Les limites des délocalisations

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Par Amélie Bruder Modifié le 31 mai 2012 à 2h54

Les investisseurs européens souhaiteraient freiner les délocalisations en Chine en raison « du coût du travail en hausse et du cadre juridique incertain ». Eurêka pourraient se dire certains en pensant que les entreprises souhaiteraient peut-être relocaliser leur activité en Europe.

En réalité, rien ne sert de se réjouir car c’est vers d’autres pays émergents que ces entreprises souhaitent orienter leurs activités. En effet, délocaliser la production en Chine n’a eu jusqu’à présent d’intérêt pour les investisseurs que dans la mesure où ils pouvaient produire à moindre coût et revendre leurs produits ou services plus chers dans les pays développés. Mais cette stratégie connait aujourd’hui ses limites puisqu’à force de délocaliser, les pays considérés jusqu’à présents comme développés n’ont plus les moyens d’acheter tandis que les Chinois commencent à réclamer des hausses de salaires. Si on ajoute à cela le coût du transport des produits, il n’y aura effectivement plus d’intérêt à produire ailleurs sauf à trouver des pays où le coût de la main d’œuvre est moins élevé qu’en Chine.

Même s’il est difficile de dresser une liste exhaustive de ces pays émergents, le phénomène est bien réel et finira nécessairement par atteindre ses limites si l’on recherche la seule compétitivité par le coût. En effet, pourquoi produire moins cher si l’on ne peut de toute façon plus vendre les produits fabriqués plus chers ? A force de rechercher la main d’œuvre la moins chère possible, les investisseurs ne finiront-ils pas à se heurter à un mur ? On peut être porté à le penser puisque non seulement les pays considérés jusqu’à présents comme riches sont face à une crise de l’emploi dû à ces délocalisations qui empêchent le consommateur d’acheter mais cette crise plonge ces Etats eux-mêmes dans la crise financière, en raison de la fuite des personnes qui ont fait fortune grâce à ce système, vers des pays où l’on paye moins d’impôts, ce qui empêche les Etats qui étaient considérés comme riches de re- créer de l’emploi public ou d’être plus interventionnistes, ce qui permettrait une relance du pouvoir d’achat.

Par ailleurs, cette course à la main d’œuvre bon marché connaitra nécessairement une limite qui certes prendra encore un peu de temps mais qui finira bien par être atteinte, d’autant que cette compétitivité de coût de la main d’œuvre touche aujourd’hui de nombreux secteurs, y compris ceux des services, dans des domaines très qualifiés, les étudiants étrangers étant venus se former dans les universités des pays longtemps considérés comme développés et étant aujourd’hui à même de développer des services hautement qualifiés à bas coûts dans les pays encore considérés comme étant peu développés.

En conséquence, c’est bien une compétitivité hors coût qui pourrait empêcher le système d’aller dans le mur. Celle-ci passe par un discours différent de celui que l’on entend depuis des mois, c’est-à-dire qu’il faudrait en réalité ne pas baisser le coût de la main d’œuvre et ne pas cesser d’embaucher les personnes qualifiées du fait de ce qu’elles valent. Il convient au contraire d’investir sur elles afin de pouvoir innover et de pouvoir proposer des produits et services innovants, si innovants qu’ils pourront être plus chers et proposés à des consommateurs solvables.

Ceci passe donc nécessairement et également par une non concentration des richesses entre les mains des mêmes investisseurs puisque ceux-ci devront alors payer la main d’œuvre. Telle est la solution sine qua none s’ils souhaitent continuer à investir et à avoir un retour sur investissement. Car à quoi bon relancer l’offre s’il n’y a plus de demande possible ?

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Amélie Bruder est docteur en droit des affaires et certifiée de l’Edhec Business School. Ex-avocate en reconversion professionnelle vers les milieux du sport et du bien-être (coaching sportif, fitness, zumba, reiki), elle développe un site dédié au fitness et au bien-être (www.myfitnesslesite.fr)

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