Le 6 janvier, l'INSEE avait produit un bilan démographique 2020 alarmiste, mais les naissances de décembre n'étaient pas encore comptabilisées. Aujourd'hui nous disposons de l'année 2020 au complet, du moins pour la France métropolitaine ; il est donc possible de préciser les données, et la gravité de la situation justifie que l'on revienne sur le sujet.
Un record … négatif !
Le maximum du nombre annuel des naissances en France métropolitaine est survenu en 1971, avec 881 284 bébés. La barre des 800 000 naissances annuelles a été franchie à la baisse, pour la première fois, en 1982. En 2020, c'est la barre des 700 000 qui l'a été, avec 696 800 naissances.
Pour avoir une vision exacte de cette évolution, il faut se rappeler qu'en 1971 la France métropolitaine comptait 51,25 millions d'habitants, tandis qu'aujourd'hui elle atteint 65,2 millions. Nous devons donc rapporter premièrement 881 000 à 51 250 000, ce qui fait en 1971 un nombre de naissances par million d'habitants égal à 17 200, tandis qu'un demi-siècle plus tard (à un an près) on n'a plus que 10 700 naissances annuelles par million d'habitants. La chute est de 100 à 62,2 : la baisse de la natalité ressort à presque 38 %. A peine plus d'une naissance pour 100 habitants, cela veut dire qu'en l'absence d'immigration nette il faudrait que la longévité moyenne atteigne presqu'un siècle pour éviter toute décroissance.
Après le baby-boom, le recul des années 1971 à 1976
A la Libération, il y eut un grand élan procréatif. En 1946 les naissances furent si nombreuses, relativement au nombre des femmes en âge de procréer, que si l'on avait continué sur cette lancée nous aurions eu, en moyenne, 3 enfants par femme. En 1966, le même indicateur était encore presque à 2,8 enfants par femme. Mais un changement très fort survint ensuite : 2,5 enfants par femme en 1971 et 1,83 en 1976.
Le 27 avril 1969 Charles de Gaulle est désavoué lors d'un référendum. Il démissionne dès le lendemain. Le 15 juin Georges Pompidou lui succède à l'Elysée et Jacques Chaban-Delmas entre à Matignon le 23 juin. En 1971, le nombre annuel de naissances atteint son record : 881 000. Le baby-boom continue en 1972 avec 877 500 naissances. En 1973 on dénombre encore 855 000 arrivées de bébés dans une France de 52 millions d'habitants, mais en mai de cette même année une importante manifestation en faveur du droit à l'avortement témoigne d'un important changement de mentalité.
La loi Veil relative à l'IVG (le 20 décembre 1974 : joli cadeau de Noël !) vint entériner légalement et conforter psychologiquement le droit de vie et de mort des parents, voire de la seule mère, sur l'embryon. Les trois années suivantes la chute du nombre de naissances fut rapide : 56 000 de moins en 1974, idem en 1975, et encore 25 000 de moins en 1976. Les statistiques reflètent l'ampleur du changement survenu dans les mentalités et dans la législation. La loi du 18 juin 1975 facilitant le divorce, succédant à la loi Veil votée six mois plus tôt, est typique de l'évolution qui s'est produite à cette époque.
Le bas niveau de la natalité de 1976 à 1999
Après cette chute durant la première moitié des années 1970 vint un plateau aux environs de 1,8 à 1,9 par femme, 730 000 à 760 000 naissances par an. La descendance finale, c'est-à-dire le nombre de bébés mis au monde par une femme durant la totalité de sa vie, n'est guère inférieure à 2, mais les naissances surviennent à des âges de plus en plus élevés, ce qui explique une partie importante de la faiblesse de leur nombre annuel.
La décennie 1980-1989 n'est guère plus brillante. Elle débute aux environs de 800 000 naissances par an, descend à 760 000 en 1984, remonte à 778 000 en 1986, termine à 765 000 en 1989. La suivante est tout aussi terne, débutant à 762 000 en 1990 et terminant à 745 000 en 1999.
Léger sursaut puis inquiétant déclin au XXI ème siècle
Le XXIème siècle commence par un léger progrès : 775 000 naissances en l'an 2000. Le nombre des naissances monta jusqu'à 797 000 en 2006 et cette décennie « tranquille » se termine à 793 000 en 2009.
La décennie suivante ne commence pas trop mal : petite progression à 802 000 en 2010. Puis les naissances retombent, progressivement mais sans discontinuer, jusqu'à 730 000 en 2017, 720 000 en 2018, 714 000 en 2019, pour finir par crever le plancher de 700 000, à 697 000, en 2020.
La régularité de cette baisse, de 802 000 à 697 000, est plus inquiétante que les hauts et les bas habituellement constatés au cours d'une décennie. Dix années consécutives de baisse, aboutissant à 105 000 naissances de moins, soit un recul de 13 %, cela requiert une réflexion, puis une action.
Que faire ?
La politique familiale est l'instrument dédié à la résolution des problèmes de natalité. Certes, en pleine épidémie de covid, il est peu probable que les pouvoirs publics, visiblement dépassés par les évènements, veuillent s'intéresser sérieusement à la question. Reste que « gouverner, c'est prévoir », et que les tracas immédiats ne devraient pas empêcher de se préoccuper activement du long terme, et donc au premier chef de la démographie.
Si l'improbable se produit, si la Présidence, le Gouvernement et le Parlement, sans oublier le Commissariat au Plan, ont la sagesse et le courage de s'occuper du long terme, ils ne se polariseront pas exclusivement sur la pandémie, mais travailleront à préserver et à renforcer les dispositions qui facilitent aux jeunes ménages l'accomplissement de leurs projets procréatifs.