Faute de tarir à la source les risques, souverains en particulier, qui menacent la solvabilité des banques, les autorités européennes et nationales s'engagent dans des voies de plus en plus hétérodoxes de « résolution » en aval des problèmes par la spoliation de l'épargnant . Même si celui-ci n'est pour rien dans la déconfiture prévisible des banques du fait d'investissements déraisonnables réglementairement encouragés par ces mêmes autorités.
Qu'après la crise grecque comme avant, après Bâle III comme depuis Bâle I, un prêt aux Etats reste officiellement considéré comme un actif sans risque n'empêche nullement les autorités « compétentes », bien placées pour savoir ce que valent en réalité ces « actifs », de se préparer à la survenance du défaut souverain par la mise en place au plan mondial d'un mécanisme de résolution des faillites bancaires. A juste titre d'ailleurs : « en moins d'un an la dette publique des Etats de la zone euro a augmenté de 450 milliards d'euros » (soit dix fois plus que la croissance attendue en valeur du PIB de la zone euro en 2014). Quant à la dette des Etats-Unis, du Royaume Uni et du Japon, elle ferait plutôt pâlir celle de la zone euro.
Ainsi, la stupéfiante solution de ponction des gros dépôts sortie du chapeau des autorités monétaires internationales lors de la crise bancaire chypriote n'était pas une improvisation pour pays exotique gorgé de dépôts d'origine suspecte. L'évolution de la législation européenne et mondiale confirme que cette énormité était un test, passé avec succès dans un contexte spécial. Elle peut donc être désormais déployée comme solution de droit commun pour assurer la survie des systèmes bancaires, que le poids croissant du risque souverain entraîne immanquablement vers la faillite.
Cette voie de résolution explique le calme des « marchés financiers » en dépit de la dérive continue des finances publiques. Ils ont compris que les gouvernants étaient en train de trouver la solution dans une forme de compensation entre la dette des banques à l'égard des particuliers et des entreprises (environ 1500 milliards d'euros à fin décembre 2012 en France) et leurs créances en partie douteuses sur l'Etat (dont la dette en France s'élève à 1900 mds). C'est ainsi qu'en taxant les épargnants l'on épargne les contribuables. Et l'on amorce le dispositif en ne faisant payer au départ que les « riches », dont les dépôts (comment les définira-t-on au fait ?) sont supérieurs à 100 000 €, à concurrence de 8 % maximum.
Les actionnaires seront certes les premiers pénalisés (noblesse d'un capitalisme symboliquement remis en selle oblige), puis les créanciers obligataires (c'est-à-dire les porteurs de SICAV et de FCP en euros, vous et moi). Des plans de cession d'actifs, des efforts de gestion et de rémunération, sont également prévus pour combler le passif . Et en dernier lieu les « fonds de résolution » nationaux et, lorsqu'il sera constitué, le « fonds de résolution » européen (50 Mds d'euros !) seront mis à contribution. En cas de faillite virtuelle d'une « banque systémique » (dont le passif se chiffre en centaines ou en milliers de milliards d'euros) après avoir rincé les actionnaires et les obligataires, on se tournera donc rapidement vers les déposants pour assurer la survie de la banque (sans parler des autres). Ceux-ci découvriront alors, mais un peu tard, que ce qu'ils considéraient comme leur argent, n'était qu'une créance fragile sur un tiers mortel - à moins qu'ils n'aient pris entretemps des dispositions pour protéger leur patrimoine financier.
Dans un contexte de renationalisation des dettes publiques et d'introduction de clauses d'action collective dans les émissions d'obligations par les Etats depuis le 1er janvier 2014 (autorisant des « hair cuts » - ou réductions de dette - si 75 % des créanciers sont d'accord) le redoutable scénario de résolution de la crise du « risque souverain » se profile, dans une transparence digne des démocraties populaires. Car cette résolution a toutes les apparences de la martingale par laquelle les Etats-Providence se mettent en situation de liquider leur faillite.
La morale de cette histoire est très « classique ». C'est la loi de Say, selon laquelle on ne peut durablement demander (dépenser) plus que ce que l'on offre (gagne), qui l'emporte au finish, dans la douleur. Ce prélèvement final sur l'épargne n'est-il pas après tout le règlement tardif en catastrophe par les citoyens d'une « ardoise » ancienne ? Ces dépôts sur la sellette ne reflètent-ils pas en partie un cumul de faux revenus distribués par l'excédent des dépenses publiques sur les prélèvements obligatoires ? There is no free lunch. En bon français : tout se paye, tôt ou tard.