Lorsque l’Etat a décidé de mettre en place une taxe sur le Nutella, beaucoup de pseudo experts bien pensants se sont exclamés que cette idée relevait du génie. Toute personne ayant touché de près ou de loin à la diététique, et qui souhaitait sécuriser une place dans les médias y allait de son commentaire louant l’Etat pour cette décision courageuse et historique. Les goûters de nos charmantes têtes blondes étaient tellement dangereux qu’il fallait les taxer et pénaliser les citoyens les plus modestes.
La taxe dite Nutella, un amendement passé par la Commission des Affaires Sociales du Sénat, s’applique en fait sur l’huile de palme, de coprah ou de palmiste et représente 300 euros de pénalité par tonne de produit utilisée. Ces huiles (les français en consomment 2kg par an) sont considérées comme dangereuses pour la santé et pour la lutte contre l’obésité de par leur teneur élevée en graisses saturées et en acides gras-trans une fois hydrogénées. Tous les produits en contenant verront leur prix augmenter si les industriels continuent d’utiliser cet ingrédient de base dans les viennoiseries industrielles, certaines pâtes à tartiner, etc… Le bénéfice attendu pour l’Etat est maigre, de l’ordre de 40 millions d’euros.
A première vue, au ras des pâquerettes donc, cette taxe parait intéressante. Punissons donc les mauvais élèves de l’industrie agro alimentaire en taxant certains de leurs produits plus que les autres, ceux qui contiennent trop de graisses saturées par exemple. Mais à quel moment un aliment devient-il dangereux? A partir de quelle quantité décide-t-on que la « danger zone » a été atteinte ?
Composition en graisses saturées :
-Une tartine de Nutella = 3.4 grammes de graisses saturées
-Un pain au chocolat (non pénalisé par la taxe si vous l’achetez chez le boulanger = 6.3 grammes
-Petits biscuits secs au chocolat (type Petit Ecolier®) = 7.1 grammes
-50 gr de saucisson = 6.3 grammes
-Une barre miniature Haagen Dazs = 8 grammes
-Haagen Dazs triple chocolat = 14 grammes
Comme on peut le voir ci-dessus, il est difficile de faire la part des choses et de condamner certains aliments plutôt que d’autres. Pourquoi plus le Nutella que le pain au chocolat ou le saucisson ? Autre exemple, si l’on considère que l’Etat prélève des taxes sur les aliments dits « dangereux » car favorisant l’obésité et entrainant les coûts médicaux élevés : une personne qui goûte tous les jours une cuillère à soupe de Nutella avec sa tartine de pain complet à 16h avec une pomme, se fait moins de mal qu’une personne qui suit un régime hyper protéiné sur plus de 3 jours et dont les impacts médicaux vont entrainer des coûts de santé très élevés : problèmes rénaux, cutanés, psy et cholestérol. Doit-on donc taxer le blanc de poulet et le fromage blanc ? La problématique se révèle donc plus vaste que la punition des industriels de l’agro-alimentaire.
Aujourd’hui, si l’on regarde les produits taxés en France, ceux qui le sont le plus sont soit les produits de luxe (voitures aux grosses cylindrées, bijoux, etc…), soit les produits dits “dangereux” que l’Etat, dans un mouvement hypocrite, autorise sur le marche moyennant une taxe plus élevée : alcools forts et cigarettes par exemple.
La question se pose donc : à quelle catégorie appartient donc le Nutella? Clairement, le Nutella n’est ni une Mercedes ni une cigarette. C’est tout simplement une pâte à base de purée de noisettes, de chocolat et de lait, le tout stabilisé grâce à de l’huile de palme, la fameuse huile au cœur de la tourmente. Il s’agit d’un petit plaisir que nous apprécions l’hiver dans une crêpe lorsqu’en touriste nous arpentons les Champs Elysées de haut en bas. Ni plus ou moins dangereux d’une glace Haagen Dazs, que du foie gras, du brie bien crémeux, qu’un hamburger frites suivi d’une glace, ou qu’une pizza au peperoni.
Partant de ce constat, et si l’huile de palme est si dangereuse, pourquoi ne pas l’interdire purement et simplement. Comment l’Etat garant de ma sécurité sanitaire peut-il autoriser un produit si néfaste pour ma santé ? Que l’Etat passe donc une loi courageuse, et interdise ces huiles et force les industriels à recourir à un substitut au lieu de racketter le consommateur.
Dans tous les cas, cette taxe aux relents démagogiques ne rapportera donc que quelques broutilles à l’Etat, ne pénalisera pas vraiment les géants de l’agroalimentaire qui reporteront le différentiel de coût sur le produit final. J’attends de mon Etat du courage : qu’il prenne le problème à l’envers, et qu’il mette en place une fiscalité favorable à l’environnement et à la santé en réduisant considérablement la TVA sur les fruits et légumes, le bio, ou les produits à teneur en graisses saturées ou sodium réduite.
Pour les sceptiques, laissons le mot de la fin au docteur Jean Michel Lecerf, nutritionniste de l’Institut Pasteur, cosignataire d'une étude avec Alain Riva, du Centre de Recherche Agronomique Cirad, et Odile Morin, de l'Institut des corps gras (Iterg) : “ l'huile de palme n'est absolument pas toxique. Sa consommation, comme celle de toutes les matières grasses, doit rester modérée si l'on ne veut pas grossir.” On aurait envie de continuer cette phrase par : « comme c’est le cas pour beaucoup d’aliments » !
Message pour notre ministre pour le redressement productif : La totalité du Nutella vendu en France est produite sur le territoire français à l’usine Ferrero de Villers Ecalles (Seine-Maritime, 1er site mondial de production de Nutella), les emplois de 800 salaries dépendent donc de ce produit made in France. Dont acte.
Précision : l’auteur n’entretient aucun lien de partenariat, de rémunération ou de représentation des produits de la marque Ferrero. Cet article reflète ses idées de la façon la plus neutre. Les chiffres communiqués dans cet écrit émanent des sites des industriels ou de sites de défense du consommateur.