Après l’offensive groupée menée contre le travail dominical et les multiples démantèlements de ZTI (Zones de Tourisme internationales) obtenus pour de pures raisons formelles, voilà que les tenants de la vision du travail la plus rétrograde qui soit se sont trouvés un nouveau cheval de bataille : l’ouverture nocturne des commerces parisiens.
De prime abord, le bon sens voudrait qu’au cœur d’un centre urbain comme celui de la capitale, actif de jour comme de nuit et où les profils professionnels et sociaux les plus divers se côtoient, les enseignes de distribution puissent offrir leurs services jusqu’à 23h. Pourtant, le conglomérat syndical Clic-P, emmené par la CGT, vient bel et bien d’obtenir en justice la fermeture des magasins Monoprix dès 21h dans tout Paris et ainsi de poursuivre son œuvre de sape de nos forces vives économiques comme humaines.
D’aucuns se souviendront du feuilleton ubuesque du magasin Séphora des Champs-Élysées, déjà contraint en 2013 à la fermeture dès 21h sous pression des syndicats. Comble du ridicule, ceux-ci, largement non-représentatifs et donc illégitimes, s’étaient vus en retour assignés devant les tribunaux par les employés évidemment lésés. Les conséquences ne s’étaient pas fait attendre : licenciements en chaine, effondrement du chiffre d’affaire, etc… En clair, le désastre financier et social fut aussi absolu qu’absurde, aussi inutile que tragique. Ce précédent nous impose aujourd’hui un constat sans appel : les magasins parisiens, leurs employés volontaires et leurs clients ne sauraient plus plier devant les forces du passé, anonymes et extérieures, l’idéologie ne saurait encore l’emporter sur les besoins les plus fondamentaux des parties concernées. Dès lors, nous devons tous prendre la pleine mesure de la situation imposée aux magasins Monoprix.
La fermeture actée par la justice ignore allègrement la réalité économique et sociale de l’emploi en soirée. Horaires allégés, salaires majorés, emploi du temps adaptés à certains types de salariés, consommateurs revenant eux-mêmes de leur site de travail tardivement… Dans les faits, c’est toute une frange de la population parisienne qui se voit précarisée par cette décision, allant des étudiants, pour lesquelles ce créneau constitue une opportunité sans égal de financer leur cursus universitaire, aux individus les plus en difficulté, ayant un besoin vital de la majoration de la paye horaire pour joindre les deux bouts en fin de mois. L’ironie de voir les syndicats s’attaquer aux plus fragiles, tout en prétendant les défendre, et favoriser le développement du E-commerce qu’elle conspue d’autre part, serait presque cocasse, si elle n’était pas aussi révoltante. Que ce soit par ignorance coupable ou hubris médiatique, la Clic-P a nui aux intérêts de tous ceux qu’elle entend représenter. Elle a sacrifié leur consensus pragmatique sur l’autel de sa lecture monomaniaque d’un monde du travail, figé au XIXème siècle et fondé encore et toujours sur le mythe de l’oppression patronale. Bref, elle a trahi les employés de Monoprix, qui, en réponse, se mobilisent dans une pétition afin de demander la consolidation des dispositifs législatifs et réglementaires du travail nocturne.
Aussi préjudiciable cela soit-il, il semble aujourd’hui probable que la décision de la Cour d’Appel de Paris fasse jurisprudence, malgré la cassation requise par Monoprix. L’avènement d’un travail en soirée plus souple, plus libre et surtout plus adapté à notre époque devra donc passer donc par une action rapide et conjointe de la part du Gouvernement et de la Maire de Paris. Celle-ci pourra par exemple passer par la création d’une ZTI unique sur l’ensemble du territoire parisien ou encore par l’approfondissement et la simplification des dispositifs de la Loi MACRON de 2015. En tout état de cause, nul ne peut désormais nier qu’il s’agit là d’un enjeu fondamental, car en un sens, il s’agit de redonner la parole aux parties concernées, commerces, employés volontaires, consommateurs. Il s’agit de leur rendre la liberté qui n’aurait jamais dû leur être enlever. Jean JAURÈS lui-même, dont se revendiquent pourtant les tenants de l’archaïsme social, le dit ainsi très bien : « Le premier des Droits de l’Homme, c’est la liberté individuelle, la liberté de propriété, la liberté de penser, la liberté du travail. »