Le pire n’est pas toujours certain

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 6 janvier 2020 à 14h09
Petrole Baisse Production Opep 1
@shutter - © Economie Matin
4 DOLLARSLe prix du baril de pétrole a grimpé de 4 dollars après l'attaque américaine en Iran.

Le marché s’inquiète des conséquences de la montée des tensions au Moyen-Orient. Cela pourrait-il remettre en cause le scénario central relativement favorable que l’essentiel des investisseurs a en tête ? Un regard « froid », au risque de faire trop la part belle au « rationnel », ne fait pas conclure Hic et Nunc dans ce sens.

Le prix du pétrole brut (qualité européenne) a monté de 4 dollars par baril depuis l’assassinat en Irak du général iranien Soleimani par l’armée américaine. Il est ce matin à 70,2$. Le cours de l’or évolue en parallèle et le rendement à 10 ans d’une obligation d’Etat américaine, de façon opposée. Il y a ici évidemment la marque des interrogations et de l’inquiétude de la communauté des affaires : comment les relations entre les Etats-Unis et l’Iran vont-elles évoluer? Avec quelles implications sur l’économie mondiale et les marchés de capitaux ?

Il y a évidemment des raisons d’être inquiet. Le général Soleimani était très populaire dans son pays. Selon le center for international and security studies at Maryland (octobre 2019), sa cote de popularité atteignait 80% ; à comparer à guère plus de 40% pour celle du Président Rohani. Venger sa disparition fera consensus et permettra peut-être au régime de faire passer au deuxième plan les difficultés de la vie quotidienne.

Aux Etats-Unis, cette actualité moyen-orientale fait disparaître du devant de la scène la procédure de destitution visant le Président Trump. De plus, la fermeté dont celui-ci fait preuve en politique internationale est sans doute perçue positivement par une partie de l’électorat.

Avant de tenter de répondre à la question de « faut-il craindre le pire ? », rappelons deux points ; un d’actualité et l’autre tiré de l’histoire. Le point d’actualité consiste à noter cette montée des tensions dans une partie du Moyen-Orient, délibérément voulue et gérée par le régime iranien. Sans doute pour essayer de compenser le mal-être économique de la population par une montée du sentiment nationaliste. Mais en prenant le risque de voir apparaître une vague de sentiment anti-iranien dans des pays où l’influence de Téhéran est forte (Irak, Liban et Syrie). Pendant de longs mois, les Américains n’ont répondu que de façon très modérée. Organiser une marche violente contre l’ambassade des Etats-Unis à Bagdad a-t-elle été l’initiative de trop? Sans doute et c’est à ce niveau qu’on doit discuter le point d’histoire. Il faut se souvenir de la prise de l’ambassade américaine de Saïgon en 1975, de celle de Téhéran en 1979 et de l’attaque contre le consulat de Benghazi en Lybie en 2012. Chacun de ces épisodes a été ressenti comme la marque d’un échec de la politique étrangère de Washington. Le Président Trump pouvait-il accepter qu’un parallèle soit fait entre ces évènements d’hier et la situation présente ? La réponse à cette question est très vraisemblablement négative.

L’Iran aurait donc fait le pas de trop ; la réaction des Etats-Unis ne pouvait alors qu’être extrêmement forte. Elle l’a été, même si la solution choisie n’est pas la moins risquée.

On est là et comme toujours le chemin devant n’est pas tracé. Que va-t-il se passer ? Du côté de Washington, la perspective est relativement claire. Le Président Trump veut être réélu en novembre prochain. Pour ce faire, il a besoin d’un environnement économique porteur et donc d’un prix du pétrole qui reste raisonnable. Il ne devrait pas prendre ex ante d’initiatives aboutissant à l’apparition de fortes tensions. Dans ces conditions, la clé du problème est entre les mains des dirigeants iraniens. On les présente comme rationnels et calculateurs. Sans doute le resteront-ils. Bien sûr, ils voudront se venger de la mort du général Soleimani. Mais, ils ne peuvent vouloir une guerre ouverte, qu’ils perdraient très probablement et qui pourrait mener à la disparition du régime en place. N’oublions pas que la profondeur de la crise économique en cours fragilise le soutien que celui-ci a dans la population.

On l’a dit, l’avenir n’est jamais écrit. Mais à aujourd’hui les contraintes objectives en place tant à Téhéran qu’à Washington ne conduisent pas à dire que le scénario du pire est le plus probable.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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