Zoom sur deux technologies de spoliation des prêteurs qui ont fait leurs preuves

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Par Nicolas Perrin Modifié le 4 juin 2020 à 17h18
Dette Cour Comptes 2017 2
@shutter - © Economie Matin
90%La dette publique se monte à 90% du PIB mondial.

Quels que soient les stratagèmes auxquels recourront les décideurs politiques pour cacher que le roi est nu (application des préceptes de la Théorie monétaire moderne, eurobonds…), arrivera un moment où les marchés finiront par perdre confiance dans la capacité d’action des couples gouvernement/banque centrale. Cela s’est déjà produit par le passé, cela finira par arriver à nouveau.

Lors de cette Crise finale, nous aurons sans doute droit à une fuite massive devant la monnaie et à une explosion du cours de l’or.

D’ici-là, les autorités publiques repousseront autant que possible le passage à la caisse. Tant que la situation reste sous contrôle, nous ne subirons que des technologies de « spoliation lente », pour reprendre l’expression de Natixis. Mais lorsque que nous en serons au point où « la stabilité économique disparaît, nécessairement on passe[ra] à une spoliation brutale des prêteurs ».

C’est sur ces dernières technologies que je vous propose de revenir aujourd’hui. J’en ai répertorié 5 et je dois vous avouer que je ne sais pas vraiment dans quel ordre les classer tant à chaque relecture, elles me semblent toutes aussi funestes les unes que les autres.

Le défaut de paiement : à éviter lorsque l’on veut garder de bonnes relations avec ses voisins

C’est un grand classique des manuels d’Histoire économique. Il s’agit de « la technologie bolchévique qui consiste à dire « merde » au créancier », comme le formulait Henri Regnault dans le numéro 36 de La Crise, sa lettre trimestrielle.

En pratique, l’État annonce à ses créanciers qu’ils ne reverront dans le meilleur des cas qu’une partie de leur argent. On rêve tous d’un haircut professionnel en ce moment, mais sans doute pas un de ce genre, lequel poserait au moins trois problèmes.

Tout d’abord, « on va se fâcher tout rouge avec quelques voisins (comme les retraités et futurs retraités néerlandais qui, via leurs fonds de pension, nous financent depuis des années) mais le risque d’une invasion hollandaise est relativement limité », comme l’explique Guillaume Nicoulaud sur Twitter.

Mais la dette publique française n’est pas détenue que par des investisseurs étrangers. Si vous, vos parents ou vos grands-parents ont de l’argent sur un fonds euro, vous êtes susceptible de faire directement ou indirectement les frais de ce genre de procédé. Et je ne parle pas de votre pension de retraite complémentaire dont le principal sous-jacent verrait sa valeur laminée.

Dernier point, lorsqu’il fait défaut sur le paiement de sa dette, un État salit irrémédiablement sa réputation. Lorsqu’il fera à nouveau appel aux marchés pour financer son déficit budgétaire, il devra alors être prêt à payer un taux d’intérêt beaucoup plus élevé.

Bref, sauf cas de guerre (militaire, je précise) ou de défaut de paiement généralisé à un grand nombre d’économies avancées, ce scénario semble peu probable dans le cas de la France.

L’inflation : une technologie aux conséquences incontrôlables

Autre grand classique, « la technologie monnaie de singe qui consiste à rembourser dans une monnaie dont la valeur réelle (le pouvoir d’achat) s’est considérablement dégradée », pour reprendre la formule d’Henri Regnault.

Si vous avez connu les 30 Glorieuses, vous connaissez le principe et vous pouvez passer directement à la partie suivante. Quoi que. L’inconvénient du point de vue de l’État, c’est que cette technologie est assez incontrôlable. L’inflation peut très rapidement dégénérer en hyperinflation, et l’État passe alors d’une inflation choisie à une inflation subie – et cela, vous ne l’avez sans doute pas (encore) vu de vos yeux.

Pour mettre cette technologie en marche, rien de très compliqué : il suffit que le pouvoir politique officialise qu’il est copain comme cochon avec les autorités monétaires et qu’il soit mis un terme à la prétendue indépendance des banques centrales. Ensuite, on charge un fonctionnaire de rentrer un nombre avec beaucoup de zéros sur le tableau de commande de la planche à billets, et le tour est joué.

« De là, plusieurs techniques », explique Guillaume Nicoulaud : « la première, grossière, consiste à obliger la banque centrale à créer des milliards, à vous les prêter gratuitement de telle sorte que vous puissiez les utiliser pour rembourser vos dettes et financer vos dépenses ». Les autorités publiques pourraient appeler ce genre de plan « Opération Zimbabwe » (ou Venezuela).

« La seconde, plus sioux, consiste à inciter la banque centrale à inonder l’économie de milliards de telle sorte que votre monnaie (celle dans laquelle vous êtes endetté), perde rapidement de la valeur. Résultat : vous remboursez mais en monnaie de singe », poursuit Guillaume Nicoulaud.

Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas la richesse qui augmente mais simplement les prix, et les petits épargnants se trouvant spoliés au profit de l’État, lequel voit tranquillement fondre la valeur de sa dette, tout en rejetant la hausse des prix sur « les commerçants qui spéculent ! (Après quoi, en général, vous décrétez le contrôle des prix ; ce qui cause des pénuries ; lesquelles provoquent des manifestations que vous réprimerez un peu violement. Toute ressemblance avec le Vénézuela est naturellement purement fortuite) », ironise Guillaume Nicoulaud.

Sur le plan juridique, cela nécessiterait dans le cas de la France :

- Soit qu’une telle politique soit menée directement par la Banque centrale européenne – ce qui semble peu probable tant qu’il restera des Allemands et des Néerlandais au sein de l’UE ;

- Soit que la France se réapproprie sa souveraineté monétaire via un Frexit pour ensuite financer sa dépense publique directement par la création monétaire.

Sur le plan économique, il faut là aussi distinguer plusieurs scénarios :

- Soit la conjonction d’une politique budgétaire et d’une politique monétaire ultra expansionniste qui permet à la machine économique de repartir, auquel cas il y a croissance + inflation ;

- Soit, faute de confiance, la croissance ne repart pas, auquel cas l’économie stagne tout en subissant une inflation élevée et nous nous retrouvons en stagflation ;

- Soit l’inflation dérape est en rentre alors le scénario zimbabwéen/vénézuélien.

Bien sûr, je simplifie à outrance, mais voilà quelques-unes des grandes perspectives économiques auxquelles on peut s’attendre. Dans toutes les cas de figure, les créanciers seront spoliés et les détenteurs d’or seront sauvés.

La prochaine fois, nous examinerons trois autres technologies de spoliation certes moins utilisées au cours de l’Histoire mais tout aussi efficaces.

Ce billet a été initialement publié sur le blog L'Or et l'Argent.

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Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence « Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir », il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Son Twitter : @Nikookaburra.

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