Uber : le coup d’Etat de l’URSSAF Ile-de-France

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Par Eric Verhaeghe Publié le 17 mai 2016 à 10h01
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@shutter - © Economie Matin
100 MILLIONS $Uber a trouvé un accord amiable à 100 millions de dollars pour clore une class-action américaine visant à requalifier ses chauffeurs en salariés.

Le gouvernement hésitait depuis longtemps à attaquer Uber en légiférant sur le lien de subordination que les chauffeurs entretiendraient avec la plate-forme. Autrement dit, des voix avaient penché à gauche depuis longtemps en faveur d’une reconnaissance du statut de salarié aux chauffeurs. C’est la méthode la plus simple pour tuer l’innovation: considérer que le travail libre des chauffeurs est en réalité un contrat de travail qui doit être soumis à cotisations sociales.

Le gouvernement a finalement renoncé, et l’URSSAF l’a fait. Une dépêche annonce que l’URSSAF Ile-de-France a saisi les tribunaux sur la requalification des liens entre chauffeurs et plate-forme. En l’espèce, c’est une procédure pour travail dissimulé qui est lancée au Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) et au pénal. La très grande classe pour un organisme de sécurité sociale supposé protéger ses cotisants!

L’URSSAF a bien compris la menace Uber

Sans surprise, le Léviathan de la Sécurité Sociale a aussi peur que faim. Faim de cotisations qui lui échappent avec le développement (encore embryonnaire) de nouvelles formes de travail non soumises à cotisation. Peur de perdre le contrôle de la société. L’URSSAF est en effet en charge du recouvrement des cotisations sociales de l’ensemble du secteur privé.

Toute entorse à l’universalité des compétences urssafiennes constitue en effet un crime de lèse-sécurité sociale et une menace potentielle. Rien n’effraie plus la sécurité sociale que de voir interrompu son mouvement d’expansion permanente.

Qui a décidé à l’URSSAF Ile-de-France?

Reste que personne ne sait clairement, à ce stade, quelle mouche a piqué l’URSSAF Ile-de-France. S’agit-il d’une décision politique prise par le président MEDEF de cette URSSAF régionale? S’agit-il d’une décision validée par la tutelle ministérielle, exercée par Marisol Touraine? S’agit-il d’une décision prise par la seule technostructure de l’URSSAF?

Chacun de ces scénarios donne une portée différente à la décision. Selon l’implication plus ou moins grande des instances politiques dans le choix d’attaquer en justice la plate-forme californienne, on voit bien que l’impact est différent pour l’ensemble du système.

L’URSSAF, ce gouvernement profond

Une hypothèse très vraisemblable est celle d’une insistance forte de l’URSSAF auprès de sa tutelle à passer à l’action au nom des prérogatives qui lui sont données par le code de la sécurité sociale. Bien entendu, ce code ne prévoit en aucune manière la possibilité laissée à une union régionale de se substituer au gouvernement pour définir l’attitude à tenir face à l’économie numérique. En revanche, il légitime l’URSSAF dans les actions contentieuses pour récupérer les cotisations qui lui sont dues.

On voit comment, dans ce cas de figure, l’URSSAF tord les textes pour servir le gouvernement profond: protéger coûte-que-coûte le monopole de la sécurité sociale face à de nouvelles formes de travail.

L’utilité politique de la sécurité sociale

On sait en effet depuis longtemps que le monopole de la sécurité sociale n’est pas un enjeu social mais politique.

Socialement, les prestations offertes par la sécurité sociale sont fortement dégradées par rapport à des systèmes de protection sociale plus enclin à gérer le risque de façon efficace. En revanche, elle permet de « tenir » le petit peuple en lui offrant sans efforts des prestations de solidarité financées par les classes moyennes.

C’est pour cette raison que le gouvernement profond et ses technocrates favoris défendent avec autant d’ardeur notre système de protection sociale. Les Juppé, les Lemaire, adorent ce mécanisme d’équilibrage de la société qui permet d’arrondir les angles en préservant une égalité toute factice mais très populiste.

L’URSSAF en service commandé pour Marisol Touraine?

On imagine d’ailleurs assez mal que Marisol Touraine n’ait pas été au moins informée des intentions belliqueuses de l’URSSAF d’Ile-de-France. Le directeur de celle-ci sait trop qu’il risque beaucoup dans ce dossier pour n’avoir pas, au préalable, obtenu la protection de sa ministre.

Une fois de plus, la politique du gouvernement socialiste est donc indécodable. Ce qui est donné d’une main est repris de l’autre. À moins que personne, dans les cabinets entourant nos ministres, n’ait saisi la portée de ce qui se tramait au sein de l’URSSAF de Paris.

Dans tous les cas, on suivra avec attention la riposte d’Uber. Nous pouvons d’ores et déjà leur glisser quelques suggestions amicales. Par exemple, il y a sans doute beaucoup à creuser du côté de la régularité des statuts de l’URSSAF et du respect des procédures internes. En outre, l’article du Code de la sécurité sociale fixant les prérogatives des URSSAF mérite probablement un bel examen critique avec quelques questions prioritaires de constitutionnalité à la clé sur le droit qu’une instance de recouvrement peut avoir à décider de sanctions et de saisines judiciaires.

Dans les URSSAF, il existe des pouvoirs élargis qui flirtent avec la méconnaissance des libertés publiques fondamentales.

Et pourquoi des entrepreneurs ne se joindraient-ils pas à cette action pour renverser les bien trop gourmandes et puissantes URSSAF?

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "