Trump vient d’être élu président des Etats-Unis malgré une extraordinaire campagne de dénigrement orchestrée par le gouvernement profond et ses thuriféraires habituels que sont les grands médias subventionnés. Cette campagne a probablement marqué un tournant dans l’histoire contemporaine, puisqu’elle ne fut pas seulement menée aux Etats-Unis, mais dans l’ensemble des démocraties libérales. La presse subventionnée en France s’en est largement fait l’écho et n’a pas ménagé sa peine pour mériter son salarie à force d’injures, d’ordures dont elle a pu couvrir l’impétrant.
Reste maintenant à savoir quelle stratégie va mener Trump pour délivrer sa promesse: va-t-il entrer en conflit frontal avec le complexe militaro-industriel américain, qui constitue le noyau dur du gouvernement profond Outre-Atlantique, ou va-t-il chercher un modus vivendi pour ne pas être barré dans sa présidence?
La question n’est pas anodine, dans la mesure où elle constitue un intéressant laboratoire pour l’Europe, et singulièrement pour la France.
Les deux ruptures entre Trump et le gouvernement profond
Si le gouvernement profond s’est mobilisé autant qu’il a pu pour conjurer la candidature Trump, l’explication tient à deux points de programme qui constituent autant d’impossibilité majeures aux Etats-Unis.
D’abord, Trump a pris son parti dans la crise du multilatéralisme mondialisant que nous traversons. Il a annoncé son intention de rompre avec la doctrine du libre-échange et avec les accords globaux qui le structurent aujourd’hui. Du même coup, il remet en cause les rentes constituées par les grands groupes transnationaux. On se souvient que la stigmatisation dont le mot « nation » souffre aujourd’hui s’explique largement par cette visée transnationale.
Ensuite, Trump fait les yeux doux à la Russie de Poutine, ce qui constitue une ligne rouge pour le complexe militaro-industriel, jamais avare d’une intervention armée dans le monde pour maintenir son chiffre d’affaires.
Sur ces deux points, Trump a déclaré la guerre aux forces qui aiguillonnent la politique américaine depuis plus de 70 ans.
Face à la victoire…
Voici Trump au pouvoir, ou, en tout cas, près d’y accéder, et personne ne sait combien de temps pourra tenir sa stratégie de rupture. La situation en est d’autant plus passionnante qu’elle concerne l’ensemble des pays qui sont entrés, malgré la volonté populaire, dans des dispositifs multilatéraux qui les étreignent. On s’amusera d’ailleurs à voir que les principaux adversaires de Trump en Europe partagent pourtant beaucoup de ses vues sur le commerce international. Mais, on est bien d’accord, se prétendre vertueux n’empêche pas d’être manipulé…
Pour Donald Trump, la situation est très simple: soit il « fore droit » et entre en conflit direct avec les lobbies qui ont cherché à lui faire barrage. Soit il renonce à cette ascension de l’Everest par la face Nord et il se ménage des possibilités de compromis pour stabiliser la situation.
Le scénario du conflit
À quoi s’expose Trump en cas de conflit ouvert avec le gouvernement profond? La tentative de sauvetage d’Hillary Clinton par le FBI dans la dernière ligne droite de la campagne électorale a donné une bonne illustration des manoeuvres qui se jouent en coulisses quand on veut abattre un gêneur ou sauver un allié. On fouille dans les dossiers, les archives, les vies privées, et on exhume le document qui va bien pour déstabiliser l’adversaire.
Trump le sait et a d’ailleurs remercié les services secrets dans son premier discours. Ce sont les seuls services qu’il ait nommé clairement, avec les 200 généraux qui l’auraient soutenu durant la campagne. Ces petites pensées de début de mandat ne sont évidemment pas anodines: Trump sait qu’un président américain n’est rien sans l’appareil de sûreté nationale qui tient le pouvoir. Le dossier Kennedy est là pour le rappeler.
Si Trump entrait en conflit ouvert avec le gouvernement profond, il s’exposerait donc à des mesures de rétorsion qui auraient un fort impact sur l’économie mondiale et sur la situation politique américaine. Il serait intéressant de voir s’il pourrait en sortir vainqueur.
Le scénario du compromis
Assez raisonnablement, Trump devrait donc choisir un moyen terme, car le rapport de force existant ne lui en laisse probablement pas le choix. Il devrait souhaiter mener des réformes intérieures en priorité pour accroître sa légitimité, et prendre du temps pour modifier les grands éléments de la politique américaine, à savoir le multilatéralisme et la stratégie frontale avec la Russie.
Dans ce scénario, Trump se présentera en « meilleur gardien du camp », occupé à la viabiliser et à la remettre sur le rails après des années de désinvestissement public. Absorbé par son « New Deal », il attendra son heure (ou pas) sur la scène internationale, conscient que des (dés)équilibres patiemment construits depuis la chute du mur de Berlin ne peuvent être bouleversés du jour au lendemain.
Trump va-t-il décevoir rapidement?
Dans cette hypothèse, rien n’exclut qu’il y ait rapidement, au moins dans l’opinion mondiale, une déception Trump. Tous ceux qui souhaitent une remise en cause de l’ordre mondial tel qu’il existe, pour des motifs souvent très différents, risquent de rester sur leur fin. Paradoxalement, c’est peut-être le danger le moins grand que Trump court sur la scène intérieure, mais le danger le plus grand que nous courons sur la scène internationale.
On sent bien que les habits du monde, taillés en 1945 et retaillés dans les années 90 pour tenir compte de l’implosion soviétique, ne sont plus adaptés aux réalités contemporaines. La Syrie, l’Afrique, sont autant de volcans qui témoignent de l’activité sismique qui agite le monde. Dans la pratique, la rente pétrolière accordée à quelques monarchies islamistes est devenue un cancer qui supposera tôt ou tard une chimiothérapie brutale. Et nous avons tous bien compris que Poutine se voit volontiers en radiologue en chef.
La politique étrangère annoncée par Trump constitue probablement la dernière porte de sortie pacifique avant que Poutine ne se décide à agir. Un renoncement de Trump pourrait nous coûter très cher.
La mort programmée de l’Europe
Pour l’Europe, en effet, la situation est critique.
Soit Trump met à exécution sa stratégie de retour au bilatéralisme et à l’alliance avec la Russie par-dessus l’épaule de l’OTAN, et c’est la mort de l’Europe. Trump demandera alors à ses alliés locaux de payer pour la couverture militaire qu’il leur accorde. L’Allemagne en sera la première victime et sera la grande perdante du nouveau jeu des puissances. On prend d’ores et déjà les paris sur le réveil du nationalisme allemand (déjà bien entamé). Merkel pourra nous reprocher éternellement de n’avoir pas signé le TAFTA avant le départ d’Obama et pourra rejeter sur nous le poids de la révolution nationaliste allemande qui se prépare.
Soit Trump renonce à ses promesses pour ne pas déclarer la guerre à son gouvernement profond, et il accepte de nous livrer tout crus aux conflits continentaux qui se préparent. Poutine ne restera pas éternellement dans les postures face aux déséquilibres de moins en moins tenables qui frappent sa sphère d’influence.
Dans les deux cas, le multilatéralisme européen deviendra un boulet trop lourd à traîner.
Un laboratoire pour la France
Mais, en attendant que ces plans sur la comète ne se mettent en place, les Français ont évidemment tous la même question en tête.
Les médias subventionnés, dans leur servilité à courte vue, ont identifié Trump et Marine Le Pen. Les deux candidats ont subi et subissent encore les mêmes accusations de populisme, de démagogie, d’incompétence, d’extrémisme, de racisme, de sexisme, et autres calembredaines dont l’opinion publique n’est plus dupe. La même logique de bannissement a agi.
Mais alors… si Trump peut gagner aux Etats-Unis en ne reniant rien de ses aspérités, pourquoi Marine Le Pen ne gagnerait-elle pas en France?
Forcément, le parallèle est fait, et la capacité de Trump à prendre le contrôle effectif de la machinerie gouvernementale aux Etats-Unis tiendra lieu de campagne électorale pour Marine Le Pen. En réalité, ce qui se joue en France en 2017 commence aux Etats-Unis aujourd’hui. Pour le Front National, la réussite de Trump sera cruciale. Que Trump donne le sentiment de réussir d’ici mai 2017, et Marine Le Pen n’aura pas besoin de faire campagne pour remporter le scrutin. Qu’il se plante, et Marine Le Pen n’a plus aucune chance.
À quoi, parfois, tient le destin des peuples…
Une chose est sûre: la démocratie représentative entre dans une profonde mutation.