La télévision est-elle encore le media le plus puissant de la communication politique ?

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Par Nicolas Boudot Modifié le 7 avril 2017 à 9h18
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38%Seuls 38 % des Français voulaient que le débat du 20 avril 2017 soit maintenu.

Q1 : Le débat réunissant les 11 candidats mardi soir vous a-t-il aidé à faire un choix pour le premier tour de la présidentielle ?

  • Sous total « oui » : 26 %

  • Sous total « non » : 46 %

  • NSP : 1 %

Le débat réunissant les 11 candidats mardi soir vous a-t-il aidé à faire un choix pour le premier tour de la présidentielle ?

  • 46% des Français interrogés déclarent que le débat télévisé du 4 avril 2017 ne les a pas aidé à opérer un choix pour la présidentielle (26% déclarent que le débat a aidé les Français à faire un choix ; 27% n’ont pas regardé le débat, ni suivi les résumés).

Depuis la campagne présidentielle de 1960 aux USA et de 1974 en France, les débats télévisés, en tant que marqueurs de la campagne, ont structuré les élections présidentielles.

Les exemples de petites phrases ou de postures, qui auraient eu suffisamment d’influence pour faire ou défaire un candidat et donc une élection, sont multiples.

On attribue même à la télévision l’élection de Kennedy en 1960, grâce au pouvoir de l’image sur le sonore et la radio, deux média qui prévalaient pourtant à cette époque.

Nous avons souhaité, dans le sondage OpinionWay pour TILDER et LCI de cette semaine, mesurer l’impact de cette nouveauté télévisuelle de la campagne présidentielle de 2017 en France, que constitue le débat avec l’ensemble des candidats officiels.

Le résultat négatif – 46% des Français interrogés considèrent que le débat n’a pas permis d’opérer un choix pour le premier tour de l’élection présidentielle –, interroge sur le débat en lui-même et sur son organisation, si l’on considère cet exercice comme un objet de communication politique.

SI l’objectif de ce débat était de permettre aux téléspectateurs de faire un choix avant le premier tour de l’élection présidentielle, on peut affirmer que celui-ci a manqué son but. Pire, on peut même affirmer qu’il ne pouvait pas atteindre son but, compte tenu du nombre de contradicteurs présents sur le plateau.

Au-delà de l’aspect cacophonique, inhérent à un tel exercice, les prises de parole d’une minute et trente secondes pour répondre à chacune des questions a produit un double effet négatif en communication – d’autant plus que les prises de paroles de la part des candidats avaient lieu toutes les 15 minutes – :

  • Un effet de zapping entre des personnalités et des idéologies très disparates, alors que la communication politique est d’abord faite de pédagogie et donc une action de répétition qui nécessite un temps de réponse assez long ;

  • Un effet « pêle-mêle » de voix venues s’exprimer sur des sujets trop différents pour qu’un argument puisse faire mouche et influencer l’électorat.

Finalement, c’est l’effet « Twitter », réseau social qui impose d’exprimer une pensée en 140 signes, qui a prévalu sur les pratiques habituelles de la télévision.

Cette situation ne signifie pas pour autant la mort de la télévision comme média principal des élections présidentielles. Elle est simplement la démonstration d’une nouvelle forme de communication politique, dont la structuration, plus contractée dans l’espace et dans le temps, est en train d’émerger ou d’être imposée par les télévisions elles-mêmes … Au regard de notre sondage, son efficacité reste donc à démontrer !

Ce débat aura offert un paradoxe particulièrement intéressant. Ceux qui ont tiré leur épingle du jeu, en dehors de l’histrion du NPA, sont Jean-Luc Mélenchon et François Fillon. Pourquoi ?

Parce que tout au long de ce débat, et sur les différents plans de coupe, chacun des deux a tenu une posture présidentielle. Cette posture, une communication « non verbale », a fait la différence.

Ce débat donne définitivement raison à la prophétie de Roland Barthes, exprimée en 1964 dans Rhétorique de l’image : « Un jour l’image aura le dernier mot ». En communication politique, ce jour est arrivé. C’était mardi dernier.

Q2 : Regrettez-vous que le troisième débat réunissant les 11 candidats à l'élection présidentielle initialement prévu le 20 avril ait été annulé ?

  • « Oui » : 38 %

  • « Non » : 61 %

  • NSP : 1 %

Regrettez-vous que le troisième débat réunissant les 11 candidats à l'élection présidentielle initialement prévu le 20 avril ait été annulé ?

  • 61 % des Français interrogés ne regrettent pas l’annulation du débat télévisé prévu le 20 avril dernier.

France Télévisions a annoncé hier renoncer à organiser un débat avec les 11 candidats à l’élection présidentielle. En effet, 3 candidats, Mélenchon, Macron et Fillon avaient déjà fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas participer à cet exercice.

61% des Français interrogés disent ne pas regretter l’annulation de cette forme de débat et sa transformation en entretiens individuels avec les candidats.

Le choix de ne pas participer à un exercice de ce type, moins de 24 heures avant la clôture de la campagne officielle, s’explique : le moindre dérapage, la moindre polémique, même mineure, deviendrait en effet irrattrapable auprès de l’opinion publique en aussi peu de temps.

Il suffit, pour se convaincre du risque majeur que représenterait une erreur de communication 24 heures avant la fin de la campagne, de rappeler la situation de José-Maria Aznar, en mars 2004, certain de remporter les élections législatives en Espagne et balayé en quelques heures pour avoir publiquement accusé l’ETA d’avoir perpétré l’attentat en gare d’Atocha à Madrid deux jours avant le scrutin. Ceci alors même que l’action terroriste avait été revendiquée par Al-Qaïda.

En faisant le choix de ne pas participer au débat, les candidats cherchent à limiter le risque d’incident de communication.

Ils démontrent également les limites qu’ils portent à l’influence d’un tel exercice télévisuel.

Dans l’arbitrage entre les gains attendus en termes de capacité de conviction de nouveaux électeurs et le risque du faux pas, certains candidats ont considéré qu’en participant à un e telle émission, il y avait plus à perdre qu’à gagner.

C’est un indicateur de l’influence relative que les candidats favoris accordent aux débats télévisés. Les exercices que ces débats représentent favorisent les candidats outsiders qui peuvent crédibiliser leur candidature en interpellent les favoris des sondages. C’est d’ailleurs ce qu’a réalisé mardi dernier Philippe Poutou, candidat du NPA, et ce qui lui a valu les honneurs de la presse en France et à l’étranger…

Cette situation et ce traitement médiatique du débat doit, en communication, nous amener à nous interroger sur l’exercice même d’un débat à 11 candidats.

N’est-il pas, d’abord, l’incarnation de la « politique spectacle » ? 11 candidats parlant pendant 17 minutes, fractionnées en 1 minute et trente secondes toutes les 15 minutes : est-ce une action de communication politique efficace ?

N’est-ce pas plutôt une forme d’immixtion des règles de la téléréalité ou des jeux télévisés appliqués à la politique ?

On peut même aller jusqu’à réduire ces interrogations en une seule : cet exercice de communication politique télévisuelle est-il, au fond, utile à l’exercice démocratique ?

A cette question, les Français apportent une réponse nette et sans appel : non.

«Sondage Tilder-LCI-OpinionWay»

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Directeur de Tilder

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