Alors qu’en Suisse, un conflit fait rage entre l’opérateur Sunrise et son actionnaire Freenet au sujet de l’acquisition du câblo-opérateur UPC, retour sur un secteur, celui des télécoms, dont innovation technologique et consolidation sont les piliers.
Le mariage Sunrise - UPC
Refus catégorique. Lorsque l’opérateur télécom suisse Sunrise Communications a présenté son projet d’acquisition, pour 6,3 milliards de francs suisses (5,8 milliards d’euros) dette incluse, du câblo-opérateur UPC, la filiale helvétique de Liberty Global, celui-ci s’est heurté à l’opposition farouche de son actionnaire, Freenet.
L’opérateur allemand, qui détient 24,5 % de Sunrise, n’a jamais semblé mesurer l’intérêt d’une telle opération et a indiqué dans un communiqué de presse, le 16 août dernier, qu’il voterait contre le projet d’augmentation de capital de 4,1 milliards de francs suisses (3,75 milliards d’euros) envisagé pour mettre la main sur UPC, arguant que celui-ci « ne jouait pas en faveur des actionnaires ». De son côté, Sunrise affirmait, le 22 août, « que Freenet agissait selon ses propres contraintes financières à court terme, en fonction d’objectifs égoïstes qu’il voulait atteindre aux dépens de Sunrise et de ses actionnaires ». Depuis, le conflit fait rage entre les deux acteurs.
Sunrise, qui a le vent en poupe depuis plusieurs années, justifie son projet par les synergies devant résulter du rachat du câblo-opérateur, les évaluant désormais à pas moins de 280 millions de francs suisses par an (255 millions d’euros), soit 45 millions de plus que ce qui avait été initialement estimé. Une consolidation qui devrait donner naissance à « un nouveau géant des télécoms en Suisse, actif tant dans la téléphonie mobile, le réseau fixe que la télévision », estime le quotidien suisse Le Temps. De quoi légitimement s’interroger sur le refus de Freenet.
L’exemple français
D’autant que s’il est un secteur dans lequel la consolidation est de mise, c’est bien celui des télécoms. En France, comme dans la plupart des autres pays du monde, l’écrasante majorité des opérateurs proposent en effet des offres fixe, mobile, Internet et télévision. La raison ? Se diversifier permet de réaliser des économies d’échelle, d’accroître son portefeuille clients, mais aussi, et surtout d’investir.
Côté client, si le fait d’avoir le choix entre différents opérateurs permet de faire diminuer les prix, la consolidation de ces derniers permet de bénéficier d’infrastructures modernes et efficientes, ce qui revêt une importance majeure dans un secteur où l’innovation technologique dicte sa loi. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en France, l’idée d’un retour à 3 opérateurs revient régulièrement sur le tapis.
« Je reste convaincu que la taille du marché français et l’importance des investissements à réaliser dans les années qui viennent, pour terminer le déploiement de la fibre optique et préparer la 5G, rendent difficile la viabilité de quatre opérateurs », martèle ainsi Stéphane Richard, le PDG d’Orange, depuis de nombreux mois. « Si cette question de la consolidation se pose aujourd’hui, c’est surtout en raison des ravages causés, particulièrement en 2018, par la guerre des prix dans les télécoms ». L’équation « prix bas et investissements colossaux à mener » serait selon lui impossible à résoudre sans une consolidation.
Si le passage à 3 opérateurs en France n’est pas pour demain (les tentatives de rapprochement n’ont pour le moment jamais abouti), la consolidation du secteur se poursuit : cinq ans après le rachat de l’opérateur SFR par le câblo-opérateur Numericable, les acquisitions se multiplient dans l’Hexagone : Iliad, la maison mère de Free vient, entre autres, de mettre la main sur Jaguar Network, un spécialiste des services télécoms aux entreprises et de l’hébergement cloud pendant que Bouygues, le même jour, finalisait la première étape du rachat de Keyyo, un autre opérateur dédié aux entreprises.
Non seulement ces rachats se justifient par la volonté des deux acteurs de rivaliser avec Orange et SFR sur un marché où ils n’étaient jusqu’ici que peu présents, mais aussi en prévision du lancement de la 5G. Ces opérations obéissent ainsi à une vision long terme, indispensable pour se faire sa place dans le secteur des télécoms, en France comme ailleurs.