La guerre des monnaies n’aura pas lieu

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Par Pascal de Lima Publié le 4 mars 2013 à 4h33

Comme Giraudoux, le dernier G20 a exprimé ce vœu pieux : « La guerre des monnaies n’aura pas lieu » par la bouche par exemple du ministre des Finances britannique George Osborne : "Le monde ne doit pas faire l'erreur (...) d'utiliser les devises comme instrument de guerre économique". Pourtant, dans notre monde en crise, la monnaie reste une arme et la guerre est déjà déclarée !

Nombreux sont les pays, sur tous les continents à maintenir la valeur de leur monnaie bien plus bas que sa valeur dite « naturelle » aux vues de leurs performances économiques. Si le Japon a déterré la hache de guerre en réaction à une déflation dévastatrice et à vingt ans de stagnation de la croissance avec sa politique de relance qui a fait chuter le yen de 20 %, de grandes économies telles que la Chine (dont l’Etat fixe autoritairement le cours du Yuan), les Etats-Unis (dont la réserve fédérale inonde l’économie de nouvelles liquidités depuis trois ans) ou encore la Russie ne sont pas en reste.

C’est donc bien d’une guerre économique qu’il s’agit et ce sont moins des partenaires qui discutent que des belligérants qui s’affrontent à coups de dévaluations compétitives dont l’effet mécanique théorique est à terme de stimuler les exportations et de limiter les importations. C’est donc une politique avant tout protectionniste, facile à mettre en œuvre, mais dont les bénéfices se font sur le dos du reste des économies. Quand on sait les dégâts générés par la grande guerre monétaire des années 1930, il y a lieu de s’inquiéter.

Mais si l’intérêt particulier des diverses économies du monde la réclame, l’intérêt général, lui, commande à ce que cesse cette guerre au plus vite. Pour résumer, il s’agit d’un dilemme du prisonnier classique. Dans le cadre de deux économies partenaires : si je dévalue et le voisin non, à terme j’exporterai mieux vers lui et importerai moins de lui. Et vice versa si c’est lui qui dévalue et pas moi. En revanche, si nous dévaluons tous les deux l’effet sera négligeable sur nos balances commerciales respectives mais, surtout, en plus de l’instabilité du commerce international, cette politique engendrerait une forte inflation avec des prix qui augmentent partout en même temps, proportionnellement à l’intensité de la politique monétaire expansionniste mise en œuvre.

En Europe, on joue la drôle de guerre des monnaies. Les tambours tonnent aux quatre coins du monde, les trompettes du dollar, du yen et du yuan sonnent et l’Euro, reste immobile dans son château fort. Mais ce château est en ruine, la surévaluation de l’euro étant renforcée et alimentée par la guerre des monnaies environnantes, toujours plus faibles. L’Allemagne préfère jouer sur des efforts de compétitivité pour protéger ses rentiers et entraine l’ensemble de la zone euro avec elle. De son côté, la BCE a pour objectif la maitrise de l’inflation et non la recherche de croissance économique, elle adopte en conséquence une politique passive qui laisse l’euro souffrir d’une surévaluation (d’environ 11,7 % selon le Big Mac index) dont les résultats sur notre industrie sont dévastateurs. En effet, la seule manière de lutter face à l’appréciation fatale de l’euro si on se prive de l’outil monétaire est la maîtrise des salaires, c’est-à-dire la politique de rigueur, de compétitivité à outrance, préconisée par l’Allemagne pour réduire les coûts de production et mieux exporter.

Le Japon a déclaré la guerre des monnaies. L’euro doit il entrer dans l’arène ? Le débat reste ouvert. Mais il n’est de victoires que pour les combats que l’on mène et l’immobilité n’est jamais une solution. Reste à savoir si les beaux yeux d’Hélène, la croissance économique, valent cette nouvelle guerre de Troie.

avec Gwenaël Le Sausse

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Chef économiste, Economiste de l'innovation, knowledge manager des cabinets de conseil en management (20 ans). Essayiste et conférencier français spécialiste de prospective économique, mon travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Responsable de l'offre "FUTURA : Impacts des innovations sur les métiers de demain". Vision, Leadership, Remote of Work, Digital as Platforms...secteurs Banque Finance Assurance, PME TPE, Industrie et Sport du Futur. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Consultant et Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'Altran - dont un an auprès d'Arthur D. Little...), je fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, je deviens en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management. En 2022, je deviens Chef économiste de CGI et Directeur de CGI Business Consulting. Intervenant en économie de l'innovation à Aivancity, Sciences po Paris, ESSEC, HEC, UP13, Telecom-Paris... et Conférenciers dans le secteur privé, DRH, Directions Métiers... J'ai publié plus de 300 tribunes économiques dans toute la presse nationale, 8 livres, 6 articles scientifiques dans des revues classées CNRS et j'interviens régulièrement dans les médias français et internationaux. Publication récente aux éditions FORBES de « Capitalisme et Technologie : les liaisons dangereuses – Vers les métiers de demain ». Livre en cours : "La fin du travail" Site personnel : www.pascal-de-lima.com

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