La France ne peut plus emprunter d’argent sur les marchés (5/6) [BESTOF]

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 9 août 2015 à 7h12

Initialement paru le 26/12/14

FICTION

Quand l'euro se mit à baisser face au dollar, Valls et Macron commencèrent à fanfaronner dans les médias. C'était le signal attendu pour le redressement de la France ! Grâce à l'euro faible – à l'été 2015, on approchait déjà de la parité – les entreprises françaises allaient pouvoir s'en donner à cœur joie, et exporter ces produits Made In France dont le monde ne savait pas qu'il avait tant besoin.

L'Allemagne, grande gagnante de la baisse de l'euro

Sauf que « l'appareil productif », outre qu'il était déjà passablement esquinté, n'était pas capable de redémarrer en quelques mois. Une usine fermée ne se relance pas en un claquement de doigts. D'autant qu'avant de fabriquer des produits, il faut les avoir vendus, et les cycles de vente pour les produits à forte valeur ajoutée – pas les ciseaux d'écolier régulièrement cités en exemple sur les plateaux télé – se comptent en années. Hollande rêvait d'inonder le monde avec des FrenchPad, promis à tous les collégiens de 5e, dont le lancement était prévu pour la rentrée 2015-2016, mais le monde ne les attendait pas.

C'est l'Allemagne qui profita de la baisse de l'euro. Ses usines passèrent à 110 % de leur capacité de production grâce à de nouveaux accords salariaux conclus en une semaine entre le patronat et les syndicats allemands, sans un piquet de grève ni une banderole. La balance commerciale de l'Allemagne, déjà largement excédentaire (200 milliards d'euros en 2013 !), franchit la barre symbolique des... 300 milliards d'euros dès 2015.

Et la France ? L'hiver 2014 fut rude. Outre le chômage (5,5 millions de chômeurs à Noël) et la dette (90 milliards de déficit en fin d'année, contre 82 milliards prévus), la baisse de l'euro, loin de profiter aux entreprises françaises (sauf aux grandes marques de luxe français, à Airbus et ironie de l'histoire, à Alstom, passé sous pavillon américain), plomba l'économie du pays.

Avec trois semaines sous – 5 °C, la France révéla toutes ses faiblesses d'un coup. Dans la vallée du Rhône, le TGV ne roulait plus, bloqué par le gel. Les centrales nucléaires, du moins les tranches disponibles, ne suffisaient pas à honorer la demande en électricité à l'heure de pointe, le soir. ERDF délestait la Bretagne et PACA quasiment tous les soirs. Mais c'est surtout le retour du plein de diesel à 1,50 euro le litre, à cause de la hausse du dollar par rapport à l'euro et aux quotas pétroliers imposés par l'OPEP, qui fit comprendre à Manuel Valls que la bataille était perdue.

Une partie de Monopoly perdue

Sur les marchés, la dette française franchit brutalement le seuil des 3 %, ce qui n'était plus arrivé depuis cinq ans. En février, la barre des 5 % tombait. Vingt ans que la France n'avait pas payé aussi cher pour se financer sur les marchés. Et les factures s'accumulaient : avec l'hiver glacial, la consommation d'énergies fossiles atteint des sommets : toutes les centrales thermiques que comptait le territoire tournèrent. Sur douze mois, le déficit commercial franchit les 100 milliards. Sapin eut beau dire que c'était la faute aux importations de carburant, l'OCDE et le FMI lui rappelèrent bien vite que l'Allemagne aussi importait des hydrocarbures, plus que la France. Et faisait payer son électricité deux fois plus cher aux consommateurs comme aux industriels.

La bataille était donc perdue, comme dans ces parties de Monopoly où l'on vous prend tour après tour vos cartes de rues hypothéquées, pour que vous puissiez honorer vos loyers. La France avait vendu tout ce qu'elle pouvait, les taxes ne rentraient plus – l'impôt sur le revenu avait collecté 10 milliards de moins que prévu, et les tondus revendiquaient 50 milliards d'euros de TVA bloqués. Et emprunter n'était plus une option.

Hier : Christine Lagarde, la VIe République et la disparition de l'euro (4/6)

Demain : La finance internationale fait main basse sur la France (6/6)

Angela Merkel, à la tête d'une Allemagne victorieuse

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Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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