Taxe Tobin: trois ans d’obstination envers et contre tout

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Par Jordan Galienne Publié le 4 octobre 2014 à 3h18

Le 28 septembre 2011, Manuel Barroso dévoilait le contenu de la taxe sur les transactions financières ou taxe Tobin tel qu'idéalement elle aurait pu être appliquée au sein de l'Union européenne. 3 ans plus tard, voilà que Pierre Moscovici, nommé au poste de commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, revient à la charge, déterminé à faire aboutir ce dossier. Mais ses modalités n'ont plus grand-chose à voir et si l'envisager à l'époque était une erreur, s'entêter aujourd'hui a tout l'air d'une folie.

Plus le temps avance, plus le contenu de cette taxe devient brumeux. Récapitulons. La première proposition concrète qui en a été faite par le président de la Commission européenne de l'époque Manuel Barroso remonte au 28 septembre 2011. Il y a donc tout juste 3 ans.

Au départ, elle devait être discutée et approuvée par les 27 pays membres de l'Union européenne. Il était aussi entendu qu'elle s'applique le plus tôt possible, autrement dit en 2014. Il était enfin question de taxer les actions et les obligations à hauteur de 0,1 % ainsi que les produits dérivés, à hauteur de 0,01 %.

Des prétentions revues à la baisse

Le commissaire européen chargé de la Fiscalité à ce moment, Algirdas Semeta, nourrissait même les plus hautes ambitions pour cette miraculeuse dime dont les recettes, en plus d'engraisser le budget européen, serviraient à aider les pays pauvres : « l'Union européenne est aux avant-postes dans la mise en place d'une taxe sur les transactions financières au niveau mondial ». « Je suis certain que nos partenaires du G20 verront leur intérêt à suivre cette voie ». Rien que ça. A posteriori Algirdas Semeta est pris en flagrant délit de folie des grandeurs.

Car, depuis, il a fallu que l'Europe réduise légèrement ses prétentions. La taxe aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec ce qu'elle était au début. Pour commencer, les produits dérivés ne sont plus à l'ordre du jour. On espérait aussi que les états membres l'adoptent à l'unanimité. Espoir déçu. Le 7 avril 2014, seuls 11 ministres européens des Finances étaient signataires. Tiens donc. C'est qu'ils ont été nombreux à s'apercevoir que ni en théorie ni en pratique cette taxe n'avait une once de pertinence et qu'il valait mieux faire machine arrière plutôt que de tenir une promesse vide de sens.

Un mauvais deal, en théorie comme en pratique

Les études n'ont pas manqué pour anticiper les dommages collatéraux de la taxe. Parmi eux, la délocalisation d'environ 80 % du total des transactions en dehors de la zone euro, selon le cabinet Oliver Wyman. Car, des transactions plus chères égales moins de transactions dans les zones taxées, les banquiers et les gestionnaires d'actifs ayant tôt fait de mener leurs petites affaires ailleurs. On appelle ça une fuite de capitaux, principalement vers des bourses plus clémentes telles que Londres ou New York. La Suède et le Japon en ont fait la douloureuse expérience. D'ailleurs la France aussi.

La Fédération bancaire française (FBF) déclarait en avril 2014 que « son impact (celui de la taxe française NDLR) sur les transactions s'est traduit par une baisse significative de l'ordre de 15 à 20 % sur le volume des transactions depuis août 2012 ». Mais quand la Suède stoppe sagement ces expérimentations de finance « éthique » dans les années 1990, la France s'entête, tenant même à généraliser l'échec sur le vieux continent.

En 2011, le chancelier britannique George Osborne mettait en garde : « Il n'y aura pas un seul banquier pour payer cette taxe », affirmait-il, le coût additionnel étant répercuté sur les consommateurs finaux par les banquiers et les gestionnaires d'actifs refusant de voir entamer leur marge. Un scénario confirmé par le cabinet Oliver Wyman qui estime que c'est 90 % du montant de la taxe qui seront reportés sur les épargnants. Le grand argument qui voulait que cette taxe punisse les responsables de la crise serait donc en plus la fine fleur de l'hypocrisie.

Ces velléités « partent d'un bon sentiment, mais sont mal pensées » disait l'économiste James Tobin lui-même à propos de la taxe qu'il a imaginée, mais dont il a refusé la parenté quand l'association Attac en a fait son cheval de bataille. Il n'est plus question d'une promesse non tenue, mais de faire preuve de bon sens face à ce qu'en trois ans les études et les cas pratiques ont montré.

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Jordan Galienne est auditeur dans un grand cabinet de conseil économique. Souvent en déplacement aux quatre coins de l’Europe, il s’intéresse aux opportunités d’investissement et identifie les risques associés aux pays les plus prometteurs.  

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