Les start-up seront les premières victimes des modifications demandées dans le texte de la loi El-Khomri par les organisations syndicales. On retrouve bien là le combat en passe de devenir épique mené par les forces de la vieille France contre l’entrée de notre pays dans le vingt-et-unième siècle.
Les start-up et les accords d’entreprise
Majoritairement, les start-up sont des très petites entreprises et n’ont pas la taille critique pour mettre en place des institutions représentatives du personnel capables de négocier des accords d’entreprise. La loi El-Khomri réussissait donc l’exploit de ne pas les concerner ou presque: les dérogations à un code du travail ubuesques prévues par le texte gouvernemental passent par des accords d’entreprise…
Deux ou trois mesures toutefois étaient susceptibles d’intéresser les start-up: la définition du licenciement économique, le plafonnement des indemnités prudhommales et la possibilité de passer unilatéralement au forfait-jour un cadre recruté aux 35 heures. Ces trois mesures devraient disparaître à la demande des syndicats « réformistes », selon un terme extrêmement malheureux.
Les start-up et le licenciement économique
Pour beaucoup de start-up, la réorganisation interne peut se révéler complexe à mener, surtout lorsque l’entreprise a besoin, pour assurer son développement sans épuiser sa trésorerie, de réorienter ses recrutements. En l’état des textes, le recours au licenciement économique est ardu car très incertain. Comment, par exemple, expliquer qu’on licencie un salarié peu performant sur un marché qui ne se développe pas, pour pouvoir recruter un salarié plus performant sur un nouveau marché qui se développe, mais sur des profils très différents?
Une meilleure définition pouvait (imparfaitement d’ailleurs) sécuriser un licenciement économique pratiqué dans ce cadre. Cette précision-là devrait disparaître dans le texte futur et rendre à nouveau très précaire la solution du licenciement économique dans ces cas de figure.
Les start-up et les indemnités prudhommales
Je n’ai jamais été partisan du plafonnement des indemnités prudhommales, que je considère être une mesure illibérale. Toutefois, pour les start-up, la décision de licencier un salarié est difficile à prendre face au risque de voir les prudhommes coller, deux ans plus tard, une indemnité qui se révèlera un défi économique pour l’entreprise. Beaucoup de start-up peuvent donc être conduites à conserver des salariés improductifs qui plombent la compétitivité de l’entreprise par crainte de payer cher une décision mal prise.
Si le plafonnement des indemnités avait un aspect positif, il se situait là.
Là encore, la mesure a du plomb dans l’aile.
Les start-up et le forfait-jour
Certaines start-up ont l’imprudence de recruter leurs cadres aux 35 heures et non au forfait-jour. J’imagine d’ici la tête du dirigeant quand son cadre lui explique qu’il quitte le travail à 17 heures quoiqu’il arrive même si le client crucial pour l’entreprise attend impatiemment sa livraison. Bien sûr, que, ces jours-là, le chef d’entreprise bouillonne et mange son chapeau. La survie de l’entreprise est en jeu, mais s’il la ramène, son cadre est dès le lendemain matin dans les bureaux de la médecine du travail pour se plaindre du stress subi dans l’entreprise.
La seule bonne mesure pour la prospérité de l’économie française tenait donc, dans la loi El-Khomri, à la faculté laissée unilatéralement au chef d’entreprise, de faire passer son cadre au forfait-jour.
Là encore, cette mesure devrait disparaître.
La CFDT déteste les start-up
On regrettera bien évidemment que l’attaque syndicale contre la loi El-Khomri porte moins contre les intérêts capitalistiques des grandes entreprises rentières en France, et soit aussi destructrice pour les entreprises innovantes. C’est la France du job low-cost et de la laborieuse reproduction de l’ancien qui est à la manoeuvre, pour torpiller ce qui peut faire sens à l’avenir.
Il faudra bien qu’on nous explique quand même un jour pourquoi la CFDT déteste autant le progrès. Le qualificatif de « réformiste » qui lui est accolé sonne tellement faux.
A titre d’exemple, la CFDT se bat pour le renforcement du rôle de la branche lorsque les entreprises n’ont pas d’institution représentative du personnel. Mais il n’existe pas de branche des start-up. Celles-ci sont fondues dans la « branche Syntec », pilotées par les vieux cabinets de conseils à qui elles font souvent concurrence. Autant dire que le gouvernement et la CFDT préparent la mise sous contrôle des start-up par leurs rivales de l’ancienne économie.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog