Deux nouvelles taxes annoncées par le gouvernement risquent de faire augmenter fortement le prix du tabac à rouler et des cigarettes en France. Les réseaux parallèles pourraient être les seuls bénéficiaires d’une stratégie qui inquiète les fabricants, les buralistes, les consommateurs…et les économistes.
Le prix du tabac à rouler et des cigarettes risque d’augmenter une nouvelle fois en France, et pas qu’un peu ! En effet, alors que le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Sapin, a affirmé il y a à peine quelques jours qu’il n’était « pas question d’augmenter les taxes sur le tabac », les mesures fiscales récemment annoncées par Christian Eckert, le secrétaire d’Etat chargé du budget, vont sans nul doute faire grimper à nouveau les prix. Une annonce qui pourrait s’avérer néfaste pour tout le monde, même pour l’Etat.
Hausse des taxes sur le tabac à rouler et explosion du marché parallèle ?
Le 23 septembre dernier, Christian Eckert, secrétaire d’Etat au budget, annonçait une hausse des taxes qui devrait entraîner une hausse de 15 % du prix du tabac à rouler, soit environ 1,20 euro. Le gouvernement souhaite ainsi aligner la fiscalité des produits du tabac à rouler sur celle des cigarettes, le tabac vendu en sachet ou en pot, ayant une fiscalité plus favorable que les cigarettes manufacturées. Il s’agit cependant d’une mesure doublement problématique.
Premièrement, elle va à l’encontre des engagements du gouvernement qui a toujours affirmé qu’en terme de mesures anti-tabac, ce serait « fromage ou dessert », c’est-à-dire que la mise en place du paquet neutre au 1er janvier prochain ne pouvait se faire simultanément avec une augmentation des taxes. Deuxièmement, cette mesure risque de produire des effets opposés à ceux attendus. Contrairement à une idée largement répandue, le tabac à rouler n’est pas le tabac des jeunes, mais bien le tabac des consommateurs les moins aisés, souvent confrontés à des difficultés économiques. Face à la hausse massive du prix, ils n’auront d’autre choix que de se tourner vers le marché parallèle, notamment les achats à l’étranger.
L’augmentation des prix du tabac à rouler ne fera que creuser les écarts déjà importants entre la France et ses voisins. Dans certains pays frontaliers, les prix sont plus de deux fois inférieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone, les écarts étant particulièrement importants avec la Belgique (5,05 euros), l’Allemagne (5,30 euros) et le Luxembourg (5,75 euros).
La taxe sur le chiffre d’affaires répercutée sur le prix des paquets de cigarettes
Mais la hausse des taxes sur le tabac à rouler n’est pas la seule mesure annoncée par Christian Eckert. Le gouvernement souhaite également créer une taxe sur le chiffre d’affaires des distributeurs de tabac en France. On connaît le principal acteur du secteur, Logista, mais ce que personne ne prend en compte c’est la trentaine d’autres petits distributeurs implantés en France dont la plupart ne pourront pas absorber la taxe et se verront contraints de fermer boutique. Le gouvernement souhaite indirectement atteindre les fabricants sur lesquels cette taxe sera répercutée et cela aura nécessairement des conséquences sur tous les consommateurs. En effet, alors que ce sont les fabricants qui déterminent les prix du tabac librement, il est peu probable que ceux-ci absorbent à eux-seuls cette nouvelle taxe et tout laisse à penser qu’elle entrainera donc une hausse des prix de vente au détail et donc in fine sur le consommateur.
Or, comme le rappelait Christian Eckert lui-même lors de l’annonce de ces deux taxes sur Europe 1, les prix du tabac sont tels en France que toute hausse de fiscalité entraîne irrémédiablement une hausse des achats sur le réseau parallèle. Pire : la hausse du prix du tabac s’avère inefficace dans la lutte contre le tabagisme. Seuls le Royaume-Uni et l’Irlande ont en 2016 un prix moyen du paquet plus élevé qu’en France, mais selon l’Eurobaromètre publié en 2015, l’Hexagone se classe 4e sur les 28 pays de l’Union en termes de proportion de fumeurs dans la population.
En faisant augmenter le prix des cigarettes, les nouvelles mesures du gouvernement risquent de déstabiliser le marché légal et de pousser les consommateurs à chercher des alternatives moins chères et plus dangereuses pour leur santé. Les effets néfastes de ces mesures sont imprévisibles, la première étant une perte fiscale pour le gouvernement.
Le gouvernement devra très probablement repenser sa stratégie antitabac. Il pourrait commencer par respecter ses engagements et suivre les conseils des agences et experts internationaux qui lui montrent l’échec des politiques répressives. Hélas, cela ne semble pas être le chemin emprunté actuellement par le gouvernement, qui songe à compléter ses dernières mesures fiscales par une hausse de la rémunération des buralistes, dont le coût pourrait également être répercuté sur les prix de vente. Les soucis des fabricants, buralistes, consommateurs et de l’Etat lui-même ne sont décidément pas près de s’arrêter.