La taxe à 75% va-t-elle tuer le football professionnel en France ?

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Par Philippe David Modifié le 22 mai 2013 à 3h33

François Hollande a confirmé le 28 mars dernier que les clubs de football professionnel devraient eux aussi payer la taxe à 75% pour les salaires supérieurs à 1 million d'euros.

Depuis, nonobstant les rodomontades de Noël Le Graët (Président de la Fédération Française de Football) qui affirmait à l'époque que les clubs de football ne seraient pas touchés, on ne sait rien des modalités d'application de cette nouvelle taxe. Il serait pourtant urgent pour les clubs de savoir à quelle sauce ils vont être mangés, la saison des transferts commençant dans quelques jours et la taxe en question risquant de rendre obligatoire pour certains clubs la vente de leurs cadres.

En effet, en restant sur les salaires actuels, une grosse centaine de joueurs et entraîneurs devrait être frappée. Si on en croît les chiffres de la Ligue de Football Professionnel, cette taxe devrait coûter 32.4 millions au PSG, 14.2 millions à l'OL et 13 millions à l'OM pour rapporter à l'Etat environ 82 millions d'euros.

Enfin rapporter, cela est loin d'être évident puisque certains clubs, à commencer par les deux Olympiques, vont certainement devoir vendre leurs plus gros salaires pour devoir éviter de... déposer le bilan. En effet, l'OL avait accusé sur l'exercice clos au 30 juin 2012 une perte de 28 millions d'euros tandis que l'OM perdait sur le même exercice 8 millions d'euros.

Connaissant ces chiffres, on comprend mieux pourquoi le club rhodanien a vendu certains cadres en cours de saison (comme Hugo Lloris vendu à Tottenham) tandis que l'OM vendait deux de ses joueurs « à très gros salaire », l'Argentin Lucho Gonzalez au FC Porto et Alou Diarra à West Ham. Comme vous pouvez le constater, les trois joueurs cités sont tous partis à l'étranger et ne rapportent dès lors plus un centime en impôts ni en charges sociales à la France.

Et cette taxe risque d'amplifier cet état de fait quand on sait que sur le précédent exercice, les clubs de Ligue 1 ont perdu 60 millions d'euros, ceci étant pour partie dû à la suppression dès 2010 (et non en 2012 comme prévu) du DIC (Droit à l'Image Collective) qui était une des fameuses niches fiscales qu'on a supprimé pour le football professionnel mais nulle part ailleurs ou presque...

Ainsi, si on fait exception du Paris SG (dont le Président Nasser Al Khelaïfi a dit que même si la taxe était élevée, le PSG la paierait sans problème) et, peut-être, Monaco (si le club arrive à maintenir son statut extra territorial et à ne pas payer les 200 millions d'euros demandés par la FFF), tous les clubs de Ligue 1 vont devoir se débarrasser de leurs plus gros salaires dans le mercato à venir. Partant du principe qu'à l'exception de ces deux clubs aucun autre ne pourra payer cette taxe, il est dès lors évident que les joueurs frappés vont être purement et simplement poussés vers la sortie par leurs dirigeants, sortie qui ne pourra se faire qu'à l'étranger.

Quand on voit qu'un club comme Newcastle, qui a failli être relégué cette saison, compte 11 joueurs français dans son effectif, il y a fort à parier que nombre de joueurs français et étrangers de Ligue 1 vont traverser la Manche, le Rhin, les Alpes ou les Pyrénées dans les semaines à venir et ne plus payer ni impôts ni charges sociales en France.

Si tel était le cas, la taxe à 75% aura, outre le fait d'avoir réduit le championnat de France à Paris et Monaco, coûté plus cher qu'elle n'aura rapporté.

Manifestement, l'économie est vraiment très mal enseignée à l'ENA...

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Philippe David, 46 ans, est cadre dirigeant à l'international, auteur de plusieurs livres politiques dont le dernier, « De la rupture aux impostures », est sorti en 2012 aux éditions du Banc d'Arguin. Il est également chroniqueur sur Sud Radio.

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