Des millions de salariés se retrouvent aujourd'hui confrontés, souvent sans préparation, au télétravail. Alain Perret, président de Walter France, donne des conseils aux managers et aux managés pour traverser cette crise le plus efficacement possible.
L'objectif des dirigeants et des managers est de s'assurer que leurs équipes en télétravail restent efficaces, motivées, et respectent les règles de confidentialité des données. Les salariés, de leur côté, ne doivent pas tout attendre de leur hiérarchie pour s'organiser.
> La recherche d'efficacité personnelle est chaque jour un nouveau défi
Les bonnes pratiques fondamentales commencent à être connues : se réserver un espace de travail dédié, au maximum à l'abri des « intrusions » inopinées du conjoint et des enfants ; fixer les heures de travail ; se laver, s'habiller pour être opérationnel, etc.
Le plus important : appliquer plus que jamais les règles de gestion du temps concernant la gestion des priorités, les pauses et les récompenses. On est chez soi, donc « j'ai le temps ». C'est faux et c'est le piège. En raisonnant ainsi, on étale jusqu'à l'infini la durée de réalisation d'une tâche. Etablir chaque matin sa to-do list, se fixer une durée, commencer par la tâche qui demande le plus de concentration, et surtout, s'obliger à fixer l'heure de la prochaine pause et la respecter. A la fin de chaque tâche, s'octroyer une respiration : sortir 5 mn sur le balcon, manger du chocolat, prendre un café...
> Planification, échanges et reporting : à chaque entreprise d'adapter son organisation
Les écueils les plus fréquents en télétravail sont, pour les salariés, le manque d'interactions sociales, de face-à-face, le fait d'être livrés à eux-mêmes, ou, à l'inverse, l'impression d'une défiance de la part de managers hyper-contrôlants ; et, pour les managers, la difficulté d'orchestrer leurs équipes et éventuellement le manque de reporting de la part des salariés.
Avec la soudaineté du confinement lié à la crise du Coronavirus, certaines PME n'ont pas toujours eu le temps de préparer, en amont, leur organisation. Les bonnes pratiques de management doivent perdurer, ce ne sont que les modalités qui doivent être adaptées :
- planifier des séquences périodiques de coordination, idéalement tous les jours ou tous les deux jours. Celles-ci peuvent être collectives, avec des outils de visio-conférences, ou bien one-to-one entre le salarié et son manager. L'important est qu'elles soient programmées, et que le manager respecte de son côté les horaires de travail de ses collaborateurs.
- répertorier les canaux d'échanges possibles : visio-conférence, conférence téléphonique, mails, messagerie instantanée et fixer les règles d'utilisation à toute son équipe : quel outil utiliser pour quel type d'échanges.
Les salariés, quant à eux, doivent faire preuve d'adaptabilité vis-à-vis de leurs managers qui éprouvent dans cette situation un nouveau mode de relation avec leurs équipes. La distance et le lien par téléphone ou visio-conférence ne se gèrent pas de la même manière et chacun doit l'intégrer, car maintenir le lien et la confiance est primordial. Un reporting régulier, même léger - un mail tous les jours ou tous les deux jours pour expliquer ce qui a été fait - sera de nature à accroître la confiance de leur supérieur hiérarchique à leur égard.
> En profiter pour lancer des réflexions collectives
Dans certains cas, les salariés en télétravail ne peuvent pas réaliser, à distance, l'ensemble des tâches qu'ils effectuent lorsqu'ils sont dans l'entreprise.
C'est alors aux dirigeants et aux managers de transformer ce temps libre en temps de réflexion collectif, sur des sujets tels que : la gestion des commandes, l'efficacité des commerciaux, les actions de communication, la transformation numérique, l'amélioration de la productivité du service comptable... Constituer des groupes de travail entre deux ou plusieurs collaborateurs en leur demandant de réfléchir à telle ou telle problématique, aux solutions qu'ils préconisent, aux actions concrètes à mettre en œuvre engendrera une preuve de confiance, une motivation accrue, et des axes d'amélioration pour l'entreprise !
Si l'on prend un autre exemple, comme celui des cafés-hôtels-restaurants, qui sont à l'arrêt total, ils peuvent en profiter pour construire de nouveaux outils de gestion, des tableaux de trésorerie, des calculs de marge... pour le jour où leur activité aura retrouvé une marche normale.
> Ne rien lâcher sur la sécurité des informations et des données
Le télétravail appelle à la vigilance professionnelle de tous, néophytes comme experts.
Les risques : Les outils numériques professionnels et personnels sont utilisés conjointement sur le même poste ou le même réseau wifi dans des conditions parfois non prévues par le service informatique des TPEPME :
- utilisation de logiciels personnels dans l'environnement professionnel, comme WhatsApp,
- travail sur des données professionnelles en dehors des serveurs de l'entreprise,
- téléphonie personnelle utilisée sans annuaire partagé ou en mode privé,
- prise en main à distance par un faux technicien,
- partage des mots de passe (ne jamais les partager d'ailleurs !).
Les risques sont nombreux et peuvent être gravissimes : espionnage, piratage, usurpation d'identité, exécution de virement, intervention de faux support technique, remplacement ou destruction de données, logiciel de rançon, virus...
Quelques recommandations
- Les salariés doivent redoubler de vigilance, suivre les consignes de l'informaticien de leur entreprise et ne pas hésiter à le contacter en cas de suspicion de fraude.
- L'informaticien doit accepter plus de souplesse dans l'organisation et doit prendre en compte les limites de compétence informatique des salariés en télétravail, tout en limitant les risques.
- Les outils windows - anti-virus, firewall, suites logicielles, accès serveur et messagerie - doivent être mis à jour.
- Pour les fonctions sensibles, des VPN (réseaux privés) doivent être mis en place et les procédures d'authentification doivent être renforcées.
- La conduite du changement doit accompagner les outils pour accompagner tous les collaborateurs.
- Aucun virement ou paiement ne doit être réalisé sans une confirmation réelle des personnes habilitées.
Un exemple critique : l'installation de jeux « « gratuits » pour enfants sur le smartphone des parents. Ces applications traquent les actions professionnelles et aspirent les données comme les mots de passe... L'innovation des hackeurs est un jeu dans le contexte actuel.
> Renforcer sa vigilance pour maintenir le secret professionnel
Il en est de même pour le secret professionnel : sans collègues pour échanger « en live », la tentation est grande de donner à vos proches des informations qu'ils n'ont pas à connaître.
Cette période de confinement oblige les entreprises qui n'étaient pas encore opérationnelles dans ce domaine à découvrir les outils de travail à distance. De nouvelles habitudes vont se développer ; nul doute qu'elles contribueront, après la crise, à l'augmentation de leur performance.