L'Aitec et Attac France ont obtenu la version du chapitre Énergie et matières premières qui sera proposée aux négociateurs américains lors du 14ème cycle de négociation qui commence aujourd'hui à Bruxelles.
Le texte, commenté dans une note d'analyse disponible ici, confirme nos craintes : le TAFTA privera la puissance publique des instruments de contrôle et de réglementation nécessaires à la protection de l'environnement et la lutte contre les dérèglements climatiques. Aucun mécanisme de sauvegarde ou dérogatoire ne figure dans le projet de chapitre écrit par la DG Commerce afin de permettre la primauté du droit international de l'environnement sur celui du commerce et l'investissement, en particulier s'agissant de la lutte contre les dérèglements climatiques.
Composé de 9 articles et de deux annexes, le document atteste notamment de l'ambition de l'UE d'obtenir la levée de toutes les limitations des exportations de gaz naturel américain vers l'Union européenne. Il comporte deux autres volets notables :
- un volet réglementaire relatif aux standards, réglementations et inspections dans le domaine des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique.
- un volet de « coopération » entre les parties concernant le commerce et l'investissement dans le domaine de l'énergie et des matières premières : négociations internationales, mesures de parties tiers conduisant à des distorsions, auto-certification par les entreprises...
Or à travers ce texte, de nouvelles menaces se font jour pour la planète et pour la santé publique. En effet s'il devait être inséré dans le traité transatlantique, un tel chapitre aurait pour conséquence la suppression des limites à l'exportation d'énergies fossiles, et l'incitation à leur extraction et leur commercialisation, sans considération des implications écologiques d'une telle évolution : pollutions hydriques, atmosphériques, risques multipliés par le développement de nouvelles infrastructures et par l'allongement du transport... La spécificité du gaz naturel américain renforce ces risques : il s'agit de gaz de schistes, au bilan carbone au moins équivalent à celui du charbon.
L'application d'un tel texte remettra également en cause d'un certain nombre de dispositifs de soutien à la production d'énergies propres, tels que les engagements de rachat d'électricité verte, ou encore la préférence donnée aux producteurs locaux/communautaires d'énergies renouvelables. Enfin il légitimera la préférence progressive aux dispositifs d'auto-réglementation des entreprises dans le domaine de l'efficacité énergétique et des matières premières : adieu les audits énergétiques imposés aux entreprises et au bâti, les mécanismes obligatoires d'étiquetage, ou encore l'interdiction formelle de commercialiser des appareils trop énergivores.
Face à ces menaces, le texte ne propose aucun mécanisme de sauvegarde ou de protection du climat et de l'environnement qui permettrait aux signataires du TAFTA de faire valoir l'impératif écologique et climatique pour s'abstraire de certains de leurs engagements, ce alors que l'Accord de Paris fixe des objectifs contraignants qui l'exigeront. Faute de disposition contraire, le mécanisme de règlement des différends Investisseur-État risque d'ailleurs bien de couvrir toutes les dispositions incluses dans ce texte.
Les poursuites déclenchées par des multinationales dans des affaires liées à l'énergie et à l'extraction minière représentent près du tiers du total des plaintes en arbitrage déposées auprès du CIRDI. C'est une manne colossale, de plus en plus recherchée par le business de l'arbitrage. Et plusieurs cas européens emblématiques rappellent les risques immédiats qu'encourent les États : Vattenfal I et II c. Allemagne, Gabriel Resources c. Roumanie, Engie SA, GDF International SAS and Engie International Holdings c. Hongrie, sans compter les dizaines de plaintes déposées contre l'Espagne et l'Italie après qu'elles aient du renoncer, pour des raisons budgétaires, à leurs programmes de rachat d'électricité verte.
En l'état la proposition de l'UE est un obstacle supplémentaire sur la route de la transition énergétique. Elle introduit même de nouveaux risques écologiques. La France ne peut la soutenir à moins de trahir les engagements de Paris, pris lors de la COP21.