Du pognon dingue à la TVA sociale

Par Bertrand de Kermel Publié le 3 juillet 2018 à 5h00
Tva Sociale Revolution Numerique France
@shutter - © Economie Matin
149,3 milliards €En 2014, la TVA a rapporté 149,3 milliards d'euros à l'Etat.

« Encore le serpent de mer de la TVA sociale dont personne veut ! Vous n’avez vraiment rien d’autre à écrire », allez-vous dire ?

Non, cher lecteur, je n’ai rien d’autre à écrire (du moins aujourd’hui), parce que le sujet est un vrai sujet. Il faut le régler, sinon la privatisation de la sécu s’imposera probablement entre 2020 et 2030. La compétitivité de la production française, une condition à l’équilibre des recettes fiscales Depuis 1945, notre protection sociale est financée par les charges sociales. Celles-ci sont assises sur les salaires. Comme leur nom l’indique ces charges sociales sont des charges de l’entreprise. Elles sont donc incluses dans le prix de revient des produits, donc dans leur prix de vente. Par conséquent, in fine, les cotisations sociales, sont payées par les consommateurs.

Dans une économie fermée (1945 – 1990), ce système était cohérent, car toutes les entreprises françaises acquittaient les mêmes charges. En outre, les produits importés supportaient des droits de douane destinées à les placer au même niveau de concurrence que les produits fabriqués en France. La concurrence était libre et loyale. Dans une économie ouverte à tous vents, comme c’est le cas de la mondialisation d’aujourd’hui, cela pose problème, car nos produits nationaux ne seront jamais compétitifs. Beaucoup de produits concurrents, importés sans droits de douane de pays en développement, ont des prix de revient très inférieurs aux nôtres.

La situation actuelle revient à pénaliser le produit français et à avantager le produit importé. C’est un défi au bon sens. C’est ce que certains experts ont pu dénommer « un droit de douane à l’envers ». D’où les délocalisations pour redevenir compétitif.

La TVA sociale se substitue à certaines charges sociales

Alors que faire ? Simplifiée à l’extrême, l’idée de la TVA sociale consiste à supprimer les charges sociales de nos entreprises (patronales et salariales), d’où une baisse des prix de revient et donc des prix de vente des produits fabriqués en France. Cette suppression de charges est alors compensée par une TVA dite « sociale », affectée au financement de la sécu. Le prix de vente des produits français reste globalement au même niveau.

Les conséquences de cette réforme sont fondamentales, car la TVA sociale est appliquée indistinctement à tous les produits vendus en France, qu’ils soient nationaux ou importés. Comme par le passé, notre protection sociale est donc financée par le consommateur, mais son assiette est élargie aux produits importés. Ce mode de financement devient alors pérenne, et rend les délocalisations moins attractives (double avantage). La concurrence, devrait limiter voire annuler les hausses des produits importés, les marges des importateurs étant largement suffisantes pour supporter quelques points de TVA.

Financer la sécu par des prélèvements sur les salaires, une voie sans issue

Pour remédier à l’absurdité du système actuel dans notre économie ouverte, nos gouvernants adoptent une autre démarche. Ils préfèrent baisser et/ou supprimer régulièrement les charges sociales de nos entreprises. Ils compensent ces baisses on ne sait trop comment, mais probablement par des déficits supplémentaires. Comme la dette publique de la France était de 97% du PIB fin 2017, il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir que nous sommes dans une spirale non pas vertueuse mais vicieuse. Elle nous forcera tôt ou tard à privatiser la sécu. La TVA sociale s’impose pour une deuxième raison aussi importante que la mondialisation : le développement de la robotisation, de l’économie numérique et de l’intelligence artificielle. Qu’on en juge.

Le Forum Économique Mondial de Davos a consacré sa session 2016 à cette révolution numérique qu’il a dénommée : « la quatrième révolution industrielle ». Un résumé des travaux échangés à Davos a été publié par le journal « Les Echos » 25 janvier 2016 sous le titre : « Le regard des économistes sur la quatrième révolution industrielle ».

On peut y lire que « l’impact de cette révolution pourrait affecter jusqu’à 20% du PIB et 40% des emplois en 2030 ». Or, on ne l’arrêtera pas. Nous ne pouvons plus continuer de financer la sécu uniquement par un prélèvement sur les salaires, comme si nous étions encore en 1945, et de baisser les charges à chaque échéance électorale, en augmentant la dette publique. En conclusion : certes, les études et les chiffres montrent que la TVA sociale ne pourra jamais, à elle seule, financer notre protection sociale. (Selon l’Institut Montaigne, un point de TVA rapporte 6,5 milliards d’euros). Il faut donc imaginer plusieurs modes de financement complémentaires les uns avec les autres, adaptés à une économie ouverte, plus toutes les économies utiles.

Mais un point semble certain : si on ne fait pas participer au financement de la sécu les produits importés, les robots et les produits fabriqués par les robots via la TVA, nous serons forcés de privatiser la sécu entre 2020 et 2030, puisque 40% des emplois seront touchés par la quatrième révolution industrielle.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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