Alors que le Mois sans tabac vient de démarrer dans l’Hexagone, l’état des lieux de la consommation et du commerce de tabac en France et en Europe reste préoccupant. Après avoir connu une baisse, les chiffres du tabagisme français sont repartis à la hausse depuis 2019. A l’échelle européenne, on observe une consommation accrue des nouveaux produits du tabac et dans le même temps une augmentation massive des ventes illégales. Les prochaines mesures européennes pourraient donc avoir pour objectifs de mieux lutter contre le commerce parallèle et d'harmoniser la fiscalité en fonction de la nocivité des produits.
La consommation de tabac en France ne recule pas
Selon le Baromètre de Santé Publique France pour l’année 2020, environ un adulte sur trois fume, dont 25 % quotidiennement. Notre pays compte au total 17 millions de fumeurs. Si ces derniers étaient de moins en moins nombreux entre 2016 et 2019, le nombre de fumeurs a cessé de baisser en 2019. En 2020, les proportions restent stables même si l'on note une hausse du tabagisme parmi les plus précaires.
Si 1,9 million de Français ont arrêté de fumer depuis 2014 et s’ils sont toujours plus nombreux à tenter de mettre un terme à leur consommation, le tabac reste encore responsable d'un décès sur huit et constitue « la première cause de mortalité évitable, de mortalité par cancer et de mortalité avant 65 ans », selon le site du ministère des Solidarités et de la Santé.
« Les arômes réduisent la perception du caractère nocif du produit »
D'après le dernier Eurobaromètre (2020), la France est toujours au-dessus de la moyenne européenne et demeure le premier consommateur de tabac parmi les pays de l’ouest de l’Europe. Les Européens connaissent par ailleurs un engouement pour les nouveaux produits du tabac, comme la cigarette électronique et le tabac chauffé. Parce que ces produits sont récents, qu’ils dépendent largement de l’usage que le fumeur en fait et qu’ils sont déclinés sous différentes formes, certaines données manquent pour mesurer leur nocivité.
Toutefois, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) alerte régulièrement sur les menaces que représentant ces nouveaux produits. Tout comme la Commission européenne qui s’inquiète de ces nouvelles pratiques dans un rapport paru en mai 2021. L’institution européenne met en garde contre l’augmentation des ventes des produits à base de tabac chauffé et contre les parfums des cigarettes électroniques : « Leur cote de popularité parmi les jeunes est inquiétante. (…) Ces arômes influencent fortement les jeunes puisqu’ils réduisent leur perception du caractère nocif du produit et augmentent leur désir de l’essayer. »
Un phénomène qui pousse certaines associations de santé à préconiser une harmonisation fiscale des produits du tabac. A l’image du Comité national contre le Tabagisme (CNCT) qui « plaide en faveur de l’admission du tabac chauffé dans la catégorie fiscale des cigarettes manufacturées », arguant qu’à ce jour, aucune étude indépendante n’a démontré que la consommation de tabac chauffé s’accompagne d’une réduction des risques.
Un marché parallèle florissant et une nécessaire réponse européenne
Un autre sujet préoccupe les autorités européennes : le commerce illégal du tabac qui ne cesse de s’accroître depuis deux ans dans l’UE ainsi que les pertes fiscales associées. L’Hexagone demeure le « principal marché européen de cigarettes illicites », avec 11,7 milliards de cigarettes issues de la contrefaçon et de la contrebande consommées en 2020, soit 23 % de la consommation totale française. Outre les recettes fiscales perdues par les pays européens, les conséquences sanitaires inquiètent les autorités car la composition de ces cigarettes est douteuse, avec des substances dangereuses et parfois insolites (plastique, excréments etc.).
Au niveau européen, la directive des Produits du Tabac, en application depuis mai 2016, a commencé à porter ses fruits, selon un récent rapport publié par la Commission européenne, avec l’élargissement des avertissements sanitaires, un système de suivi et de traçabilité, la réglementation des cigarettes électroniques etc. Cependant, selon certains parlementaires, la directive doit aller encore plus loin. C’est l’avis de François-Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône et fondateur du parti Liberté écologie fraternité, qui estime que la directive, qui sera révisée en 2022, doit s’aligner davantage avec un traité international existant, le Protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite de tabac. « Grâce au Protocole de l’OMS, le pays gagnerait chaque année quelque 5 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires. La réponse au commerce illicite devra donc à terme être européenne ».