Aujourd’hui, j’identifie trois risques majeurs menaçant le système financier.
Ce sont les suivants :
1. un relèvement des taux en septembre ; ?
2. l’éventualité que la Fed devienne un sujet politique et/ou un bouc émissaire potentiel ;?
3. Deutsche Bank.
Les taux au coeur de la réunion de septembre de la Fed
En ce qui concerne le premier point, la présidente de la Fed, Janet Yellen, a fait planer l’idée d’un relèvement des taux en septembre. Voici, ci-dessous, la phrase-clé de son discours de Jackson Hole :
“Au vu des solides performances constantes du marché de l’emploi, et de nos perspectives relatives à l’activité économique et à l’inflation, je pense que les arguments en faveur d’un relèvement des taux directeurs se sont renforcés au cours de ces derniers mois“, a déclaré Mme Yellen, dans ses commentaires de vendredi dernier.?Source : Wall Street Journal
Comme je l’ai déjà indiqué, la Fed essaie toujours de préparer les marchés à ses changements de politique. Sachant cela, la suggestion de Janet Yellen représente un ballon d’essai permettant de voir la réaction des marchés face à sa déclaration. Le dollar l’a immédiatement noté et, depuis, il a grimpé en territoire des 96 points.
C’est une zone dangereuse pour les actions. Chaque fois que le dollar dépasse les 96 points et qu’il y reste, les actions sont en sursis. Si cette dernière échappée au-dessus des 96 points persiste, les actions vont subir une correction. En ce moment, les marchés des futures fixent à 27% les probabilités d’un relèvement des taux en septembre. Je pense qu’il existe une possibilité que la Fed relève les taux ce mois-ci. Je surveille les déclarations émanant des responsables de la Fed pour recueillir des indices mais, en ce moment, je pense que les marchés des futures sous-estiment sérieusement les probabilités d’un nouveau relèvement des taux en septembre.
La Fed, enfin sous le feu des critiques ?
En ce qui concerne le deuxième point, j’ai remarqué dernièrement que les médias étaient de plus en plus critiques à l’égard de la Fed. Voilà qui marque une transition majeure par rapport aux couvertures médiatiques passées, décrivant la Fed et ses dirigeants comme les sauveurs du système financier. L’article ci-dessous a été rédigé par Jon Hilsenrath. Nos fidèles lecteurs se souviennent qu’Hilsenrath a été journaliste au Wall Street Journal, et étroitement lié à la Fed. D’ailleurs, à une certaine époque, lorsque Ben Bernanke en était à la tête, Hilsenrath était considéré comme le porte-parole de facto de la Banque centrale américaine.
Vous prendrez la mesure de la métamorphose en lisant ces lignes :
Les faux-pas accumulés par la Fed pendant des années ont alimenté la déception, tant en ce qui concerne l’économie que vis-à-vis de Washington. La banque centrale, vénérée en d’autres temps, n’a pas réussi à prévoir la crise et elle s’est débattue dans son sillage, en nourrissant la montée du populisme et d’une méfiance vis-à-vis des institutions… Si une autre récession devait arriver, on ne sait pas si la Fed disposerait d’outils permettant d’y remédier, thème que Mme Yellen devrait aborder lors de son discours de Jackson Hole. Traditionnellement, la Fed abaisse les taux d’intérêt en période de marasme. Avec des taux directeurs proches de zéro, elle ne peut descendre beaucoup plus bas. Si une récession survient, la Fed aura probablement recours aux outils impopulaires utilisés après la crise financière, notamment l’achat de bons du trésor et encore plus de promesses de maintenir les taux courts à un niveau très bas pendant très longtemps.
“Nous devrions être extrêmement inquiets“, a déclaré M. Summers [Larry Summers, éminent initié du monde financier]. “Fondamentalement, nous nous trouvons sur un redoutable champ de bataille avec très peu de munitions.” ?Source : Wall Street Journal
Cet article est tout simplement stupéfiant. Voici ce qu’il révèle : ?
– l’un des anciens relais de la Fed au sein des médias, critique ouvertement la politique de cette institution.
?– un éminent initié du monde financier (Larry Summers) admet que la Fed est, de fait, à court de munitions. ?
– il est reproché à la Fed, de façon implicite, la montée de la méfiance à l’égard de Washington.
La Fed est tout bonnement devenue un sujet politique grand public. Si cette tendance s’accentue au point que la réforme effective de cette institution soit considérée par les membres du Congrès comme un moyen d’acquérir du crédit politique, alors la Fed aura de gros ennuis. J’ai longtemps soutenu que la Fed passerait par une sérieuse réforme. Au bout du compte, trois groupes dirigent les Etats-Unis : Wall Street, la classe politique et la Fed. L’élite politique/financière s’est unie “d’un seul homme” pour porter le système financier à bout de bras après 2008. Toutefois, cette union temporaire commence à se disloquer.
Il faudra bien que quelqu’un porte la responsabilité de ce qui va arriver. Wall Street dépensera des sommes considérables en lobbying et relations publiques afin de se dégager de toute responsabilité. Certes, de modestes acteurs ou traders “voyous” isolés pourraient bien être sacrifiés, mais les véritables décideurs feront tout ce qui est en leur pouvoir pour échapper à la prison. Quant à la classe politique, elle va rechercher un bouc émissaire sur qui rejeter sa propre responsabilité concernant son incapacité à demander des comptes aux responsables de [la crise de] 2008 – et de celle qui nous attend – et à les poursuivre. La Fed représente la cible la plus probable. Elle est en grande partie composée d’universitaires élus par les banques de Wall Street. En tant que tels, les responsables de la Fed sont d’importants prête-noms que l’on peut “sacrifier” pour apaiser la population outragée, sans que de véritables changements n’interviennent réellement.
Je pense que le fait que des initiés de Washington – tels que Larry Summers et certains journalistes des grands organes de la presse financière, tels que Jon Hilsenrath – critiquent ouvertement la Fed et ses politiques, sonne le début d’une campagne d’incrimination de la Fed. C’est quelque chose qu’il faut surveiller. En fonction de ce qu’il va se produire lors des élections présidentielles de novembre, la réforme de la Fed pourrait devenir une réalité. Personnellement, j’aimerais que la réforme ait lieu. Mais si cela devient une possibilité, les marchés ne le prendront pas bien. La Fed est le seul moteur de hausse du marché actions et de la bulle obligataire. En réformant la Fed, on remettrait en question le support qui soutient les prix des actifs. Et ce serait très mauvais. Voilà pourquoi je considère que cela représente un risque pour le système financier.
Deutsche Bank, la banque qui peut tout faire basculer
En ce qui concerne le troisième point, Deutsche Bank (DB) constitue peut-être le plus gros problème bancaire pour le système financier. La quatrième banque de l’union européenne, DB, est assise sur le plus gros stock de dérivés du monde : 64 000 milliards de dollars, soit 17 fois plus que le PIB allemand et 83% du PIB mondial. Tout ça dans une seule banque. En outre, les Allemands, terrifiés à l’idée que le NIRP (politique des taux négatifs) grignote leurs économies, ont commencé à retirer massivement leurs dépôts.
Pendant des années, les Allemands n’ont cessé d’épargner de l’argent sur des comptes épargnes malgré la chute des taux d’intérêt. Les épargnants considéraient que ces comptes étaient sécurisés, et qu’ils leur permettraient toujours d’accéder facilement à des liquidités. Mais dernièrement, nombre d’entre eux n’y croient plus. Les taux d’intérêt s’enfonçant en territoire négatif, la demande en faveur de coffres-forts est en train de s’accélérer. Burg-Waechter KG, le plus grand fabricant de coffres, a enregistré une hausse record de 25% de ses ventes au premier semestre, par rapport à l’année dernière. Autrement dit, des retraits massifs ont lieu. Et le marché commence à flairer que DB pourrait avoir des ennuis. Et si les actions DB plongent, l’Union européenne va être précipitée dans une véritable crise, semblable à celle de 2008. Gardez cela en tête. Il s’agit d’un problème systémique.
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