La Suisse est l'un des rares pays dans le monde (avec la Californie tout de même) à pratiquer la démocratie directe. Et ça marche !
Ici on ne délègue pas pour cinq ans les pleins pouvoirs à une majorité, qui aurait ensuite le droit de voter tout ce qu'elle veut. Toutes les questions importantes sont tranchées par le peuple, au moyen de referendums (déclenchés par 50 000 électeurs qui entendent contester une loi votée par le parlement fédéral) ou d'initiatives populaires (100 000 électeurs pour proposer une loi nouvelle).
Le seul inconvénient de la démocratie directe, c'est qu'on vote très souvent. Certains pensent d'ailleurs que le seuil du nombre d'électeurs nécessaires pour susciter une votation devrait être relevé. Ainsi les Suisses ont-ils voté deux fois cette année sur la question des rémunérations des dirigeants et chefs d’entreprise. Les gains très élevés des patrons de certains grands groupes choquent beaucoup de monde, ici comme ailleurs. Mais comment traiter cette question ? Voyons ce qu’ont décidé les citoyens de la confédération.
La question des salaires abusifs
Le week-end dernier ils ont voté Non à 65 % à l'initiative socialiste "1:12 pour des salaires équitables". Les socialistes suisses proposaient tout bonnement d'interdire aux entreprises de dépasser un facteur 12 entre le plus petit et le meilleur salaire. Pourquoi 12 ? et pas 10 ou 5 ? parce qu’il y a 12 mois dans l’année, ce qui permet d’expliquer que personne de devrait gagner en un mois plus que quelqu’un d’autre en un an. En comptant sur cet argument simpliste, et sur la jalousie, un sentiment humain bien répandu, le PS suisse espérait faire encore plus fort que Mélenchon. Raté, les Suisses ne veulent pas d’un nivellement égalitariste. Ils savent que cela n’améliorerait pas le niveau des bas salaires, et au contraire découragerait le travail. Ils n’ont pas non plus voulu ternir l’image pro-entreprise de la Suisse, qui attire tant de talents et d’investissements.
Il y a quelques mois, au contraire, une nette majorité des électeurs ont soutenu l'initiative Minder « contre les rémunérations abusives ». De quoi s’agissait-il ? La principale mesure proposée consistait à faire valider les rémunérations des dirigeants par l’assemblée générale des actionnaires, et non plus par un petit comité en conseil d'administration. Si un dirigeant veut une rémunération élevée, il devra désormais la justifier publiquement devant ses actionnaires, et obtenir leur accord. Une excellente idée pour lutter contre le capitalisme de connivence, c’est-à-dire la tendance de certains milieux dirigeants à se servir dans la caisse, avec la complicité de leurs collègues et amis membres des conseils d’administration.
Au lieu de la réponse égalitariste, c’est une réponse libérale à la question posée. L’auto-régulation des entreprises vaut bien mieux que l’étatisation. C’est en tout cas ce que pensent la majorité des Suisses.
Démocratie directe : pourquoi pas en France ?
En France, Hollande a défrayé la chronique avec sa taxe à 75 % et l'alignement de l'imposition du capital sur l'imposition du travail, présentée comme une "évidence", alors qu'il s'agit d'une absurdité. L’Hexagone a l'habitude de prendre ses décisions économiques les plus importantes sans véritable débat. Ou alors le débat a lieu après coup, dans la rue.
On se prend à rêver de démocratie directe en France… c’est sans doute la seule réforme qui permettrait de décoincer le système ! Mais comptons sur les partis politiques de tout bord pour s’y opposer. Ils n’abandonneront pas facilement le pouvoir qu’ils ont confisqué.