La proposition du président du Medef d’instaurer un "SMIC intermédiaire" a été accueillie plutôt fraîchement, que ce soient par les syndicats, une partie du patronat ou le gouvernement. Le "SMIC intermédiaire", qui n’est autre qu’une énième déclinaison du SMIC jeune, vise à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes. Il s’adresse en priorité aux jeunes les moins qualifiés, mais pas exclusivement.
En effet, le marché du travail français n’est pas à un paradoxe près : en moyenne, les jeunes sont plus qualifiés que leurs aînés, tout simplement sous l’effet de la massification de l’enseignement supérieur, mais ils sont davantage exposés au chômage et au déclassement.
Pour lutter contre le chômage des jeunes, la France a opté pour la flexibilité. Les emplois jeunes de l’ère Jospin relevaient de cette logique, tout comme le sont les contrats de professionnalisation, d’apprentissage ou encore le CDD. A l’origine, ces contrats devraient permettre une insertion progressive avec, à la clef, le fameux sésame : le CDI. Cependant, c’était sans compter sur une segmentation croissante du marché du travail entre insiders et outsiders.
Dans cette perspective, les jeunes, qualifiés mais peu expérimentés, sont souvent considérés comme de véritables variables d’ajustement par les employeurs. La multiplication, dans le Code du Travail, de contrats courts, faiblement rémunérés, et offrant peu d’avantages sociaux ont précarisé au fil des années cette population.
L’insertion désormais en France se fait plus tardivement pour les jeunes sur le marché de l’emploi, avec des perspectives d’évolution et de carrière moindres que pour la génération du baby- boom. C’est d’ailleurs ce qu’écrivait il y a quelques années Louis Chauvel : "Il est préférable d’avoir vingt ans en 1968 lorsque le taux de chômage dans les deux ans de la sortie des études est à 4%, qu’en 1994 où ce taux culmine à 33%. Le plein-emploi à l’entrée dans la vie adulte est une ressource collective inestimable qui n’a pas été transmise". En 2014, la situation ne s’est pas améliorée.
Plusieurs études, dont celle menée par Olivier Blanchard et Augustin Landierd en 2002, ont prouvé que la flexibilité a aggravé au final le chômage des jeunes. Elle s’est souvent traduite par des contrats courts mais, de plus en plus, un débat a aussi émergé à propos de l’instauration d’un SMIC jeune. Autrement dit, un salaire minimum raboté.
Les tenants de cette logique oublient seulement que plus le marché du travail sera différencié dans sa nature, plus les clivages vont s’accentuer entre insiders et outsiders et entre les générations.
Pour diminuer le fossé de plus en plus criant qui existe sur le marché de l’emploi, la solution, évoquée d’ailleurs par plusieurs centres de réflexion en France, serait d’instaurer un contrat de travail unique. Il s’agirait ainsi d’abolir la segmentation entre CDD et CDI qui manifestement n’a pas permis une réduction du chômage, en particulier pour les populations les plus fragiles.
Cette uniformisation salutaire permettrait de réduire la précarité liée aux contrats courts. Dans la pratique, l’accès aux bénéfices actuellement offerts par le CDI pourrait se faire progressivement, après une période transitoire à définir. La succession de contrats courts, parfois pendant toute la vie professionnelle, source d’instabilité et d’inquiétudes, serait ainsi terminée.
L’idée est loin d’être nouvelle. C’était même une proposition du candidat Sarkozy en 2007. Toutefois, jusqu’à présent, aucun responsable politique n’a eu le courage de la mettre en œuvre et de s’attaquer à la simplification du millefeuille inefficace et coûteux du Code du Travail.