Les taux d’intérêt bas, un danger pour les banques ?

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Par Rédaction Modifié le 9 septembre 2019 à 17h47
Banque Europe Stress Test
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0%Depuis mars 2016, la BCE a abaissé son principal taux directeur à 0 %.

Si la faiblesse des taux d’intérêt favorise a priori les emprunteurs, elle s’accompagne également d’effets délétères sur le secteur bancaire. Il n’est donc pas l’heure, comme le souhaite la banque Arkéa, de voler de ses propres ailes, a fortiori quand pointe le spectre d’une nouvelle bulle financière liée à l’endettement.

« Argent, trop cher » : jamais le tube composé à la fin des années 1980 par le groupe français Téléphone n’a résonné si faux. Depuis près de dix ans, les taux d’intérêt ne cessent en effet de chuter au sein des pays industrialisés. Au point d’atteindre des niveaux historiquement bas, voire négatifs : du jamais vu, particulièrement sur le Vieux continent, où c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui décide de la politique monétaire appliquée aux 19 États membres de la zone euro.

Le grand argentier européen fixe, notamment, le niveau des taux d’intérêt dits « directeurs », influant tant sur le coût des crédits octroyés par les établissements bancaires que sur le rendement de l’épargne. Depuis mars 2016, la BCE a ainsi abaissé son principal taux directeur à 0 %, les banques de la zone euro pouvant de ce fait lui emprunter gratuitement des liquidités, pour une durée d’une semaine.

Les emprunteurs à la fête ?

Et l’Europe n’a rien d’une exception. Depuis 2008 et la crise des « subprimes », les banques centrales du monde entier fixent, toutes, des taux directeurs proches de zéro, permettant ainsi aux acteurs d’accumuler de la dette et de financer la croissance. Objectif avoué : éviter un nouveau krach financier.

À première vue, ce très faible loyer de l’argent représente une bonne nouvelle pour les emprunteurs, qui bénéficient, en France par exemple, d’un taux de crédit immobilier de seulement 1,29 % par an en moyenne (toutes durées confondues et hors assurance obligatoire). Les salaires augmentant de 1 à 2 % par an, emprunter de l’argent à sa banque ne coûte donc rien, permettant aux ménages d’emprunter davantage pour s’offrir le logement de leurs rêves.

Les banques fragilisées

Au contraire des emprunteurs, les épargnants se retrouvent pénalisés, leur pécule soigneusement mis de côté ne leur rapportant presque plus rien. Conséquence logique de cette atonie, ces derniers ont donc tendance, au lieu d’alimenter la consommation intérieure, à privilégier des placements toujours plus risqués. Tout l’inverse de l’effet recherché par les banques centrales au lendemain de la crise financière, qui appelaient, au contraire, à davantage de mesure.

Dans la zone euro, cette politique monétaire a également un impact négatif sur les établissements bancaires, dont le cœur de métier, rappelons-le, reste le prêt. Avec la baisse des taux d’intérêt, les banques et assurances peinent à faire des profits et se retournent donc, logiquement et à l’image des épargnants, vers les marchés. En d’autres termes, jamais les institutions bancaires n’ont autant misé sur les activités de trading et autres placements à risque pour maintenir leur rentabilité.

« Depuis qu’on a instauré ce taux négatif sur les dépôts, cela coûte cher aux banques », explique ainsi Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG Management School, qui estime « qu’au taux actuel sur les liquidités excédentaires, cela coûte environ 7,5 milliards d’euros aux banques de la zone euro ». « La rentabilité des banques (…), déjà sous pression, risque de devenir un problème structurel », avertit encore le spécialiste, et ce alors que les établissements doivent convaincre les investisseurs de leurs capacités à faire face aux taux d’intérêt négatifs, tout en se pliant aux exigences réglementaires européennes les contraignant à mettre en réserve suffisamment de capitaux pour faire face à de futurs chocs financiers.

L’heure est à la consolidation, pas à l’aventure en solo

Autrement dit, les banques françaises et européennes s’essoufflent. C’est dans ce contexte, particulièrement défavorable, que l’une d’entre elles entend paradoxalement se séparer de sa maison-mère, le Crédit Mutuel — dont le modèle mutualiste a pourtant apporté la preuve de sa résilience face aux fluctuations financières : Arkéa, un « petit » établissement basé en Bretagne, spécialisé dans les FinTech. D’autant que, comme son dernier « document de référence actualisé » le reconnaît en toutes lettres, la désaffiliation du Crédit Mutuel s’avère « complexe » et des « risques associés existent ».

Et non des moindres : « perte de la marque Crédit Mutuel », « conséquences difficiles à appréhender », risques de « modifications majeures par rapport (au projet initial) » et de « difficultés nouvelles », « perte du bénéfice de l’agrément bancaire collectif », ou encore risques liés « aux calculs prudentiels » et « à l’accord des autorités de contrôle » qui, de l’AMF à la BCE, en passant par l’ACPR et la Banque de France, ont mis les dirigeants d’Arkéa en garde contre leur projet d’indépendance. Quant à l’agence de notation Standard & Poor’s, en janvier 2018, elle a placé Arkéa « sous surveillance négative », envisageant de dégrader sa note de plusieurs crans si la banque renonçait, par sa désaffiliation, au mécanisme de solidarité liant entre eux les membres du Crédit Mutuel.

Vers une nouvelle crise financière ?

Si les taux d’intérêt historiquement bas incitent donc davantage à la consolidation bancaire qu’à l’aventure en solitaire, ceux-ci ne sont pas nécessairement synonymes de bonne affaire pour les emprunteurs. La baisse des taux permettant aux acheteurs de s’endetter plus qu’avant, elle stimule donc la demande et fait mécaniquement monter les prix de l’immobilier — comme à Paris, où le mètre carré vient officiellement de dépasser les 10.000 euros.

Avec un risque évident : une pyramide de dettes qui ne pourra jamais être remboursée et, in fine, l’ombre d’une bulle et d’un nouveau krach : « des taux trop bas trop longtemps conduisent (...) tout droit à une crise financière », avertit l’universitaire Jézabel Couppey-Soubeyran. En dépit des apparences, l’heure est donc à la prudence.

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