Rares sont les domaines où la France peut se placer en leader incontesté. Il en existe un pourtant où la comparaison devient raison et se transforme peu en peu en exception structurelle : c’est notre démographie.
Eurostat, l’institut européen des statistiques, l’a une nouvelle fois confirmé. En 2014, la France est le pays au sein de l’Union européenne où le nombre de naissances est le plus élevé. Ainsi, 819.300 bébés ont vu le jour dans l’Hexagone contre seulement 775.900 en Grande-Bretagne et 714.900 en Allemagne. Mieux encore, notre taux de fécondité est le plus élevé d’Europe avec 2,1 enfants par femme et surtout assure le renouvellement des générations. A contrario, Outre-Rhin, il n’est que de 1,47 et de 1,81 au Royaume-Uni.
C’est à partir de la fin des années 90, que la France a commencé à sortir du lot. Alors que les autres pays d’Europe s’engouffraient inéluctablement dans une croissance démographique molle, les naissances ont commencé à se redresser en France. Les politiques familiales mises en place dès les années 30 avec un objectif nataliste ont sans doute permis d’obtenir ces bons résultats sur le long terme en permettant aux femmes peu ou prou d’améliorer la gestion de leur vie de famille et de leur vie active. Le développement des crèches, l’entrée à la maternelle de l’enfant dès trois ans, les aides familiales ont été autant de mesures qui ont accompagné la natalité. Toutefois, force est de constater que personne n’avait prévu une telle dynamique démographique. Les économistes, démographes et autres experts peinent encore aujourd’hui à saisir les raisons de cette tendance qui fait la différence.
Le choc démographique et ses conséquences
Rappelons néanmoins qu’entre 1973 et 1994, la France a connu comme tous les autres pays développés un repli de sa natalité. Durant cette période, le taux moyen de la fécondité a atteint 1,8 enfant par femme, soit un taux en dessous du seuil de renouvellement des générations. Il ne naissait que 770.000 enfants tous les ans et on déplorait un manque d’environ 40.000 par an. La génération du baby-boom, moins féconde que les précédentes a ainsi créé des déséquilibres dans le financement des retraites, accentué de surcroît par l’allongement de la durée de vie. Or, dans notre système par répartition, les naissances font les actifs de demain pour financer leurs parents retraités. Pour rester à l’équilibre, ce système nécessite un niveau stable et relativement élevé de la natalité.
Face à cette dénatalité qui s’est installée durant une vingtaine d’année, les gouvernements successifs ont pris, au fil des années, différentes mesures pour permettre d’alléger la contrainte des dépenses de retraite sur la richesse nationale. Ainsi, la dernière réforme de 2014 prévoit l’augmentation progressive de la durée pour bénéficier du taux plein (jusqu’à 43 ans à partir de 1973). Par ailleurs, l’âge légal de départ à la retraite qui varie en fonction de la date de naissance, a été repoussé progressivement dans le secteur privé. Il a été fixé aujourd’hui à 62 ans pour ceux nés en 1955 ou après. Toutes ces différentes mesures visent à assurer un meilleur équilibre de long terme pour notre système de retraite par répartition. Aujourd’hui, les dépenses de retraites représentent 13.8% du PIB.
Le « contre choc » démographique et ses bénéfices
En revanche, le redémarrage de la natalité à partir des années 90 va peu à peu alléger le poids à venir des retraites dans le PIB et améliorer, de facto, la soutenabilité des finances publiques. Si la natalité ne résout pas tout pour assurer le bon fonctionnement d’entraide intergénérationnelle, reste qu’elle y participe grandement. Au même titre que la croissance économique réduit mécaniquement le poids des dépenses de retraite dans la richesse nationale.
Selon les projections de l’INSEE, si la tendance se poursuit avec un taux de fécondité supérieur à 2 enfants par femme, la population française continuera de croître à un rythme soutenu pour atteindre 76 millions de personnes en 2060. La France va ainsi conserver une population relativement jeune par rapport à ses partenaires européens et le taux de dépendance, c’est à dire la part des personnes âgées dans la population totale, sera l’un des plus faibles d’Europe. En dépit du pessimisme ambiant, souvent mis en exergue en France, reste qu’un pays qui dispose de bonnes performances démographiques doit peut-être, malgré tout, avoir confiance en son avenir.
Avant de se féliciter de cette exception française, il a fallu attendre que la tendance se confirme et s’assurer que la dynamique de la natalité s’est bel est bien installée. Or, depuis maintenant une vingtaine d’années, la France fait mieux que ses voisins. Ainsi, grâce au dynamisme de sa démographie mais aussi grâce aux réformes mises en place, le poids des pensions (dépenses de retraites + invalidité) dans le PIB devrait, selon l’INSEE, baisser de manière significative entre 2013 et 2060 (-2,8 points de PIB). A contrario, ce poids progresserait de 2,7 points en Allemagne passant en 2060 à 12,7% du PIB et de 3,3 points en Belgique à 14,8% du PIB. Au total, le poids des dépenses de pension serait en France légèrement inférieur à celui de la moyenne européenne (12,1% contre 12,3%). Et l’INSEE de conclure, « la France se trouverait ainsi dans une position relativement favorable par rapport à ses partenaires européens pour faire face au vieillissement de sa population ».