SNCF : une grève indécente

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Par Jean-Luc Ginder Publié le 12 avril 2018 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
20 millions ?La grève coûte à la SNCF 20 millions d'euros par jour.

Je suis économiste et il est de ma mission de vous interpeller sur notre actualité inondée de cette grève dite des cheminots et que l’Histoire pourrait nommer la « grève indécente ».

Je suis frappé : une noblesse salariale contre les sans-culottes de l’économie française. Une grève qui a pour intention de bloquer l’économie pour le maintien de ses privilèges. Une prise en otage de chacun par 150 000 privilégiés du travail.

Le 1er février 1954, l’Abbé Pierre lançait un appel déchirant appelant à l’insurrection de la bonté. Il ressurgit aujourd’hui dans mon esprit tel un phare d’espérance pour des millions de Français vivant une situation de précarité, pour notre classe moyenne prise en otage, pour tous ceux qui souffrent de l’insécurité économique. Cette voix capitale et déchirante résonne tel un partage de bienveillance dans l’espoir de jours heureux pour chacun.

Aujourd’hui j’ai un grave besoin de dessiner un mouton….soixante-quatre ans plus tard, les menottes de l’incertitude économique, les chaînes du déclassement sont des problèmes préoccupant douloureusement la vie des Français…soixante-quatre ans plus tard, la moitié des Français vivent sur un îlot de crainte du lendemain au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle…soixante-quatre ans plus tard 50% des Français vivent avec moins de 1 600 euros par mois (alors que le salaire mensuel brut des cheminots est à 3467,86 euros hors primes et avantages -2015-) et se retrouvent exilés dans leur propre pays…soixante-quatre ans plus tard, 8,5 millions de pauvres, 14%de la population française, 3 millions d’enfants pauvres…oui, dessine-moi un mouton…

Ce sont les raisons qui me poussent à mettre face à face une condition humaine honteuse pour notre pays et une grève indécente de privilégiés. Les syndicats doivent assumer la responsabilité d’une nouvelle crise sociale. Il est d’actualité de faire fi des problèmes d’égo ou d’un besoin personnel de sur protection sociale. Il leur faudra répondre aux entreprises qui sombreront, il leur faudra répondre aux femmes et aux hommes licenciés, il leur faudra justifier en toute conscience les fondements de leurs revendications.

Une grève à quel prix ?

L’économiste peut apporter un éclairage chiffré : perte de 20 millions par jour pour la SNCF sur le crédit des impôts des Français, perte de 10 milliards en 3 mois pour la France par le blocage perlé des flux de production selon l’analyse de la grève de 1995 (300 millions estimés par jour non ouvré à l’époque pour l’économie française) – en incluant tous les coûts indus réels- impact pouvant ce jour être estimé entre 0,8 à 0,5 points de PIB. Les conséquences sont un blocage net de la croissance française suivie par une augmentation du chômage et une mise en faillite de PMEs et PMIs fragilisées et sans doute de certains grands groupes.

Quand les architectes de notre République ont magnifiquement rédigé notre Constitution, ils signaient un chèque dont chaque Français devait hériter. Ce chèque était une promesse qu’à tous les hommes, aux salariés et aux entrepreneurs et aux cheminots, seraient garantis les droits inaliénables de la vie, de la liberté et de la quête du bonheur. Il est évident aujourd’hui que les cheminots ont manqué à leurs promesses à l’égard des autres citoyens. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, le cheminot a délivré aujourd’hui un chèque en bois, qui est revenu avec l’inscription « provisions insuffisantes pour raison de sauvegarde de mes privilèges ».

Mais je refuse de croire qu’il n’y a pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance, en notre pays alors que le cadre économique change. Aussi, suis-je de ceux qui veulent encaisser ce chèque de la réorganisation, de la levée de la noblesse « cheminale », un chèque qui nous donnera sur simple présentation les richesses d’un transport nouveau et la sécurité de la justice sociale. Ce n’est pas le moment de laisser tiédir notre volonté commune d’équité sociale, nous ne voulons pas des tranquillisants des demi-mesures.

Une prise en otage des Français

Les promesses de la démocratie doivent être tenues. Nous revendiquons la justice salariale. Nous refusons d’être pris en otage par 150 000. Nous comme vous les cheminots, nous rêvons de sortir des vallées désolées et nous avons besoin de voir le soleil. Il est l’heure d’arracher notre nation des sables mouvants de l’injustice des protégés et d’apporter un soutien résolu à chaque laissé pour compte. Il est l’heure de bâtir sur le roc de la fraternité. Il est l’heure de faire de la justice, de l’égalité des chances une réalité pour chaque enfant de France. Il serait fatal pour la nation de fermer les yeux sur l’urgence. Les cheminots ont leur printemps, nous revendiquons un été, un automne, un avenir de liberté, d’égalité et de fraternité.

2018 n’est pas la fin de la SNCF, c’est un nouveau départ. Ceux qui espèrent que les cheminots avaient seulement besoin de se défouler et qu’ils se montreront satisfaits, auront un rude réveil, si la nation retourne à son train-train habituel. Car alors moi aussi, avec mes semblables nous nous mettrons en grève pour avoir les mêmes droits que tous les agents avec statut et bloquerons notre France. Je voudrais rajouter pour nos cheminots qu’en procédant à la reconquête des privilèges, ils ne doivent pas se rendre coupables d’agissements répréhensibles. Ne cherchez pas à satisfaire votre soif de supériorité en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous tous devons toujours mener notre lutte sur les hauteurs de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever où la force de l’âme s’unit à la force physique.

Cheminot, quand seras-tu satisfait ? quand tes privilèges seront assurés ? quand ton ego sera rassasié ? Français, quand seras-tu satisfait ? pas quand on te prend pas en otage. Quand l’emploi jaillira comme l’eau, quand la justice sociale bondira comme un torrent intarissable. Ici et maintenant je suis triste car je suis otage des cheminots français, je suis triste parce que notre combat est le même et que j’ai foi en la force du travail commun, que j’ai l’espoir inaltérable de la réussite sociale, de l’emploi et de la liberté d’entreprendre. Tous les hommes naissent égaux.

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Jean-Luc Ginder est économiste et essayiste spécialiste de la macro économie ainsi que de l'économie de l'Energie. Il est l'auteur du livre « Phobiamanagement » mettant en avant les effets de la peur en économie et du livre « Réflexions Economiques » (Éditions Corps et Ame, février 2018).

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