L’appel à la révolte fiscale restera-t-il longtemps impuni ?

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Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 15 octobre 2013 à 3h48

Et voilà maintenant qu'un ancien Premier ministre rejoint le mouvement. François Fillon a en effet clairement appelé à la revolte fiscale, lundi 14 octobre lors du journal de TF1. Comment ? En enjoignant les Français à utiliser les élections municipales comme un immense "référendum anti-impôts" pardi ! Il fallait y penser et surtout paraître... totalement désintéressé.

Pourtant, la révolte fiscale, la vraie, est effectivement bien en train de gagner le pays. le mouvement des tondus engrange des centaines de nouveaux membres tous les jours parmi les artisans, commerçants et patrons de petites PME, qui refusent désormais de payer la part patronale des charges sociales, n'honorant que le versement de la part salariale. Une manoeuvre habile, car en payant le "précompte salarial", ces patrons honorent leurs engagements envers leurs salariés qui sont couverts par ces cotisations obligatoires.

A quand une perception prise d'assaut par des patrons excédés ?

Artisans, petits commerçants, patrons de petites PME : une situation qui rappelle beaucoup la contestation portée dans les années 70 par Gérard Nicoud, à la tête du Cidunati, la confédération intersyndicale de défense et d'union nationale des travailleurs indépendants. A l'époque, point de pages Facebook ou de tribunes libres sur les pure players. Un groupe déterminé (avec Gérard Nicoud à sa tête) prend d'assaut une perception dans l'Isère, et embarque trois tonnes de dossiers. On négocie la restitution des documents contre l'impunité. Pendant plusieurs mois, des dizaines de mouvements similaires s'attaquent au fisc par tous les moyens, A commencer par le paiement d'impôts en pièces jaunes, ou, mieux encore, en chèques gravés... sur des pierres tombales. Légal. Gérard Nicoud sera condamné à six reprises, et fera un total de 18 mois de prison, autant de médailles pour lui.

Aujourd'hui, le leader des Tondus, Guillaume de Thomas, n'est pas inquiété par la police ni par la Justice, tout au moins pour l'instant, alors qu'il appelle clairement à la révolte fiscale. Il faut dire que Gérard Nicoud était cafetier, et entraînait facilement derrière lui toutes les professions des métiers de la restauration et du service. Guillaume de Thomas, lui, dirige des "saunas libertins", ce qui en fait un leader un peu moins emblématique, forcément.

Quel procureur prendra le risque de poursuivre pour "appel à la révolte fiscale" ?

Pourtant, l'appel à la révolte fiscal est durement réprimé par la loi. N'importe quel parquet pourrait se saisir de l'affaire, puisque l'appel est national, largement relayé par les réseaux sociaux et les médias. Mais quel procureur de la République prendrait le risque du ridicule, mais aussi de déclencher une nouvelle révolte, physique celle-là ? Gérard Nicoud, privé de ses droits civiques à l'issue d'une de ses nombreuses condamnations, avait obtenu une amnistie quelques semaines plus tard grâce aux dizaines de milliers de manifestants qui avaient défilé pour le soutenir un peu partout dans le pays.

Si les patrons de PME et autres artisans ou indépendants ne descendront probablement pas dans la rue pour défendre Guillaume de Thomas si celui-ci devait être inquiété par les autorités, le sort de certains centres des finances publiques, anciens centres des impôts, est moins évident. Au premier dérapage, qui plus est, forcément, largement relayé à coups de vidéos sur les réseaux sociaux, il faudra tirer les rideaux métalliques dans toutes les représentations du fisc de France, le temps que les esprits se calment... ou pas. On comprend dés lors aisément mieux pourquoi personne au gouvernement ou au sein du pouvoir judiciaire n'ose dénoncer le délit que constitue l'appel à la révolte fiscale, de peur que la menace de la sanction ne suffise pas, loin s'en faut, à dissuader les plus désespérés de faire la peau au fisc. Façon de parler !

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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