentabilités logiquement homogène évite des malentendus et des erreurs. Soit une entreprise où, comme cela reste encore de loin le plus fréquent, on ne s’astreint pas à l’usage univoque du concept de rentabilité. Supposons que le taux de marge sur chiffre d’affaires pour l’activité 1 se trouve être nettement plus petit que pour l’activité 2. La direction et ses conseils estiment que mieux vaut se défaire de l’activité 1 et pousser l’activité 2. En réalité et au sens univoque ici attribué au concept de rentabilité, il se trouve que c’est la rentabilité directe de l’activité 1 qui est plus grande que celle de l’activité 2, comme cela arrive souvent. Par manque de discipline terminologique, un point clé du réel économique n’est ni observé ni traité pour ce qu’il est.
La productivité
N’appelons « productivité » qu’un rapport dont le numérateur et le dénominateur sont respectivement un flux de ventes et un stock. En économie définie de telle façon qu’elle soit aussi objective que possible, seul un ratio entre un flux F, autre qu’une marge, et un stock S est une productivité P telle que P = F / S.
Une « productivité par facteur de production » existe, affirment les religionnaires du marginalisme. C’est un artifice. Examinons donc le cas d’un agriculteur qui travaille seul. Dans le stock que le travail de cet agriculteur met en œuvre se trouvent des machines, ainsi que d’autres « facteurs de production » tels qu’un fonds de salaire, car l’agriculteur qui travaille seul n’en est par moins économiquement salarié à raison des revenus de son travail. Quelle part de la production de cet agriculteur est attribuable à sa qualité de salarié ? Quelles autres parts sont attribuables aux machines, aux variétés culturales, aux engrais utilisés, à la terre elle-même, au climat, etc. ? Ces questions resteront à jamais sans réponse certaine. Aucun processus de production ne met en œuvre des ressources indépendamment les unes des autres. C’est toujours et partout la combinaison des entrants de toute nature qui est productive.
D’autres considérations sur la notion de productivité dans l’argumentation de la proposition 8.7.
La profitabilité
N’appelons « profitabilité » qu’un taux de marge, ou de revenu de placement, sur flux. L’abréviation P venant d’être affectée à la productivité, notons P’ la profitabilité. Seul un ratio entre un gain G et un flux F, l’un et l’autre extraits d’un compte de résultat ou d’un ensemble de comptes de résultats est en économie objective une profitabilité P’ telle que P’= G / F.
Aux esprits disposés à l’accréditation de cette clarification, on ne peut que conseiller de prendre l’habitude que voici. Dès qu’un ratio a pour numérateur un revenu de placement, dont notamment du profit, ou une marge, dont notamment du bénéfice d’entreprise, il y a lieu de se demander s’il s’agit, certainement ou probablement, d’une rentabilité R ou d’une profitabilité P’. Ce qui suit rend impératif de ne pas prendre l’une pour l’autre.
La relation RPP’
Avec, comme ci-dessus, G de Gain, S de Stock et F de Flux premièrement, puis avec, toujours comme ci-dessus, R de Rentabilité, P de Productivité et P’ de Profitabilité deuxièmement, vient en déclinaison de la règle de trois évoquée au début du présent article l’équation générique G / S = (F / S) fois (F / G). Vient conséquemment la relation économique elle aussi générique R = P fois P’: toute rentabilité R est égale au produit d’une productivité P par une profitabilité P’.
Par des faits que commencent à relater le chapitre huit (La répartition) et qu’exposent plus avant le chapitre onze (Les prix) de la science économique de base en douze chapitres (Economie Matin du 29 décembre), c’est en milliards que se compteraient, s’il était possible de les dénombrer, les relations RPP’ actives ou potentiellement actives, nationalement et internationalement. Cela fait penser aux synapses d’un immense système nerveux stimulant et régulant le fonctionnement des alvéoles d’un gigantesque poumon. Même équipé de toutes les bases de données informatisées qu’on voudra, aucun étatisme ne peut être aussi régulateur et stimulateur dès lors que des soins assez diligents sont apportés au bornage de la liberté d’offrir par la liberté de choisir et à la présence de ratios économiques de première importance dans le système des poids et mesures.
RT = RG moins (RDP fois RG / PDP)
Mais tenons-nous-en ici à la relation RPP’ qui est active à l’échelle macronomique du revenu global et de sa répartition. À ce niveau interviennent la Rentabilité Des Placements (RDP), la Productivité Des placements (PDP), la Profitabilité du Revenu Global (P’RG). Cette dernière exprimée en pourcentage est par définition le complément à 100 du Revenu total du Travail (RT, Economie matin du 15 juin).
État par État et période après période, le revenu global (RG), la rentabilité des placements (RDP) et la productivité des placements (PDP) déterminent le revenu total du travail (RT). Dans l’équation que la démonstration de cette proposition met au jour, le fait que le RT résulte d’une différence est pris en compte et l’autre fait que la règle de trois RPP’ participe à la détermination de ce reste est à son tour pris en compte : RT = RG moins (RDP fois RG / PDP).
Tous les cas de niveau et d’évolution du revenu médian du travail
De cette dernière équation se déduisent tous les cas de progression, de stagnation et de régression du RT. Il y a notamment une hausse de ce dernier s’il y a 1) hausse du RG, 2) stabilité de la RDP, 3) hausse de la PDP. Mais qu’en est-il, en économie concurrentielle, de la tendance normale respectivement de la rentabilité et la productivité des placements, ainsi que par conséquent de la profitabilité du revenu global ? L’article suivant répondra à cette question.