The Big Short : l’histoire se reproduit à plus grande échelle

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Par Cyrille Jubert Publié le 12 janvier 2016 à 5h00
The Big Short Crise Etats Unis
6 %Dès 2007, le pourcentage de défaut des emprunteurs précaires aux Etats-Unis atteignait 6 %.

Nous avons été voir en famille The Big Short au cinéma. Si votre épouse vous prend pour un parano dangereux qui fait fuir vos amis dès que vous parlez économie ou politique, emmenez-la voir ce film. Cela devrait lui faire comprendre que c’est vous qui êtes dans la vérité et dans la réalité…

Histoire d’un petit génie de la finance

Le film raconte comment un génie, totalement asocial et autiste de Californie, néanmoins gérant de hedge fund, va percevoir les signes avant-coureurs de la crise des subprimes dès le début de 2007. Soit plus d’un an avant la faillite de Lehman Brothers et l’effondrement systémique qui a suivi.

Il va embaucher de jeunes financiers pour collecter toutes les informations concernant les prêts hypothécaires consentis par chaque banque ou organisme de crédit, afin d’être tenu au courant chaque jour des défauts de paiement sur ces prêts.

Politique de taux bas, prêts pourris et implosion généralisée

Pour mémoire, le gouvernement américain avait créé deux organismes, Fannie Mae et Freddie Mac, qui permettait l’accession à la propriété des plus démunis. Le véritable objectif étant de changer le comportement des tranches les plus basses de la population américaine en permettant aux plus défavorisés d’acheter une maison.

Les nantis américains pensaient ainsi que cette population s’embourgeoiserait et cesserait de se comporter en vandale. Une politique de taux extrêmement bas fut donc mise en place, avec la bénédiction du gouverneur de la Réserve fédérale, Alan Greenspan.

Fannie Mae et Freddy Mac offrait des prêts à des gens aux revenus très précaires, à la limite de l’insolvable, en vue de satisfaire à cette politique sociale. Tous les prêts hypothécaires de Fannie et Freddy étaient :
- garantis par le gouvernement américain ;
- obtenaient systématiquement la meilleure note de la part des agences de notation, soit AAA, quelle que soit la solvabilité des emprunteurs.

Début 2007, le pourcentage de défaut par ces emprunteurs atteignait les 6%. Les banques ne gagnaient quasiment rien sur ces prêts. Elles ont eu l’idée de faire des lots de plusieurs centaines de prêts (qu’elles ont appelés MBS – Mortgage Backed Securities = obligations garanties par des hypothèques) dans lesquels elles entassaient des prêts AAA, mais aussi une proportion de B, de BB et même des prêts totalement pourris classés CCC.

Ces MBS étaient revendues sur les marchés mondiaux, où les liquidités étaient énormes et où toutes les banques cherchaient comment placer les leurs avec une promesse de rendement. En revendant ces lots, les banques de Wall Street empochaient des commissions énormes.

La bulle immobilière était gigantesque

Le prix de l’immobilier américain ne cessait de monter. On voit dans le film qu’une simple strip-teaseuse de Las Vegas qui avait acheté sa maison à crédit, avait réussi à sur-hypothéquer sa première baraque pour en acheter une seconde, puis une troisième… jusqu’à être propriétaire de 5 maisons achetées à crédit, avec un travail des plus précaires. De toute évidence, il y avait une énorme bulle spéculative dans toute l’Amérique et les prix du mètre carré étaient absurdes.

Sur le graphe du prix de l’immobilier US ci-dessous, on voit que depuis la fermeture du Gold Standard par Nixon en 1971, le prix du M2 était passé de 25$ à plus de 175$, soit multiplié par 7, avec une constante accélération depuis 1987 et la politique de Greenspan.

Toutes les bulles doivent éclater un jour. Notre petit génie le sait

Pour prévoir quand, il faut trouver les bons indicateurs… et c’est ce que notre génie autiste avait trouvé.

Il a été voir les plus grandes banques de Wall Street en leur demandant de créer des warrants puts sur ces MBS (afin de jouer la chute des MBS). Comme la plupart des prêts composant ces MBS étaient garantis par le gouvernement, il était impossible qu’ils fassent faillite. Donc les banquiers considéraient que vouloir parier sur cette faillite était absurde, et acceptaient de jouer à 1/1 000 (je ne sais pas la cote exacte), considérant que tout investisseur leur achetant un tel pari leur offrait des millions en pure perte. Cerise sur le gâteau, l’investisseur acceptait de payer une prime chaque mois pour rester en position !

Mais les traders et banquiers aiment bien se vanter de leur bonne fortune. La nouvelle allait se répandre qu’un fou de hedge fund achetait pour des centaines de millions ce type de pari dans chacune des banques de Wall Street… et d’autres traders audacieux allaient se mettre à étudier ce marché de près, constatant que l’immobilier était devenu fou… que les banques le savaient, que la SEC (le gendarme du marché) ne pensait qu’à coucher avec les banquiers, que la Fed pensait que la bulle continuerait à l’infini et elle était encouragée en cela par le gouvernement qui était à tu et à toi avec les banquiers, qui eux s’en mettaient plein les poches.

On est allé jusqu’à des extrêmes presque inconcevables

Les banquiers avaient même créé un notaire virtuel pour aller plus vite dans la signature des ventes de maison et s’arrangeaient pour ne pas payer les taxes sur les transactions aux différents Etats. De ce fait, une énorme partie des transactions immobilières étaient totalement illégales et nulles, donc les prêts hypothécaires étaient basés sur du vent.

Les agents bancaires ont continué à multiplié des prêts à titre privé, sans la garantie de Freddy et de Fanny, donc sans garantie gouvernementale, et les agences de notation — pour ne pas perdre des clients aussi généreux — continuaient à classer AAA des prêts qui auraient dû être classés C-, soit obligation pourrie.

Pour corser le jeu, les banquiers se sont mis à regrouper des MBS dans des CDO (obligations garanties par des actifs) plus complexes encore, en jouant sur le risque de ces crédits. Des produits si complexes qu’il a fallu des prix Nobel de mathématiques ou d’astrophysique pour les créer… Des produits que personne ne comprenait, mais qui promettaient de belles plus-values.

Toutes les banques du monde en ont acheté, sauf certains sages comme le Crédit Mutuel ou le CMB qui refusaient d’acheter ce qu’ils ne comprenaient pas. En 2008, ces produits se sont révélés être des assurances qui ont amené les propriétaires de CDO à devoir payer de gigantesques primes après l’effondrement du marché américain. Toutes les banques en possédant ont été ruinées, et on parle de centaines de milliers de milliards de dollars.

Et puis tout s’est effondré… faisant la fortune des petits perspicaces

Entre 2004 et 2006, la Fed a progressivement relevé son taux directeur de 1 à 5%. Beaucoup de ces prêts hypothécaires avaient des taux variables. Les emprunteurs ont donc vu leurs mensualités augmenter alors qu’ils avaient à peine les moyens de payer un taux de 1%. La hausse des taux directeurs a amené une baisse plus ou moins prononcée selon les Etats du prix de l’immobilier. Entre 2006 et juillet 2007, les prix de l’immobilier ont baissé de 20%.

Beaucoup de propriétaires se sont alors rendu compte qu’ils payaient à crédit très cher une maison dont le prix avait baissé et qu’ils ne pourraient pas revendre avec profit. Ils ont donc arrêté de payer leurs échéances. Des millions de maisons ont été saisies par les banques qui ont cherché à les vendre au plus vite sur le marché, accélérant l’effondrement des prix. … et tout le château de cartes s’est effondré.

Fannie Mae et Freddy Mac ont fait faillite, ainsi que Bear Sterns et la Banque Lehman Brothers, entraînant des faillites bancaires en domino dans le monde entier. Le film montre bien la corruption des traders, des agents bancaires, des banques, de la SEC et des différents organismes gouvernementaux… Il montre également que personne n’a été en prison… Ce sont « les couillons » de contribuables américains qui ont payé les pots cassés. Et par ricochet, contagion oblige, les contribuables européens, les Etats s’étant engouffrés dans la dette. Dette dans laquelle ils sont aujourd’hui embourbés jusqu’au cou.

A bon entendeur…

Le film se termine avec un commentaire du génie, totalement asocial et autiste de Californie, qui le premier s’est mis à jouer l’effondrement du marché, et qui dit qu’aujourd’hui toutes les conditions sont réunies pour un nouveau krach du marché, à plus grande échelle. Voilà le graphe Case-Schiller du prix de l’immobilier américain en octobre 2015, publié il y a quelques jours.

La politique de taux proches de zéro et du quantitative easing a permis à la bulle de regonfler… Quant aux produits dérivés, on sait qu’ils représentent aujourd’hui des centaines de trillons de dollars et sont plus dangereux encore qu’en 2007. Allez voir le film, vous vous sentirez rassuré sur la justesse de vos vues. Les anglophones ne rateront pas l’interview d’un de ces génies qui a joué la chute sur ZeroHedge. Carpe Diem.

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Cyrille Jubert est entrepreneur avec deux entreprises fructueuses créées à son actif en 1984 et en 1993. ?Il est l’auteur d’une Histoire de l’Argent, étude historique et géopolitique de ce métal.?

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