Sommet européen : la passe d’armes franco-allemande

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Par Charles Sannat Publié le 19 octobre 2012 à 10h32

Jean-Michel Steg était le 12 octobre dernier sur le plateau des "Experts" de BFM radio. Ce n’est pas n’importe qui Monsieur Steg.

Ancien de Goldman Sachs, où il avait passé trois ans, c’est un monsieur qui a un total de trente ans d’expérience dans la banque. Diplômé d’Harvard, c’est un profil très anglo-saxon, qui passa seize ans chez Lazard (dont dix à New York), avant d’enchaîner avec BZW à Paris. Bref, c’est sans doute quelqu’un de sérieux et de bien informé et il pilote désormais Blackstone France (le gros fonds américain).

Sur le plateau de BFM donc, il a tout simplement déclaré que "en France, on ne bougera vraiment que le jour où on mettra sa carte de crédit dans l’ATM – le distributeur automatique – et que ça ne sortira pas… Je pense que ce jour-là se profile". Bon, là, sur plateau, il y a eu un gros silence. Très gros silence.

Il a fallu tout le professionnalisme et la vivacité du brillant Nicolas Doze pour rattraper cette sortie de route intempestive et vite embrayer sur un autre sujet qui n’avait rien à voir avec l’effondrement du système à venir à savoir toujours la fameuse règle des 3 % de déficit. C’était un grand moment de radio et de vidéo. Vous pouvez revoir cette vidéo (à 5 minutes 20 environ) sur le site d’Olivier Demeulenaere.

Mais rassurez-vous, rendormez-vous tranquille, ce n’était qu’un bug dans la matrice. Rien de grave. Les banques centrales veillent… En attendant, on a besoin de racheter massivement votre or. Désormais, les pubs à la télé ne suffisant plus, il a été nécessaire d’accélérer le mouvement. Les témoignages s’accumulent de particuliers littéralement harcelés par des centres d’appels plus ou moins délocalisés. Mais cette véritable machinerie de guerre qui a été mise en place à travers le monde entier n’a sans doute rien à voir avec ce qu’a osé déclarer Monsieur Steg… à moins qu’effectivement "ce jour-là se profile".



Ce qui est sûr, c’est qu’en tout cas, en Europe, ce n’est pas l’amitié franco-allemande qui se profile. On pourrait même dire qu’elle se défile… l’amitié. L’ambiance semble chaleureuse. Vous aurez sans doute droit aux traditionnelles embrassades avec la pauvre Merkel, qui est la seule femme parmi 27 chefs d’Etat – ce qui, à deux bises par président, l’amène gentiment à un total de 54 bisous à recevoir en moyenne.

Heureusement que Berlusconi n’est plus là. On peut aussi imaginer que le mamamouchi grec lui épargnera le câlin traditionnel. Bref, à l’issue de ces embrassades, tout ce beau monde va aller manger ensemble (à vos frais). J’enquête actuellement sur les menus servis, mais figurez-vous que je ne trouve aucune information à ce sujet… Après ça, ce sera le moment du communiqué final. Logiquement, tout ce sera très bien passé, et ce sommet d’étape aura vu se dérouler un moment de partage intense de points de vue (ce qui veut dire que l’on est d’accord sur rien).

Bon, il faut dire qu’avant le sommet, c’est-à dire-toute la journée de jeudi, les Français et les Allemands se sont lancés dans une guerre des communiqués. Je ne vais pas dire que ce sont les tranchées… Je vous rappelle qu’on est amis… François Hollande : "Le sujet du conseil, ce n’est pas l’union budgétaire, c’est l’union bancaire. Donc la seule décision que nous avons à prendre, à confirmer d’ailleurs, c’est la mise en place de l’union bancaire d’ici la fin de l’année, et notamment la première étape qui est la supervision bancaire."

Angela Merkel : "Nous pensons, et je le dis au nom de l’ensemble du gouvernement allemand, que nous pourrions faire un pas en avant en accordant à l’Europe un véritable droit d’ingérence sur les budgets nationaux quand ils ne respectent pas les limites fixées pour la stabilité et la croissance."



François Hollande : "Je vais lui dire que nous devons appliquer les décisions que nous avons prises ensemble le 29 juin. Il y a un partenariat solide entre la France et l’Allemagne, mais nous discutons avec tous les pays, notamment ceux qui ont des points de vue qui nous permettent de trouver les bons compromis. Mme Merkel a ses propres rendez-vous électoraux."

Heureusement, il y a le chancelier social-démocrate autrichien Werner Faymann qui a mis son grain de sel : "Je préfèrerais qu’on fasse des super propositions avec de vraies mesures pour essayer de lutter contre le chômage." Moi je pense que c’est une très bonne idée. On devrait tous trouver des super idées de super propositions qui règleraient tous les problèmes d’un coup. Et même qu’après l’économie elle serait guérie et que même que tout le monde il serait gentil, beau et riche…

Quand on entend et qu’on lit des choses pareilles, on se dit que franchement, François Hollande est un mec normal super talentueux… Quant au grand vizir suédois, il a rajouté un peu de piment à la sauce européenne. Le Premier ministre Fredrik Reinfeldt a donc dit : "Si une banque est en difficulté, qui va payer ? C’est ce que les marchés veulent savoir ainsi que mes contribuables car ils ne veulent pas couvrir les pertes des systèmes bancaires d’autres nations."

C’est vrai que c’est une bonne question. En tant que contribuable français, et plus généralement, je me pose également la question, mais dans notre pays, un tel débat est tout bonnement interdit. Il y a des problèmes bien plus urgents pour occuper le petit peuple, comme le mariage homosexuel et l’adoption. Voilà un vrai sujet qui va passionner les foules.



Pendant ce temps, la Grèce, qui après avoir atteint le fond se voit contrainte de creuser, était totalement bloquée en raison d’une nouvelle grève générale. Un homme de 65 ans est mort durant des manifestations anti-austérité émaillées de violences qui ont rassemblé des milliers de Grecs. Mais ce n’est pas grave, depuis le temps qu’il y a des émeutes là-bas, un mort de temps en temps ce n’est pas très important, et puis la Grèce c’est loin.

D’ailleurs, le rapport des principaux créanciers de la Grèce (UE, BCE et FMI), préalable au déblocage d’une tranche d’aide de 31,5 milliards d’euros, ne sera pas prêt. La troïka, qui a quitté Athènes mercredi, a dit espérer un accord avec les autorités grecques "dans les prochains jours". Zut alors, on ne pourra rien décider lors de ce sommet d’étape. Et puis l’Espagne ne devrait pas non plus demander d’aide. Ouf, je croyais qu’ils étaient capables de prendre de super décisions.

Voilà, le prochain sommet ce sera en novembre, après les élections américaines. Là je pense qu’on va vraiment pouvoir rigoler. D’ailleurs, après tout, il pourrait même peut-être y avoir des pannes de distributeurs de billets. Ce n’est pas moi qui le dit, moi personne ne m’écoute, même pas ma femme qui me trouve pessimiste. Non, c’est BFM qui le dit, et là, après que le Figaro nous ait expliqué hier qu’il fallait en plus acheter des pièces d’or en cas de gros problème parce que c’était plus facile pour faire ses courses, je commence à me dire que vraiment, les pièces d’or, c’est bien.

Mais dormez tranquille, votre contrat d’assurance vie ne risque rien. Vos comptes bancaires sont assurés. Chuuut, dodo, coucher, plus bouger… voilà, tout doux… ça y est, ils dorment !

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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