Nan mes chers amis, il n’y a pas de faute, il s’agit bien de la « TET » et non pas de la « tête ». TET cela veut dire les « trains d’équilibres régionaux » dans le langage de nos mamamouchis mamouchisants.
Et c’est quoi un train d’équilibre régional ? Eh bien c’est un train Corail, pour ceux qui ont connu l’époque des francs (et du service militaire). Et le train Corail c’est quoi ? C’est un train qui dessert deux villes non reliées par une ligne de TGV… C’est le train, le vrai, à l’ancienne, celui où l’on a préparé ses sandwichs, où il y a encore des compartiments, des couloirs trop étroits, et des portes qui s’ouvrent avec des manettes… même quand le train roule ! Bon, pour moi le Corail, c’est un souvenir d’enfance et c’était ça prendre le train, sauf que comme tout, évidemment, les choses changent et ce qui a changé c’est aussi bien les besoins que les modes de transport ou les alternatives au train.
Il y a 30 ans, il était impensable ou presque pour le pékin moyen de prendre l’avion pour un Paris-Toulouse. Aujourd’hui, c’est une évidence. Idem pour un Paris-Nice. Bref, l’avion et les compagnies low cost sont devenus une véritable concurrence pour les liaisons ferrées de la SNCF.
Alors que va devenir notre réseau de trains ? Eh bien il va se réduire sur beaucoup d’endroits et s’étoffer sur d’autres.
Mais avant, un peu d’histoire !
Voilà le petit rappel historique que fait ce fameux rapport sur ce qui avait déjà été envisagé par le passé… Mais personne n’ayant vraiment voulu payer… eh bien tout s’est lentement dégradé jusqu’à la situation actuelle que nous connaissons.
« En 1994, SNCF Mobilités distingue dans son périmètre de dessertes quinze lignes fortement déficitaires (750 MF de déficit au total en 1993 soit 115 M€) dont la pérennité pourrait être menacée à moyen terme. Estimant que ces liaisons présentent un intérêt pour l’aménagement du territoire, elle propose qu’un contrat de service public soit passé entre les collectivités publiques et SNCF Mobilités pour l’aider, via une subvention spécifique, à maintenir ces lignes en service.
Dans ce contexte, en 1995 un rapport de M. Jacques Barel sur les lignes ferroviaires nationales d’aménagement du territoire, dit « rapport Barel », propose que :
- l’État passe un contrat avec SNCF Mobilités pour assurer l’avenir de ces liaisons ;
- ne soient retenues que des liaisons relativement longues (plus de 250 km), comportant au minimum deux allers-retours quotidiens, et ayant une fréquentation de bout-en-bout égale à 75 voyageurs (pour un automoteur) ou 160 voyageurs (pour une rame tractée) ;
- la subvention soit limitée à un montant au plus égal aux recettes commerciales.
L’État n’a pas donné suite à cette proposition.
En 2004, constatant la diminution des bénéfices dégagés par l’activité TGV, SNCF Mobilités décide de réduire fortement voire de supprimer plusieurs dessertes interrégionales, dites TIR pour trains interrégionaux, fortement déficitaires. Devant les réactions des élus, le ministre chargé des transports réunit le 8 septembre 2004 le président de l’Association des régions de France (ARF) et le président de SNCF Mobilités. Ils décident de créer un groupe de travail tripartite, qu’ils chargent de :
- lancer et piloter un audit des comptes des relations TIR, devant être achevé en avril 2005 ;
- définir une méthode de refonte des dessertes ;
- faire un inventaire précis du matériel roulant utilisé.
Cependant, à ce stade, ni l’État ni les régions ne s’engagent dans un processus de conventionnement des TIR. Deux raisons principales sont avancées :
- l’État considère qu’il faut en priorité adapter les dessertes à la demande de transport et réduire les déficits ;
- les régions constatent également des difficultés budgétaires.
Le groupe de travail conclut à la nécessité d’imaginer un dispositif financier acceptable par toutes les parties pour assurer l’avenir de ces trains. Cependant, aucune des propositions avancées par SNCF Mobilités, incluant une rationalisation des dessertes et une participation des régions, n’a recueilli l’assentiment de toutes les parties. »
Aménager le territoire, cela coûte évidemment de l’argent. La question : qui paie et pourquoi ?
Attention, je pense que l’on peut réduire ou supprimer certaines liaisons pour économiser de l’argent sans que cela ne remette en cause l’aménagement du territoire. Mais si l’on veut maintenir ou développer de l’activité dans certaines zones de notre pays et les rendre attractives, il est évident qu’il faut impérativement une offre de transport efficace et de qualité, encore plus lorsque l’on parle de « développement durable » et d’écologie.
L’aménagement du territoire cela a donc un coût et ce sont bien les zones plus ou moins rurales qui ont fait les frais ces trente dernières années en particulier des sommes monstrueuses déversées (avec une efficacité plus que douteuse) dans le cadre des politiques de la ville. Il serait sans doute temps d’aller vers un rééquilibrage mais pour le moment, nous n’en sommes pas là. Au contraire. Si deux lignes devraient s’en sortir de façon positive en voyant leurs capacités renforcées, il n’en est pas de même pour le reste du réseau qui va subir des coupes claires.
Mais encore une fois, certaines offres peuvent être supprimées sans que cela ne pose de problème majeur, et c’est le cas des trains de nuit par exemple en direction du sud où une offre d’avion pléthorique et peu coûteuse existe. D’ailleurs, les consommateurs ne s’y sont pas trompés. Seuls quelques nostalgiques empruntent encore ces trains !
Les points essentiels de ce rapport de 117 pages synthétisé pour vous ici :
La qualité de l’offre TET s’est donc continuellement dégradée pendant les dernières décennies. Ainsi, les temps de parcours ont sensiblement augmenté et la régularité a régressé :
- du fait de la dégradation de l’infrastructure, insuffisamment entretenue, à laquelle s’ajoutent désormais les effets des travaux de régénération mis en œuvre depuis 2012, dont l’ampleur perturbe fortement les circulations ;
- du fait du vieillissement du matériel roulant. En effet, le matériel roulant n’a pas été renouvelé pendant plus de 30 ans. Les opérations de rénovation et de modernisation réalisées dans le cadre de l’actuelle convention d’exploitation ont permis de prolonger sa durée de vie de quelques années et d’améliorer le confort offert aux voyageurs. Elles n’apportent cependant pas le niveau de confort et de régularité des circulations requis.
TET : AGIR POUR L’AVENIR
La décision d’acquisition par l’État, le 30 décembre 2013, de 34 rames de type « Coradia » pour remplacer les locomotives thermiques, pour un montant total de 510 M€, permettra d’apporter une première réponse à ce besoin de renouvellement du matériel roulant. Ces nouvelles rames seront mises en service à partir de 2017.
Dans le même temps, les dessertes proposées par les lignes de jour n’ont pas été adaptées à l’évolution des besoins de mobilité des voyageurs. L’offre de transport s’est considérablement transformée sur le territoire français depuis les trente dernières années, de plusieurs points de vue :
- les ouvertures successives de LGV et la multiplication des liaisons autoroutières ont fortement rapproché les territoires ;
- l’arrivée de transporteurs aériens à bas coût a rendu plus accessibles les dessertes par avion de villes moins bien reliées au réseau grande vitesse (par exemple Toulouse et Nice) ;
- plus récemment, le covoiturage s’est développé de manière spectaculaire, au point de constituer sur certaines liaisons et pour certains voyageurs une alternative évidente à la desserte ferroviaire ;
- la libéralisation prochaine des liaisons par autocar, au-dessus du seuil de 100 ou 200 kilomètres, va entraîner un développement très important de l’offre, en particulier sur les dessertes caractérisées par l’existence de bonnes infrastructures autoroutières, à l’exemple de ce qui s’est passé en Allemagne.
Ce nouveau contexte impose qu’une réflexion globale soit menée sur les trains d’équilibre du territoire, pour adapter le schéma de desserte à ces transformations et aux besoins de mobilité des Français.
La pertinence des dessertes TET a ainsi été examinée en détail par la commission, qui s’est appuyée pour cela sur une expertise indépendante.
Plusieurs critères ont été retenus pour l’analyse : schéma de desserte (fréquence des trains ; temps de parcours ; volume des populations desservies), qualité de l’offre TET et compétitivité par rapport aux offres alternatives. Ont ainsi été systématiquement comparés pour chaque desserte les prix, temps de parcours, et fréquences ainsi que des données qualitatives (satisfaction client), selon plusieurs hypothèses de voyage (voyage seul ou en groupe).
Les résultats ont permis de distinguer plusieurs groupes de lignes TET, et font apparaître leur forte hétérogénéité, leur sensibilité à la concurrence étant très variable.
Le modèle économique des lignes de nuit n’est plus viable mais celles-ci restent utiles pour assurer la desserte de certains territoires
La commission reconnaît l’importance des services rendus par les trains de nuit, pour les différents territoires desservis. Ces trains de nuit sont cependant confrontés à une fréquentation déclinante, pour plusieurs raisons :
- le développement de l’offre aérienne et de certains TGV rend possible des départs tôt le matin et des retours tard le soir. De plus, la généralisation d’hôtels à bas coûts a rendu compétitifs des modes de transport associant déplacement de jour la veille et nuit sur place ;
- sur certaines dessertes, le développement d’une offre d’autocars de nuit a déjà été annoncé par certaines compagnies, et les exemples étrangers montrent que ces autocars offrent des conditions de transports appréciées de la clientèle, à un coût moindre ;
- enfin, et surtout, le niveau de confort des trains de nuit n’est plus en ligne avec les exigences des voyageurs d’aujourd’hui, et l’investissement à réaliser pour renouveler le matériel roulant ne permettrait pas d’avoir un prix de transport compétitif. Or, dans la mesure où le maintien d’une offre de nuit implique des coûts d’exploitation particulièrement forts et nécessite donc d’atteindre des taux de remplissage très élevés pour en viabiliser l’exploitation (près de 450 voyageurs par train dans les conditions d’exploitation actuelles), la commission rejoint le diagnostic largement partagé en Europe selon lequel le modèle économique des trains de nuit est à bout de souffle. L’offre de trains de nuit y est ainsi en forte diminution, et recentrée sur des segments de niche.
La commission n’ignore cependant pas l’importance des trains de nuit pour les territoires les moins accessibles, et elle a intégré dans sa réflexion un examen précis du rôle qu’ils jouent pour ces derniers, au regard des offres alternatives existantes.
Cette inadéquation de l’offre TET aux besoins de mobilité se traduit par un niveau de subventionnement public par voyageur en forte croissance.
La dynamique de croissance du financement des TET par les contribuables est insoutenable. Le financement des trains d’équilibre du territoire par les contribuables rassemble trois catégories principales de dépenses :
- les dépenses liées à l’exploitation des TET acquittées chaque année par l’État qui représentent environ 10,8 centimes d’euro par voyageur et par kilomètre en 2014, soit 30 € pour un trajet de 250 km. Elles correspondent au déficit d’exploitation et au paiement de la redevance d’accès (RA) à SNCF Réseau, soit au total environ 780 M€ par an ;
- les dépenses liées à l’investissement de l’État en faveur du renouvellement du matériel roulant ;
- les dépenses liées à l’investissement de l’État et des régions sur l’infrastructure, qui profitent aux TET mais aussi aux autres activités ferroviaires.
La commission relève en premier lieu que le financement public par les contribuables en faveur des trains d’équilibre du territoire excède largement le seul déficit d’exploitation, qui non seulement ne tient pas compte des efforts de renouvellement du matériel, mais ne représentait que 50 % du déficit total (puisque celui-ci inclut la redevance d’accès) en 2014.
En second lieu, ces dépenses sont en forte progression : ainsi, en 2012, le subventionnement d’un voyageur pour un kilomètre de trajet était d’environ 8,5 centimes d’euros (par rapport à 10,8 centimes d’euros en 2014, cf. supra). La progression du coût pour les contribuables sur la période 2012 – 2014 s’établit donc à plus de 28 % en deux ans.
Or, si la commission souligne qu’il est légitime que les contribuables financent les TET au titre d’une dynamique d’aménagement du territoire et de solidarité territoriale, elle constate dans le même temps que ce rythme d’évolution n’est pas soutenable.
Il lui semble par conséquent légitime d’engager la réflexion sur le redimensionnement de l’offre TET, afin de contenir l’effort public des contribuables et de mieux répartir ce financement en fonction des besoins des voyageurs, en lien avec l’analyse de l’adéquation de chaque ligne aux besoins de mobilité.
Que penser de tout cela ?
Pour une fois, j’ai l’impression que l’avis de cette commission reste relativement pondéré et qu’il ne s’agit pas de tailler dans le vif sans discernement. Alors évidemment, ceux qui veulent faire certains trajets seront pénalisés mais il existera effectivement des lignes de bus de remplacement qui seront relativement efficaces.
Dans ce rapport, il y a bien eu une distinction de faite en fonction des alternatives possibles pour nos concitoyens et je pense, pour le moment, que cela est plutôt positif. Positif dans le sens où l’offre de la SNCF devait s’adapter aux nouvelles contraintes et que les trains de nuit, par exemple, sont bien un épiphénomène.
Néanmoins, cela montre bien sûr que globalement, encore une fois, nous avons à faire à un désengagement massif de l’État et des collectivités locales surendettées bien incapables de dépenser plus. C’est aussi cela qu’il faut retenir.
Il est déjà trop tard, préparez-vous.