Le travail est­-il un instrument du bonheur ? Vous avez 4 heures !

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Par Jean-Xtophe Ordonneau Modifié le 13 décembre 2022 à 20h41

Tandis que les candidats au bac de philo planchaient sur leur copie, ce 16 juin, je n'ai pas pu m'empêcher de songer qu'un sujet sur la place du travail dans la condition de l'homme (ou de la femme) moderne aurait été fort opportun. On aurait pu imaginer de disserter sur « Le travail est­il un droit ou un devoir ? » ou bien « Le travail est­il un instrument du bonheur ? » ou encore « La liberté est­-elle conditionnelle du travail ?»

Il me semble que le personnel de la SNCF qui avait choisi de reconduire ce jour-là le plus long mouvement de grève depuis 2010, y compris sur la ligne B du RER et les réseaux urbains à travers la France, offrait abondante matière à réflexion.

Pour aller vite, je me contenterai ici de présenter l'argument que la perception du travail dans notre société moderne occidentale est très largement influencée par la philosophie hellénistique. Celle­-ci assimilait le travail à une servitude puisque le travail était la condition même de l'esclave (seule l'agriculture était considérée comme un travail digne d'un citoyen). Le citoyen influent dans la démocratie originelle issue de la pensée grecque était nécessairement un homme libre et indépendant, c'est­-à-­dire suffisamment riche pour être affranchi du travail, ne dépendre de personne et avoir tout loisir pour se consacrer aux affaires de la Cité.

La tradition judéo­chrétienne s'inscrit dans une direction diamétralement opposée puisqu'elle affirme que le travail est une manière pour l'individu d'honorer son Dieu. L'homme et la femme sont appelés à poursuivre la création divine dans leur labeur quotidien, en co­création avec Dieu. La doctrine sociale de l'Eglise énonce clairement qu'il n'existe pas de sot travail, pas même le travail répétitif, ainsi que l'a souligné Mathieu Detchessahar, docteur en gestion et professeur à l'université de Nantes, également membre fondateur du GRACE (Groupe de Recherche Anthropologique Chrétienne et Entreprise). Il s'exprimait fin mars aux Assises nationales des entrepreneurs et dirigeants chrétiens organisées à Nantes.

La règle monastique de saint Benoît est d'ailleurs fondée sur trois piliers : la prière, le travail et la vie fraternelle. « Ils sont vraiment moines lorsqu'ils vivent du travail de leurs mains comme nos pères et les apôtres, » avait écrit Benoît de Nursie au VIème siècle pour sa communauté du Mont­Cassin en Italie. Sa règle est toujours observée aujourd'hui dans les monastères bénédictins et cisterciens.

Peu d'entre nous ont le privilège de vivre en hommes « libres » au sens de la démocratie athénienne, c'est-­à-­dire sans être obligés de travailler pour gagner leur vie. Et la plupart d'entre nous aspirons à cette « liberté ». Nous sommes nombreux à considérer le travail comme une contrainte inopportune; à nous investir plutôt dans nos moments de loisirs, notre vie privée et toutes choses que nous considérons nécessairement plus épanouissantes que le travail.

Cette tendance intervient dans un contexte déspiritualisé, où le rejet de l'Eglise a fait la place à une recherche de spiritualité de substitution—exotique ou laïque.

La réalité est que le soupçon, voire le mépris, que l'Athènes antique nourrissait à l'égard du travail n'est pas compatible avec notre démocratie moderne. Cette société d'« Hommes Libres» n'a pas grand chose à voir avec la société à laquelle nous aspirons. L'homme « libre » y est en réalité celui qui fait travailler les autres, ou à tout le moins les regarde travailler, en seigneur. C'est une société à deux vitesses.

Il n'y a qu'à parler avec des chômeurs ou des retraités (ou même avec des héritiers oisifs, comme un ami américain gestionnaire de fortunes personnelles a régulièrement l'occasion de le faire) pour réaliser que celui qui ne travaille pas a le sentiment d'avoir perdu quelque chose ou d'être exclu. Ceux qui optent pour le bénévolat embrassent le travail comme une libération.

Il n'est pas excessif, je pense, d'évoquer la désespérance qui accompagne le sentiment d'être privé de sa place dans la société. La véritable aliénation est là ! Car en quoi est­ce vivre qu'enfiler les heures comme des perles ? L'aliénation suprême, bien entendu, est d'être transformé en consommateur.

En réalité, la vision hellénistique est intenable. Elle nous a fait confondre la nécessité, au quotidien, de réduire la pénibilité du travail avec l'illusion qu'il est souhaitable d'éliminer le travail. La remettre en question signifie qu'il est temps de réexaminer nos décisions en tant que société comme la durée du travail, le système des retraites, la place du travail manuel et le rôle des loisirs.

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Depuis le milieu des années 80, Jean-Xtophe conseille les entrepreneurs pour les aider à réaliser leurs projets. Il créé en 1993 la financière Melcion d'Arc (qui devient une structure associée de Melcion, Chassagne & Cie, en 1996). Il a été parallèlement, pendant plusieurs années, entrepreneur dans le secteur des robes de mariées de luxe et de la Haute Couture (Christophe Rouxel). Il est administrateur du groupe Anxa (privé) et de la société Holy-Dis. Jean-Xtophe Ordonneau est professeur de Boxe Thaïlandaise,  et brevet B de parachutisme.  Il est officier de réserve d'Artillerie. Il est Président du bureau de l'association des anciens élèves de l'ESLSCA. Il publie régulièrement sur son blog :http://jxo.typepad.com/ Il est un des auteurs de "Hors-piste ! Entreprendre sans idées reçues", aux Editions les Carnets de l'Info. Institut des PME (WELLER), Paris, France (1989) California Institute of International Business, S.F., CA , USA (1988) ESLSCA, 3° cycle "Ingénierie Financière", Paris, France (1994) CNAM, CPS Marketing Industriel, Paris, France (1994) Stanford, GSB, Executive Program for Growing Companies, CA, USA (2002) Stanford, GSB, Executive Management Program, CA, USA (2007) ancien auditeur du CHEDE (promo 2009) 

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