Arrêt de contrats déficitaires au Maroc et en Inde, incertitude en Catalogne, plan de départs volontaires… l’année 2017 a été marquée par plusieurs événements négatifs pour Suez, ce qui avait poussé la direction à émettre un avertissement sur résultats début 2018. Le titre avait perdu 16 % en Bourse en une journée (soit 1,2 milliard d’euros de capitalisation) à l’époque, et n’a pas rattrapé cette baisse depuis. Le groupe était donc l’obligation de rassurer les marchés sur ses résultats du premier trimestre.
« Les résultats sont en ligne avec ce qui était attendu sur à peu près tous les indicateurs. C’est rassurant après un début d’année compliqué, c’est donc une bonne publication », estime un analyste de Bryan Garnier.
Suez : de nouveaux contrats et un chiffre d’affaires en hausse
L’année 2017 aurait pu mieux se terminer pour Suez, et pourtant, le numéro deux mondial de la gestion de l'eau et des déchets affiche un chiffre d’affaires de 15,9 milliards d’euros, en progression de 549 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2016 (+233 milliards d’euros en organique, soit +1,5 %). Cette progression a été tirée par la division Recyclage et Valorisation Europe (+1,3%) avec une nette amélioration des volumes des déchets traités (+3,6%) ainsi que l’International, +3%. La division Eau Europe (+1,4 %) reste pour l’instant relativement atone.
En dépit des difficultés en Catalogne, en Inde et au Maroc, Suez a remporté de nouveaux marchés en France, contrat de collecte de déchets de l’Est toulousain, ainsi qu’au Brésil, où il a équipé onze plateformes pétrolières de Petrobras avec une solution de traitement de l’eau innovante particulièrement adaptée à l’exploitation offshore.
Le secteur pétrolier continue d’ailleurs d’être un pourvoyeur de contrats pour Suez, avec un contrat décroché fin mai 2018 avec le russe Rosneft pour le déploiement de programmes de gestion de l’eau, des eaux usées et des déchets dans ses raffineries et ses usines pétrochimiques. Beau contrat également dans le traitement des eaux usées en Chine (436 millions d'euros sur 30 ans) pour Changshu Sino French Water, une société dans laquelle Suez détient 58 %.
WT&S, le fer de lance de Suez sur le marché de l’eau industrielle
Les dépenses exceptionnelles qui ont plombé le bilan 2017 sont liées à l’acquisition pour 2 699 millions d’euros de GE Water. Cette acquisition représente d’ailleurs l’essentiel des investissements réalisés sur l’année, leur montant total s’élevant à 3 646 millions d’euros. Intégrée au sein de Suez, la nouvelle entité a pris le nom de WT&S (comme Water Technologies & Solutions) et est appelée à être le fer de lance de Suez sur le marché de l’eau industrielle.
Au terme du premier trimestre 2018, Suez a d’ailleurs annoncé une progression des ventes de WT&S de 4% et un bond de 30% de son carnet de commandes. 22 millions de dollars sont ainsi « sécurisés » pour 2018 et 49 millions pour 2019, ce qui dépasse largement les objectifs initiaux de Suez (20 et 30 millions de dollars respectivement). Cette filiale américaine induit néanmoins un risque lié au taux de change sur lequel les marchés restent très attentifs. Même si les résultats du premier trimestre sont encourageants, WT&S devra confirmer cette tendance tout au long de l’année.
Suez : des remaniements aux postes clés
Au cours de l’année 2017, Suez a vu le départ de Christophe Cros, son directeur financier, et l’arrivée de Jean-Marc Boursier, qui le remplace sur ce poste qu’il avait déjà occupé. Christophe Cros a pour sa part pris la présidence de WT&S. Marie-Ange Debon, qui était en charge de l’international, pilote désormais les activités Eau et Déchets en France, qui ont été regroupées. Sa mission, entre autres, est de mettre en place des synergies entre les deux entités. Cette réorganisation n’est pas non plus sans lien avec les changements à venir au niveau de la direction générale, Jean-Louis Chaussade l’actuel directeur général, devant passer la main au printemps 2019.
Un focus nécessaire sur l’Europe
Au-delà des acquisitions, joint ventures et multiples contrats sur d’autres continents, l’Europe reste un marché clé pour Suez. En effet, la division Eau Europe procure 29,5 % du chiffre d’affaires de Suez, tandis que la division Recyclage et valorisation Europe en fournit 38,8 %.
Le groupe place également la France au cœur de son développement européen. Selon Franck Reinhold Von Essen, membre de la coordination, CGT Suez, « la direction est persuadée qu’il y a de la croissance à faire sur les activités Déchets et Eau sur le marché domestique malgré ce que l’on entend sur l’atonie du marché et la guerre des prix. Une harmonisation de certaines fonctions est à prévoir entre ces deux entités. De nouveaux métiers pourraient être créés au cours de cette transformation, et des efforts devraient être consentis sur la digitalisation. »
En France, la société emploie plus de 30 000 personnes et réalise près de 5,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Plusieurs gros contrats sont remis en jeu dans les prochains mois en commençant par celui du futur délégataire du service d’assainissement de Bordeaux Métropole. Pour rappel, Suez est le prestataire actuel et acteur historique sur Bordeaux. Si un renouvellement du contrat face au concurrent Veolia semblait acquis il y a quelques mois, les choses semblent se tendre sur la dernière ligne droite et le suspense reste entier.
En 2018, les résultats doivent être au rendez-vous pour Suez
Le début de 2018 s’annonce bien pour Suez, puisque le résultat d'exploitation (Ebit) a progressé de 10,2 % à change constant (289 millions d’euros) et l’Ebitda de 8,8 % à change constant (635 millions d’euros). Le chiffre d'affaires progresse quant à lui de 13,8 % à change constant, pour s’établir à 4.058 millions d’euros. Seul point noir au tableau : la dette financière du groupe s’établit à 3,3 fois l’Ebitda, soit 8,8 milliards d’euros (contre 8,5 milliards d’euros fin 2017).
Pour 2018 Suez vise une croissance de son chiffre d'affaires d'environ 9% à change constant, un Ebit en hausse de 10% et un free cash-flow d'un milliard d'euros. La direction table sur des bénéfices de l’ordre de 2000 millions d’euros chaque année jusqu’en 2021. Des chiffres que le groupe devra atteindre sous peine de faire à nouveau vivement réagir les marchés.