Affaire Goulard : des normes ridicules

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Par Jacques Bichot Publié le 5 décembre 2019 à 6h31
Justice Huawei
@shutter - © Economie Matin
45000 EUROSSylvie Goulard avait accepté de rembourser 45 000 euros dans une affaire similaire.

Sylvie Goulard est accusée de détournement de fonds publics parce que les assistants parlementaires auxquels elle avait droit en tant que député du Parlement européen ont consacré une partie de leur temps au service de son parti politique, le Modem. Du point de vue juridique, c’est sans doute justifié, comme les accusations portées contre François Fillon, qui « employait » son épouse, accusations qui ont permis à Emmanuel Macron de gagner l’élection présidentielle.

Mais il arrive que les normes juridiques soient injustes : c’est le cas de celles qui ont permis le lynchage politique de Fillon, et qui vont probablement permettre le lynchage, non seulement de Sylvie Goulard, mais encore de François Bayrou et de Marielle de Sarnez.

La France, et l’Union européenne, comptent sur des regroupements de citoyens, les partis politiques, pour animer la démocratie. Ces organismes ont besoin de personnel et d’argent pour remplir leur mission. Certes, l’idéal serait que les militants fournissent, sous forme de services gratuits et de dons, tout ce qui est nécessaire au fonctionnement des partis. Mais, en France et probablement dans divers autres pays, les citoyens ne sont pas suffisamment contents de leurs élus et des apparatchiks qui les secondent pour délier assez largement les cordons de leurs bourses. En revanche, l’Etat français et l’Union européenne sont assez généreux quand il s’agit d’offrir des collaborateurs à leurs élus.

Tout naturellement, ces « assistants » sont mis à contribution aussi bien quand il s’agit de donner un coup de main aux partis de leurs employeurs qu’aux travaux directement effectués par ceux-ci. Et Il n’y a pas de mal à cela, c’est au contraire parfaitement normal, puisque l’élu s’appuie évidemment sur les travaux de son parti pour exercer ses responsabilités au Parlement, qu’il soit national ou européen. Ce n’est donc pas le parlementaire qui est dans son tort en « prêtant » son assistant à son parti ; c’est la réglementation en vigueur qui est stupide, comme d’ailleurs de nombreuses dispositions contenues dans les lois, décrets et arrêtés dont la surproduction chronique étouffe notre productivité à la fois dans le domaine économique et dans le domaine politique.

J’avais pris la défense de Carlos Ghosn, cloué au pilori pour des actes certes peu recommandables, mais qui ne sont que vétilles en comparaison des services qu’il a rendu à l’industrie automobile française et japonaises. J’avais pris la défense de François Fillon, qui n’avait pas à mes yeux un très bon profil pour la présidence de la République (mais quand même moins mauvais que ceux d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen) parce que les arguties juridiques qui lui ont coupé les ailes étaient ridicules, indignes d’un pays civilisé. Je m’élève de la même manière et pour les mêmes raisons contre la mise en examen qui élimine politiquement Sylvie Goulard, et qui neutralisera peut-être les deux leaders de son (petit) parti, le Modem. Il y a des manières d’appliquer les lois, et possiblement des lois elles-mêmes, qui sont indignes de pays et d’institutions supranationales se disant démocratiques.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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