Le Système Monétaire International dans la tourmente

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Charles Sannat Publié le 15 octobre 2012 à 13h02

Autant lorsqu’elle était ministre des Finances, les propos de Madame Lagarde étaient sans intérêt, autant ceux qu’elle tient comme directrice générale du FMI sont dignes d’intérêt.

Notre chère Christine a donc partagé dimanche quelques confidences avec nous, le petit peuple. Que nous dit-elle ? Que de bonnes nouvelles. Souvenez-vous, il y a quelques temps, le FMI devait s’ouvrir à d’autres pays. C’était les fameux G20 qui sauvaient le monde à chaque fois qu’ils se réunissaient, le sauveur chef étant le président Sarkozy.

Bref, les pays émergents qui ont émergé devaient se voir offrir plus de poids au sein du FMI. Pour mémoire, le FMI signifie non pas Femme de Ménage Incluse, comme peuvent le croire, injustement bien sûr, beaucoup de citoyens depuis l’affaire DSK, mais bel et bien Fonds Monétaire International. A l’origine, le FMI était l’organisme ayant compétence pour gérer le Système Monétaire International. Donc Madame Lagarde nous a annoncé ce week-end que la Chine, l’Inde ou le Brésil devront encore patienter avant d’être mieux représentés au FMI : la réforme renforçant la place des pays émergents au sein de l’institution n’entrera pas en vigueur comme prévu au sommet du FMI à Tokyo, en raison du blocage de fait des États-Unis.

En 2010, les pays du G20 s’étaient mis d’accord pour rebattre légèrement les cartes au sein du conseil d’administration du Fonds, actuellement dominé par les Européens, en donnant plus de droits de vote aux puissances émergentes. Cette réforme, qui fera notamment de la Chine le troisième pays le plus puissant du Fonds, devait entrer en vigueur lors de l’assemblée annuelle du Fonds Monétaire International et de la Banque mondiale, qui s’achève dimanche dans la capitale japonaise. Mais il n’en sera rien.



Comme beaucoup de choses décidées en grande pompe lors des ultimes sommets de la dernière chance, il ne reste rien des bonnes résolutions quelques mois après. La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a dû le reconnaître vendredi : "Nous voyons la ligne d’arrivée, elle est proche et j’exhorte à nouveau les États membres à la franchir", a-t-elle déclaré. La patronne du Fonds s’est bien gardée de mettre un pays à l’index et surtout pas son principal actionnaire, les États-Unis, qui bloque pourtant l’ensemble du processus après l’avoir encouragé.

L’enjeu, c’est évidemment une bataille de titans pour le leadership monétaire mondiale que se livrent les deux véritables superpuissances économiques actuelles, la Chine d’un côté et les États-Unis de l’autre. Pour information, de plus en plus de rumeurs insistantes circulent autour des officines de rachats d’or qui fleurissent depuis deux ans à travers le monde entier, et pointent toutes vers la même direction : l’île de Man, paradis fiscal britannique. Les quantités phénoménales d’or collectées viendraient réalimenter les coffres de Fort Knox et les caisses de la banque centrale américaine.

Le Système Monétaire International est en lambeaux. Fort de ce constat, on entend régulièrement certains spécialistes nous expliquer qu’il serait temps de réorganiser le Système Monétaire International, essentiellement hérité de la Seconde Guerre mondiale et des accords de Bretton Woods, qui consacraient la suprématie incontestable du roi dollar. Pourquoi ne pas créer une nouvelle monnaie qui serait un panier de monnaies existantes par exemple. Un peu de yen saupoudré de dollars américains, assaisonné au yuan chinois, épicé avec de l’euro, mâtiné d’un peu de livres sterling… On pourrait même y rajouter quelques litres de pétrole sous forme de barils… dont le prix reste essentiellement calculé en dollars…

Plus je cherche et moins je vois l’intérêt de ce type de nouvelles mesures. Changer de monnaie ne change rien aux stocks de dettes. Ce sont les dévaluations qui peuvent avoir un effet sur les "write-off" (ce mot anglais très pratique permet aux Français de ne pas dire des gros mots comme "effacement de la dette" ou "faillite" ; il peut être avantageusement remplacé par le terme "hair cut", signifiant aussi "coupe de cheveux"). Mettre en place une monnaie internationale aurait peut être l’intérêt de poser des garde-fous face au développement des intérêts nationaux qui conduisent directement aux guerres monétaires. Certes.



L’exemple récent de la BNS (la banque nationale Suisse) prouve bien que la guerre monétaire est une réalité. Face à l’appréciation du franc Suisse, devenu une valeur refuge, la banque centrale suisse a été obligée d’indiquer qu’elle défendrait sa monnaie contre une trop forte appréciation notamment vis-à-vis de l’euro, et que, pour ce faire, elle imprimerait autant de francs suisses que nécessaire.

Ou encore l’exemple du Japon, qui n’hésite pas à imprimer du yen autant que nécessaire pour essayer d’éviter une appréciation trop forte mettant en danger ses exportateurs. Néanmoins, le monde actuel, celui du vingt-et-unième siècle, se divise en deux grandes catégories de protagonistes.

À ma droite, les pays riches. Enfin, ce qu’il en reste. Les pays occidentaux font face à un endettement abyssal de tous leurs acteurs économiques. Leurs monnaies devraient aussi être valorisées par rapport à ce stock de dettes. Dans un tel cas, elles ne devraient pas valoir grand-chose.

À ma gauche, les pays dits émergents. Certains diront qu’ils ont définitivement émergé pendant que nous coulions selon le grand principe connu des vases communicants. Eux n’ont pas de dette (enfin beaucoup moins que nous). Ils ont de l’inflation. Beaucoup d’inflation même. L’inflation érode la valeur d’une monnaie. C’est un phénomène bien connu. Le constat est donc assez simple : nous avons le choix entre de mauvaises monnaies affaiblies par les dettes et le manque de croissance ou d’autres mauvaises monnaies affaiblies durablement par des taux d’inflation très importants.



S’imaginer créer une monnaie internationale solide sur des bases aussi incertaines relève de la plus grande utopie. Jamais, jamais une telle monnaie ne pourrait inspirer confiance. Certains diront qu’il suffirait de la rendre obligatoire. Cela s’est déjà fait. Cela s’appelait le communisme, et même en ex-URSS il était beaucoup plus facile d’acheter à manger en dollars qu’en roubles… Et ce malgré le KGB. D’ailleurs, il n’y avait pas grand-chose à manger. Bref, l’idée d’une monnaie de remplacement qui serait un panier de mauvaises monnaies n’est pas une bonne idée.

Remarquez, les mauvaises idées de ce type, comme le FESF ou le MES, sont assez à la mode ces derniers temps. Non, il n’y a pas à dire, les monnaies fiduciaires, c’est-à-dire papier, sont dans une très, très mauvaise passe depuis quelques années, et rien ne semble s’arranger. C’est d’ailleurs cela aussi que nous a expliqué Madame Lagarde dimanche.

La patronne du FMI Christine Lagarde a mis en garde dimanche contre le risque de "surchauffe" qui menace les économies émergentes en raison de l’action des banques centrales aux États-Unis ou en Europe, relayant l’inquiétude de plusieurs pays dont le Brésil. "Les politiques monétaires accommodantes (dans les pays développés, ndlr) pourraient alimenter des flux de capitaux volatils vers les économies émergentes", a déclaré Mme Lagarde en clôture de l’assemblée annuelle du Fonds Monétaire International et de la Banque mondiale qui se tenait à Tokyo.

D’après elle, cette tendance est "clairement accentuée" par les taux d’intérêt élevés en vigueur dans les principales puissances émergentes, synonymes de rendements élevés pour les investisseurs. La conjugaison de ces facteurs "pourrait restreindre la capacité de ces économies à absorber ces potentiels vastes flux de capitaux et conduire à une surchauffe, à la formation de bulles financières et à la naissance de déséquilibres financiers", a-t-elle déploré.



Pour lutter contre le ralentissement économique, plusieurs banques centrales – Fed aux États-Unis, BCE en Europe, BoJ au Japon – ont assoupli leurs politiques monétaires, en injectant massivement des liquidités dans le circuit financier et en abaissant leurs principaux taux directeurs à des niveaux proches de zéro. Certains pays émergents estiment toutefois que ces actions déstabilisent leur économie, en alimentant des flux spéculatifs dans leur pays et en dopant artificiellement leur monnaie au détriment de leurs exportations.

Dans son discours dimanche, la directrice du Fonds a tenté un difficile exercice d’équilibriste en essayant de ménager les deux camps. Tout en pointant ces risques de "surchauffe", Mme Lagarde a ainsi tenu à rendre hommage à l’action des banques centrales, "légitime" et "nécessaire" pour relancer l’activité dans les pays riches. "Nous avons vu de solides initiatives prises par les banques centrales que le FMI salue au plus haut point comme des contributions majeures à la stabilité", a ainsi déclaré la patronne du Fonds, réitérant une prise de position déjà connue.

Fin septembre à Washington, elle avait estimé que le programme de rachat d’obligations publiques annoncé par la Banque centrale européenne (BCE) marquait un "tournant" dans la crise. Dimanche à Tokyo, elle a toutefois reconnu que l’impact de ces politiques monétaires sur la "crédibilité" et "l’indépendance" des banques centrales restait "incertain", à l’issue d’une assemblée annuelle qui a fait apparaître de profondes lignes de fracture au sein du Fonds.

Régulièrement pointée du doigt par les émergents, la banque centrale américaine (Fed), qui a injecté plus de 2 300 milliards de dollars de liquidités depuis 2008, a répondu dimanche à ses détracteurs en défendant l’innocuité de sa politique. "Les liens de cause à effet entre la politique monétaire de pays à l’économie avancée et les flux de capitaux internationaux sont plus lâches qu’on l’affirme parfois", a affirmé le président de la Fed, Ben Bernanke, dans un discours à Tokyo.



Très en pointe dans ce débat, le ministre des Finances brésilien a, lui, laissé entendre que les effets collatéraux de cette politique "seront peut-être pires que les résultats directs". "Les pays avancés ne peuvent pas espérer se débarrasser de la crise aux dépens des pays émergents", a déclaré Guido Mantega samedi dans la capitale japonaise, assurant que son pays prendrait "toutes les mesures nécessaires" pour se protéger contre l’afflux massif de capitaux.

Reprenons et détaillons donc quelque peu le raisonnement. À ma droite, les pays riches qui font face à un endettement abyssal de tous leurs acteurs économiques. Ces pays impriment de plus en plus de fausses monnaies, sans réussir à créer plus de croissance et sans pour autant résorber leurs stocks de dettes qui sont même en train d’augmenter. À ma gauche, les pays dits émergents. Ils ont de l’inflation. Beaucoup d’inflation même. L’inflation érode la valeur d’une monnaie. Hélas, ces pays émergents naturellement soumis à des pressions inflationnistes sont le réceptacle d’une partie non négligeable de la fausse monnaie occidentale créée.

Cela exacerbe donc les tendances inflationnistes de ces pays, aggravant l’érosion de leur monnaie. Nous nous retrouvons donc avec des monnaies de plus en plus mauvaises… quel que soit le pays dont nous parlons ou le côté ou nous regardons. Normalement, vous devriez commencer à comprendre pourquoi tout le monde veut vous arracher la vieille dent en or que vous avez encore dans la bouche.

Lorsque la crise monétaire frappera, et elle viendra, lorsque le Système Monétaire International s’effondrera, et ce sera le cas, les banques centrales compteront leurs lingots d’or qu’elles rachètent discrètement à travers toutes les officines qui désormais pullulent…

Et vous, qu’aurez-vous à compter ? Des euros sur un contrat d’assurance vie ou des pièces d’or ?

Une réaction ? Laissez un commentaire

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre Newsletter gratuite pour des articles captivants, du contenu exclusif et les dernières actualités.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

Aucun commentaire à «Le Système Monétaire International dans la tourmente»

Laisser un commentaire

* Champs requis