Mi-mars 2020, Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis venaient de mettre en route un consortium réunissant les grands organismes publics et privés, la Nasa, le MIT (Institut de recherches), des mastodontes de la Tech dont IBM, Amazon, Google, Microsoft…Cet ensemble a disposé ainsi d’une force de frappe énorme de calculateurs oeuvrant dans le domaine épidémiologique, de la modélisation moléculaire et bio-informatique.
Il a permis de gagner des mois, voire des années si les recherches avaient été effectuées par les moyens traditionnels, habituels. Les supercalculateurs toujours plus performants vont à une vitesse stupéfiante sachant que tous les chercheurs de la planète sont mobilisés pour trouver le traitement et vaccin adéquates. Il s’agit d’identifier rapidement les moyens de blocage de ce coronavirus : SARS-CoV-2 (COVID-19). La difficulté c’est qu’il possède à sa surface une protéine très complexe qui peut tromper les récepteurs des cellules pulmonaires, lui permettre de se livrer à elles et de facilement répandre cette infection virale. Les gros laboratoires de recherches se sont mis en route début mars, notamment le laboratoire de Oak Riddge dans le Tennessee qui possède la machine la plus puissante du monde baptisée Summit avec ses 148 pétaflops. Ce laboratoire a réussi à découvrir 8000 composés moléculaires dont 77 ont été retenus, classés en fonction de leur efficacité. Cela a permis de trouver une bonne base de travail pour la recherche d’un traitement. La Chine qui dispose de machines aussi puissantes a démarré les recherches même avant, sans que l’on ait d’informations conséquentes.
L’Europe n’est pas en reste même si elle n’a pas le même niveau de matériel et de performance, elle a mobilisé son réseau dans les laboratoires publics. La commission européenne a dégagé 90 millions d’euros via différents programmes de financement. Début mars, 136 équipes prioritaires sur les temps de calculs ont commencé à travailler sur dix-sept projets. L’Europe peut tout de même compter sur un cluster de sept machines développant jusqu’à 120 pétaflops, dont un en France au CEA (Commissariat à l’Energie Atomique). Sans eux il ne pourrait y avoir de recherche tant appliquée que fondamentale dans des domaines très variés qui vont du nucléaire, météo, médecine, prospection pétrolière, cosmétique, aéronautique, automobile, jusqu’à la nouvelle intelligence artificielle. Cela a commencé en 1966 avec le plan calcul lancé par le Général de Gaulle avec Bull en fer de lance. La Chine a rattrapé son retard en supplantant les Etats-Unis qui avaient dépassé la barrière du million de milliards d’opérations par secondes en 2009. Elle compte maintenant 227 supercalculateurs contre 118 outre atlantique. Une âpre bagarre fait rage pour savoir celui qui dépassera le cap de « l’exaflop », soit un milliard de milliards d’opérations par secondes. HPE (Hewlett Packard Enterprise) s’est lancé dans la construction d’une machine de 2 exaflops terminée fin 2022. Ce marché représentant 7,3 milliards de dollars est partagé surtout par HPE, IBM, Lenovo, Fujitsu et un français Atos qui avait repris le site historique de Bull. Celui de BullSequana XH2000 est le plus performant du marché. Sa part d’activité a quintuplé en cinq ans. Atos équipe maintenant des centres de recherches au Brésil, en Inde, en Allemagne et aussi en France : Au CEA, au CINES (Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur). Le plus gros donneur d’ordres pour la recherche publique est une société civile française du nom de GENCI (Grand Equipement National de Calcul Intensif). Elle est détenue en majorité par le ministère de la recherche. Cette SCF est dotée de 39 millions d’euros par année pour faire des appels d’offres, désigne les constructeurs retenus pour équiper les trois centres de calculs intensifs français situés au CEA, CINES et l’IDRIS (Institut du Développement et des Ressources en Informatique Scientifique). Elle organise l’emploi du temps des supercalculateurs. Depuis cette année le GENCI a donné la priorité aux projets liés au coronavirus. Le CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) avec son laboratoire de recherche a recours au supercalculateur de l’Idris du plateau de Saclay pour comprendre entre autres pourquoi la grippe et le Covid se développent plus en période froide. Ce virus très complexe comporte plus de 5 millions de particules. C’est avec la nouvelle machine baptisée Jean Zay qui a couté 25 millions d’euros pour une puissance de 14 pétaflops, que la nouvelle recherche s’est positionnée sur les membranes cellulaires soumises à des températures différentes. Les climatologues s’en servent aussi pour modéliser le climat sur des milliers d’années, comprendre les différentes formations d’orages, les mouvements océaniques sur les niveaux de température.
En période habituelle, les applications sont infinies. L’étude des virus rentre dans la normale. Mais une autre utilisation est venue se greffer sur ces super machines : De grosses entreprises ont acheté des sortes de parts du super calculateur du CCRT du CEA (Centre de Calcul Recherche et Technologie) depuis 2003, en liaison avec celui du GENCI. Ce sont quatre grandes entreprises qui ont démarré l’expérience : EDF, SHE (Safran Helicopter Engines), Snecma et l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherches Appliquées). Safran a par exemple, réduit la consommation de carburant et les émissions de CO2 des réacteurs. Autre utilisation, l’Oréal a modélisé l’épiderme et les cheveux pour tester, vérifier l’action de ses produits colorants et crèmes solaires.
Cinq grandes entreprises se sont ensuite lancées dans la bataille en développant leur propre super calculateur : EDF, Total, Aérospatiale, Michelin, Renault. Total le premier en juin 2020, a lancé sa machine baptisée Pangea avec une puissance de 17,5 pétaflops, elle se situe à la onzième place du Top 500 du classement des entreprises dans le monde. C’est surtout dans la prospection pétrolière qu’elle se procure des résultats spectaculaires principalement dans l’échographie des sols et dans les acquisitions sismiques. Résultat : Opportunité de forage ou non.
L’Europe n’est pas en reste, elle a lancé en 2018, l’initiative EuroHPC avec un budget de départ d’un milliard d’euros pour financer la construction de trois super calculateurs dit « pré-exascale » de 150 pétaflops. La France s’est réservée pour la deuxième tranche du programme vers 2023 (Cause certainement de manque de finance ?). Ces installations se feront en Finlande, Italie, Espagne.
Après l’EXAFLOP, le QBIT en perspective ?
Malgré tous les investissements et recherches, les supercalculateurs ont tendance à plafonner. En empilant les serveurs, ceux-ci sont confrontés à deux problèmes majeurs, la consommation d’électricité de plusieurs millions d’euros et les systèmes de refroidissement.
L’avenir est de se tourner vers l’informatique quantique qui recèle un potentiel infiniment plus important que son équivalent informatique en bit. Inconvénient, pour fonctionner les qbits ont besoin d’évoluer dans une température proche du zéro absolu. Google s’est lancé dans l’aventure en ayant déjà réussi à faire tourner une machine quelques secondes pour un calcul qui aurait demandé 10.OOO ans sur un supercalculateur.
L’Université de Stanford aux Etats-Unis qui avait lancé en 2000 le programme dénommé Folding@home proposant à toute personne de mettre à disposition une partie de la puissance de son PC, via une application à télécharger, à des scientifiques, vient de réunir une puissance cumulée de 473 pétaflops bien au-delà de ce qui existe. Cette puissance a été dirigée sur l’étude du Covid-19 depuis début 2020.
Analyse et Conclusion :
Il existe une course de plus en plus effrénée qui devient stratégique pour les grandes nations, qui semble en déphasage avec les courants actuels environnementaux, écologistes, des écosystèmes, de la décroissance… Quel bien-être gagné aux regards des montants de plus en plus énormes des investissements, des dépenses d’énergies et jusqu’où ira dans un avenir proche, l’acceptation des populations ?