Toute rémunération du travail est un salaire

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Par Dominique Michaut Publié le 31 août 2017 à 5h00
Salaire France Remuneration Travail Theorie
Toute rémunération du travail est un salaire - © Economie Matin
2225 eurosEn 2014, le salaire mensuel net moyen était de 2 225 euros

En science économique, « salaire » désigne toutes les sortes de rémunération du travail.

Cette convention terminologique répond à deux nécessités. La première est de méthode, la seconde d’organisation impartiale de l’intrant qui dans tout pays procure à sa population la plus grosse part de son revenu global.

Les cachets, les honoraires, les piges sont souvent non pas encore des salaires mais du chiffre d’affaires, comme par ailleurs sont aussi du chiffre d’affaires les loyers perçus par un bailleur quel qu’il soit – du chiffre d’affaires et non pas du revenu, mal nommer ajoute au malheur du monde. En revanche, les appointements, les gages, les pourboires, les traitements, les soldes chez les militaires, de nombreuses primes, les jetons de présence sont du salaire au sens générique de ce mot en science économique. Là et en fait, Le Salaire de la peur du roman de Georges Arnaud et du célébrissime film éponyme de Clouzot est une rémunération du travail. Une fois acquittée par l’employeur, y compris pour son éventuelle partie indirecte et y compris quand le travailleur se trouve en situation d’autoentrepreneur, cette rémunération constitue un salaire tout court, à comptabiliser dans les charges de l’employeur soit en frais de personnel, soit en achat à un fournisseur qui se trouve être un autoentrepreneur.

C’est l’ouvrage qui mérite salaire

Le travail qui procure à l’individu qui le fournit un revenu est l’ouvrage produit par cet individu au moyen de la dépense de son énergie et de son temps. La marchandise élémentaire primordiale, plus concisément dit la marchandise primaire, a pour moyen le travail-dépense et pour résultat le travail-ouvrage (Economie Matin du 26 janvier). Alors que cette distinction entre moyen et résultat évite d’attribuer une valeur d’échange marchand à un moyen qui n’en a pas, l’agrégation de tous les revenus du travail en un seul sac conventionnellement étiqueté « salaires » évite de préjuger ce qui n’a pas à l’être.

Il existe, soutient l’un de ces préjugés qu’en son état actuel le droit du travail entérine, deux sortes de marchandise primaire, selon que sa fourniture n’est pas régie par un lien de subordination ou l’est. Le propriétaire et patron en exercice d’une entreprise en nom personnel ne serait pas un salarié, faute d’un lien de subordination à un tiers donneur d’ordres comme pour un ouvrier subordonné à la personne physique ou morale qui l’emploie. Cette catégorisation institutionnalise une barrière idéologique dont le maintien contrevient à l’objectivité économique et à l’assainissement du marché du travail.

Les chefs et leurs subordonnés sont en matière de travail des égaux

Quel que soit l’employeur, et donc notamment aussi bien en entreprise que dans une organisation à but non commercial, l’ouvrage qui a une valeur d’échange contre sa rémunération à l’individu qui le fournit ne change pas de nature selon que son fournisseur est le (grand) chef ou, par délégation de pouvoir, l’un de ses subordonnés. Dans tous les cas, la fourniture est la marchandise primaire que constitue le produit de la dépense d’énergie et de temps d’un individu. Sur ce point il y a égalité de statut du haut en bas des organigrammes.

La théorie de la rémunération du travail doit partir de cette égalité et s’y tenir, sauf à désirer que cette théorie reste à jamais idéologisée. En méthode scientifiquement recevable, rien n’autorise à faire reposer la version objective de la théorie de l’échange de la marchandise élémentaire sur la croyance en un état naturel, fût-il affirmé transitoire, de classes imperméables à l’égalité de statut dont il vient d’être question. L’évolution des mœurs n’a heureusement pas attendu le feu vert d’économistes et de philosophes de grand renom pour s’affranchir de cette croyance qui conduit à des inepties conceptuelles et comportementales. Le Code français du travail refuse jusqu’à présent le statut de salarié à l’artisan dont l’entreprise est en nom propre, ainsi qu’au gérant majoritaire d’une société à responsabilité limitée. Mais il l’accorde aux parlementaires, aux ministres et au président de la République car eux ont pour employeur l’État avec lequel ils entretiennent un lien de subordination. En théorie économique, ça ne tient pas debout. En Droit, c’est entacher ce dernier d’une norme sociale fondée sur une erreur originelle d’analyse économique : nulle part un contrat de travail rémunéré n’est économiquement autre chose qu’un contrat d’échange marchand, même si les deux parties en présence et la bienséance en vigueur soutiennent que là n’est pas l’essentiel en cette matière.

La subordination est universelle dès lors qu’il y a échange marchand

Il n’y a en réalité personne qui soit à lui tout seul son propre employeur. Les professionnels de la délivrance de soins médicaux qui exercent leur métier en position dite libérale ont de fait pour employeur leur cabinet, lequel est une entreprise (alors que leurs foyers n’en sont pas, Economie Matin du 23 février). Les autoentrepreneurs sont dans la même situation : leur employeur de fait est l’entreprise qu’ils ont créée, elle-même subordonnée aux commandes en provenance de sa chalandise (un fournisseur bien achalandé est au sens propre de ce verbe celui qui a beaucoup de clients et non celui qui a beaucoup de marchandise à vendre).

L’évidence saute aux yeux du spectateur impartial, d’emblée dans le cas des travailleurs indépendants : les positions réputées non salariées par application du Code du travail ne font disparaître ni le lien de subordination du fournisseur à sa clientèle, ni la sujétion des clients à la conscience professionnelle de leurs fournisseurs. Certes la pratique de donneurs d’ordres à des travailleurs ou à d’autres fournisseurs se trouve encore trop souvent alourdie d’injonctions par-dessus le marché, voire de caprices et d’harcèlements. Il est alors indispensable que la victime puisse obtenir la cessation puis la réparation de ce préjudice. Pour ce faire, diviser l’ensemble des travailleurs contre rémunération en dépendants et en indépendants ne sert à rien. Le Droit bien écrit est tout à fait à même d’encadrer toutes les relations contractuelles par un Code civil.

Conséquences du salariat défini par une subordination propre à cet état

Le Droit qui se refuse à voir du salaire dans tout revenu du travail a des conséquences organiques néfastes. Il conforte la segmentation du marché du travail en catégories qui relèvent de régimes différents. Des distorsions de concurrence, des inégalités injustifiées et une foultitude de complications administratives et de structures opaques en résultent. Le décloisonnement total du marché du travail participe à la désidéologisation et à la pacification des relations économiques, et par elles de relations sociales. Dans ces conditions, on comprend bien que les religionnaires des rapports de force voient dans ce décloisonnement de la destruction d’acquis sociaux.

La concurrence sur le marché de l’emploi est mieux organisée si toutes les rémunérations du travail y sont aisément comparables. Actuellement en France, ce n’est même pas le cas pour tous les emplois satisfaisant le critère du lien de subordination tel que l’actuel Code du travail et la jurisprudence en font usage. Cela l’est encore moins quand la comparaison est étendue aux autres emplois.

Là où il existe des intérêts irrémédiablement contradictoires est à démontrer

N’éliminons que la théorie véridique du salaire confirme, ou même remonte au jour, des intérêts irrémédiablement contradictoires. Mais aussi prenons garde à la pétition de principe (Economie Matin du 16 février) camouflable par la dévolution figée d’un rôle économique majeur par classe sociale.

Les placements d’épargne en financement d’entreprise et en financement d’investissements publics alimentent la croissance du salaire moyen du pays où ces placements sont faits. C’est cependant si la productivité du stock national de placements augmente suffisamment, grâce à la mise en œuvre de techniques qui améliorent les rapports qualité/coût, y compris en matière de services publics.

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Sources

Partie Science économique du Précis d’économie objective, chapitre Le salaire, propositions premières 9.3 à 9.1 (3 pages web)) – ce chapitre est le neuvième de la science économique de base en douze chapitres, Economie Matin du 29 décembre (1 page web).

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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