La grave crise de confiance des citoyens envers les élus et les gouvernants justifie-t-elle la menace de mort d'une activité économique, celle de la domiciliation et de l'hébergement d'entreprises, comme gage politique d'une majorité en mal de rédemption ?
Le député Yann Galut – qui pilote le groupe de travail interne au Parti socialiste sur l'évasion fiscale – a déposé le 9 avril dernier à l'Assemblée nationale plusieurs propositions de loi sur l'exil fiscal, parmi lesquelles la suppression pure et simple des sociétés de domiciliation commerciale, qui contribuent, selon lui, à étendre la fraude parce qu'elles permettent de choisir une adresse commerciale pour son siège social.
Cette proposition meurtrit les professionnels de la domiciliation et des centres d'affaires car ils n'ont pas attendu la crise actuelle pour balayer devant leur porte. Les domiciliataires et les hébergeurs, regroupés au sein du Syndicat national des professionnels de l'hébergement d'entreprises (SYNAPHE), ont réussi, de leur propre initiative, un travail exemplaire de normalisation, pour ne pas dire de moralisation de leur profession, sans équivalent en Europe. Trois grandes étapes ont marqué cette volonté de rigueur et de probité.
Une profession exemplaire
Quand de nombreux secteurs d'activités sont dérégulés sous la pression des institutions européennes, les professionnels de la domiciliation fiscale en France ont oeuvré pour que leur profession fixe les conditions d'exercice qu'ils doivent s'appliquer, s'obligeant à garantir une prestation minimale à leurs clients grâce à la création, en 2008, de la norme Afnor NF X 50-772.
Cette première étape clarifie et impose des règles du jeu communes à la profession. Le SYNAPHE a saisi, au courant de l'année 2010, l'opportunité de la transposition dans le droit français de la directive européenne de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent (Tracfin) pour que la domiciliation fiscale intègre ce dispositif.
Conformément à l'article R123-168 du Code de commerce, le domiciliataire fournit, au centre des impôts et aux organismes de recouvrement des cotisations et contributions de Sécurité Sociale compétents une liste des personnes qui se sont domiciliées dans ses locaux au cours de cette période ou qui ont mis fin à leur domiciliation ainsi que chaque année, avant le 15 janvier, une liste des personnes domiciliées au 1er janvier.
Dans le cadre du dispositif Tracfin, chaque domiciliataire doit classifier ses clients selon trois catégories de vigilance : faible, moyenne et renforcée. Cette étape exige donc des domiciliataires une contrainte de transparence sans égale hors du secteur financier. Ainsi, en poussant le législateur à inscrire la domiciliation fiscale dans son périmètre, le SYNAPHE a propulsé sa profession dans une démarche citoyenne.
Enfin, depuis le 1er janvier 2011 (ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009 et décret n°2009-1695 du 30 décembre 2009), un domiciliataire doit obtenir l'agrément de sa préfecture pour pouvoir exercer. Cela signifie concrètement que les domiciliataires sont désormais comptés et identifiés et qu'ils doivent suivre des conditions d'exercice strictement encadrées. Cette troisième étape fait du domiciliataire en France un acteur économique digne de confiance.
La France fait aujourd'hui figure d'exemple en Europe en la matière. L'harmonisation de notre activité au niveau européen constitue d'ailleurs un axe de réflexion majeur du SYNAPHE, membre fondateur de la Confédération européenne des syndicats de centres d'affaires (EuroCBCA).
Des emplois injustement mis en danger
Les professionnels – sur lesquels l'opprobre a été publiquement jetée et massivement relayée par les médias – veulent croire que leur accusateur a agi par méconnaissance plutôt que par démagogie. Pour lever les a priori, le SYNAPHE invite le député Yann Galut à visiter, sans tarder, un ou plusieurs domiciliataire(s) afin qu'il se rende compte de leur travail quotidien contre la fraude fiscale.
Au-delà de ces questions sensibles, soulignons aussi l'utilité publique des hébergeurs, notamment auprès de l'accompagnement et de l'aide à la création des start-up et TPE, qui ne pourraient démarrer dans de bonnes conditions sans une offre compétitive des centres d'affaires, en moyenne 30 % moins cher qu'un bail 3/6/9 ans.
À l'anathème, notre Syndicat préfère la rencontre et le dialogue pour que cesse une menace de mort anachronique sur un secteur d'activité qui, rappelons-le, pèse 400 millions d'euros de chiffre d'affaires et emploie plus de 1 000 salariés.