SNCF : il y a urgence à prendre le train « En Marche »

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Par Daniel Rémy Publié le 24 octobre 2017 à 5h00
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16,6 milliardsAu cours du premier semestre 2017, la SNCF a réalisé 16,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

La liste des accidents et catastrophes mettant en cause, tant le matériel que les agents de la SNCF, est impressionnante…

Accident de Brétigny : un discours en rupture avec la réalité

Le 12 juillet 2013, 7 passagers trouvaient la mort dans l’accident d’un train Corail, à Brétigny-sur-Orge (91), tandis que l’on relevait de nombreux blessés. Les experts mandatés par la Cour d’Appel de Douai, Michel Dubernard et Pierre Henquenet, relevèrent « plus de 200 anomalies, de divers degrés de criticité, pour la plupart connues de la SNCF ou de ses agents, sans pour autant qu’il y ait été remédié de manière adéquate. Les dommages constatés traduisaient un état de délabrement jamais vu par ailleurs, imputables à la qualité de la maintenance… » (Le Figaro-07.7.2014).

Assailli de toutes parts, Guillaume Pépy, Président du Directoire de l’entreprise, convoquait la presse, affirmant haut et fort que le Réseau Ferré de France (RFF) et la SNCF contribueraient, en toute transparence, à la recherche des causes ayant présidé à cette nouvelle catastrophe.

Ce type de déclaration solennelle, combien de fois ne l’avons-nous pas entendue ?... La réalité était quelque peu différente, comme en témoigne le Canard Enchaîné qui, le 27 janvier 2016, rapportait comment « la SNCF avait tenté d’envoyer la justice sur une voie de garage… » : ignorant qu’ils avaient été placés sur écoute, par les juges d’instruction chargés de l’enquête, les collaborateurs de Guillaume Pépy firent, bien malgré eux, des aveux qui en disent long sur la manière dont est appréhendée la sécurité, au sein de cette entreprise publique.

Ainsi, s’agissant de la « traversée-jonction » (TJ), cette pièce maîtresse, placée entre deux voies au niveau des intersections, un cadre confessait : « Toutes les TJ de Brétigny sont pourries, trop vieilles… Un autre hurlait dans le téléphone, à propos des cheminots de Brétigny : c’est des burnes, des crevards. Il faut tous les foutre dehors !.... ». Au-delà de ce constat accablant, les juges se délectèrent tout particulièrement en entendant l’une des cadres juridiques du Groupe briefer les intéressés sur ce qu’il ne fallait surtout pas dire, lors de leur audition… Dans son édition du 3 février 2016, le Canard Enchaîné rapportait que l’éclisse, placée à l’intérieur de la « traversée-jonction », présentait une fissure, signalée dès 2008, mais jamais remplacée. Plus fâcheux encore, elle était fixée au moyen d’un seul boulon, au lieu des 4 prévus… Ainsi, tout le monde savait, mais il était du plus grand intérêt de cacher la vérité à la Justice : une curieuse conception de l’intégrité morale, s’agissant de grands commis de l’État…

Incendies et accidents : la SNCF n’y est pour rien

Le mercredi 23 juillet 2014, à 4h30 du matin, un incendie s’était déclaré dans un poste d’aiguillage de la SNCF, près de Vitry-sur-Seine (94), bloquant l’ensemble du trafic, à Austerlitz, une grande partie de la journée… L’agent présent à ce poste, cette nuit-là, était ivre et s’était tout bêtement endormi, avant d’être réveillé par les flammes.

A la suite de ce énième accident qui, fort heureusement, ne déboucha pas sur un nouveau drame, une note émanant de la Direction de la Circulation Ferroviaire était adressée aux agents SNCF de Normandie, les enjoignant de « procéder à l’inspection des réfrigérateurs et de tout autre lieu pouvant servir à stocker de l’alcool et, si nécessaire, à des vérifications inopinées au moyen d’éthylotests mis à leur disposition… ». (Canard Enchaîné-13.8.2014)

Quelques jours plus tôt, le 17 juillet, un TER percutait un TGV, près de Pau, faisant 40 blessés. Au vu des premiers éléments de l’enquête, la responsabilité de l’accident fut, cette fois-là, attribuée à des rats, lesquels auraient « grignoté » les gaines d’alimentation d’un feu tricolore, placé sur les voies, provoquant, du même coup, des courts-circuits intempestifs. Dommage que les rats n’aient pas été placés sur écoute : peut-être nous auraient-ils donné une version toute différente ?...

Responsables mais pas coupables

« Faute inexcusable », « obligation de sécurité de résultat » ? L’État et l’administration n’en ont cure… Et pour cause : une loi fort opportune, initiée le 13 mai 1996 et amendée le 10 juillet 2000 (loi « Fauchon »), relative à la responsabilité pénale, pour des faits d’imprudence ou de négligence, était intervenue, précisément, pour consacrer une quasi immunité, aussi bien aux dirigeants des grandes entreprises publiques ou « d’économie mixte » qu’aux élus et ministres en exercice…

Cette loi rend « directement responsables » les agents à l’origine de fautes manifestes, alors même que sont qualifiés de « responsables indirects » les supérieurs hiérarchiques qui ne leur ont pas donné les moyens d’assurer correctement leurs missions. D’où la fameuse et fumeuse expression qui, aujourd’hui, fait florès : « Responsables mais pas coupables… ».

En Chine, les dirigeants qui sont à l’origine de catastrophes industrielles sont exécutés ou condamnés à la prison à perpétuité : ils sont les victimes expiatoires d’un Parti Communiste qui, nonobstant sa conversion au capitalisme, conserve la haute main sur la gestion des entreprises du pays… En France, personne n’a jamais vu la haute administration condamner l’un de ses zélés serviteurs : elle les « déplace », tout simplement…

SNCF, dernier bastion du communisme

A la SNCF, dernier bastion du communisme « à l’ancienne », jusqu’à la caricature, l’État et ses technocrates ont fait le choix, depuis bien longtemps, de signer la « paix des lâches » avec les derniers apparatchiks de la CGT et de Sud : tel est le prix à payer, par les contribuables, pour préserver une illusoire « paix sociale »…

Le Réseau Ferré de France et la SNCF souffrent tout autant du vieillissement des infrastructures et de l’usure des matériels et équipements que d’un défaut d’entretien : l’ouverture des voies à la concurrence ne va pas manquer d’en révéler l’ampleur, tandis que d’autres accidents et catastrophes viendront s’ajouter à une liste déjà fort longue.

Comment se fait-il que l’on n’entende pas Monsieur Filoche, cet inspecteur du travail, ancien dirigeant de la Ligue Communiste Révolutionnaire, toujours prêt à « monter au créneau » pour défendre les salariés victimes de « patrons voyous » ?... Les passagers de la SNCF ne sont-ils pas eux-aussi, dans leur immense majorité, des salariés comme les autres ?...

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Spécialiste des questions de sécurité et de renseignement, depuis 1976. Issu du secteur privé, Daniel Rémy apporte principalement son expertise et son expérience aux entreprises confrontées à des risques et à des menaces très diverses, en France comme à l'étranger (terrorisme, kidnapping, racket, fraude, espionnage industriel et commercial, tentatives de déstabilisation…). Il est l'auteur, entre autres, de « Qui veut tuer la France ? La stratégie américaine… » (2007), « La France des talibans : République cherche repreneur… » (2002), « Pour l’humour du risque » (2011) et « Terrorisme et sécurité : ils nous prennent pour des cons… » (2016).

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