35 heures : une fausse polémique, encore !

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 22 juillet 2016 à 11h47
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@pixabay - © Economie Matin
12 MILLIARDS €Martine Aubry a vidé les caisses de l'Etat de 12 milliards d'euros par an au titre des compensations de cotisation

ARTICLE ÉCRIT POUR LE FIGAROVOX.

Mediapart a livré un article conspirationniste sur les 35 heures qui laisse dubitatif. Sous l’étonnant titre: « Les inspecteurs de l’Igas réhabilitent les 35 heures », on y lit que le gouvernement aurait étouffé un rapport administratif révélant que les 35 heures avaient créé 350.000 emplois. Pour empêcher cette réhabilitation en beauté d’une mesure décriée depuis sa promulgation, l’équipe en place aurait coincé le rapport sous une armoire pour que personne ne puisse le lire.

Cette information relève évidemment du bidonnage le plus absolu, et il fallait bien exhumer les vrais chiffres pour démonter l’opération de propagande assez navrante qui est à l’oeuvre.

Les 35 heures n’ont créé que 350.000 emplois

Officiellement, l’IGAS affirme que les 35 heures ont créé 350.000 emplois entre 1998 et 2002, soit environ 90.000 emplois par an. Soit moins de 10.000 emplois par mois. Quelle révélation! le problème est que tout le monde le sait depuis longtemps, que personne ne le conteste, et que ce chiffre de 350.000 emplois est bien au coeur de la polémique.

Pour ne créer que 350.000 emplois, Martine Aubry a mis les partenaires sociaux dans un corner, elle s’est fâchée avec les entreprises, elle a vidé les caisses de l’Etat de 12 milliards par an au titre des compensations de cotisation, et elle a mis en place, pour tous les salariés « bénéficiaires » de la mesure une modération salariale durable qui a pourri le climat dans les entreprises.

La bonne façon de présenter les « créations d’emplois » dues aux 35 heures est de dire que chacun de ces emplois bénéficie d’une subvention annuelle de 40.000 euros financée par le contribuable. Une très grande réussite!

Des chiffres sous les annonces de Martine Aubry

Au demeurant, le constat qui est dressé par le rapport de l’IGAS constitue un désaveu cinglant pour les ambitions affichées à l’époque par Martine Aubry. Dans un long discours de 1999, l’amère du Nord avait par exemple annoncé que les 35 heures créeraient 100.000 emplois par an pendant le mandat de Lionel Jospin. Le bilan affiché par l’IGAS est donc inférieur aux promesses faites à l’époque.

Dès 2005, l’INSEE avait d’ailleurs pointé la déception que ce chiffre de 350.000 emplois (connu de longue date) avait constitué. Rappelons en effet que certaines études avaient suggéré que cette mesure très coûteuse pourrait créer jusqu’à 800.000 emplois. En réalité, la France n’en a même pas connu la moitié.

Le rapport de l’IGAS qu’on nous cacherait pour dissimuler les bienfaits des 35 heures n’est donc que la énième répétition d’un chiffre connu depuis plus de 10 ans, non contesté depuis cette date, et qui résonne comme un camouflet pour le gouvernement Jospin.

La contre-performance face au chômage

On voit bien la tentation de réduire la question des 35 heures à une bataille de chiffres. Il faut singulièrement être naïf ou ignorant pour soutenir, à défaut de croire, que 350.000 emplois créés avec une mise 12 milliards d’euros est un bon score.

Chaque mois, rappelons-le, ce sont près de 500.000 personnes qui sortent des statistiques de Pôle Emploi, et, bon an mal an, à peu près autant qui y entrent. 350.000 créations d’emplois en 4 ans ne permettent donc même pas d’éponger un mois de statistiques de Pôle Emploi. Ce contre-performance pour 12 milliards € est un scandale absolu, l’illustration de la faible imagination de la gauche au pouvoir, et de son contentement pour pas grand chose.

Le prolétaire victime des 35 heures

Les gens de gauche feraient bien de s’interroger sur la dégradation des conditions de travail que les 35 heures ont causées. D’une part, les salariés ont été sommés de produire en 35 heures autant qu’en 39 heures. Partout, et à commencer dans les hôpitaux, la mesure s’est traduite par une augmentation des cadences et du stress au travail.

D’autre part, les salaires ont cessé d’augmenter plus vite que l’inflation à partir de cette époque. Pour récupérer les 4 heures hebdomadaires payées et non prestées, les employeurs ont largement sacrifié les salaires.

Autrement dit, pour quelques créations d’emplois à peine visibles, c’est la condition de tous les salariés qui en a pris un coup, et pour de longues années. Il faut évidemment s’intéresser un peu à la vie en entreprise pour le mesurer. Mais il est sûr que les 35 heures ont constitué un choc social négatif pour tous ceux qui ont subi leur mise en place.

Comment les mythes se construisent

Au demeurant, toutes ces informations sont archi-connues de longue date. Simplement, c’est d’un complotisme bien-pensant que de les oublier, et que de prétendre que cet oubli s’explique par une vaste opération de dissimulation publique. On peut s’interroger, une fois de plus, sur la capacité de la gauche obsolète à sortir de ces dénis sur les préjugés qui la guident, et qui ont conduit ce pays à sa ruine.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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