Transformons les villages de France en smart cities

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Par Sébastien Côte Publié le 28 novembre 2015 à 5h00
Smart Cities Developpement Campagne Villages
@shutter - © Economie Matin
54 %54 % de la population mondiale vit dans des zones urbaines.

A l’heure où s’ouvre le salon Smart City – Smart Grid à Paris, le moment est venu de s’interroger sur l’aménagement du territoire en France. Les grandes villes cherchent à résoudre par la technologie des problèmes qu’elles n’auraient jamais eus si elles étaient moins grandes. « L’urbobésité » génère de nombreux désagréments : pollution, difficultés de circulation, saturation de l’espace publics et dégradation des services publics, délinquance, incivilités, dégradation des solidarités…

Depuis 4 ans, les campagnes enregistrent un solde migratoire positif, 100.000 personnes y emménagent quand 70.000 les quittent. Ce n’est pas encore l’exode urbain, mais peut-être son début…

Selon l’ONU (rapport de perspectives sur l’urbanisation, Juillet 2014), 54% des populations mondiales vivent dans des zones urbaines. Elles seront 66% en 2050. Cette urbanisation est fortement marquée dans les pays émergents (Inde, Chine et Nigeria notamment). Ce mouvement de métropolisation peut être perçu comme inéluctable. Mais il est également mal interprété.

Pour John Wilmoth, Directeur de la Division de la population (lors d’une conférence de presse au siège de l’ONU à New York) : « La Gestion des zones urbaines est devenue l’un des défis de développement les plus importants du 21e siècle. Le succès ou l’échec de la construction de villes durables sera un facteur important pour la réussite du programme de développement pour l’après-2015 ». Et d’ajouter « il est nécessaire de mettre en place un programme de planification urbaine et d’accorder une plus grande attention aux petites villes où vit la majorité de la population ».

Traduisons : sans vision locale et mondiale de l’aménagement du territoire, les deux tiers de la population mondiale vivront dans des métropoles, et les deux-tiers d’entre elle vivront dans des bidonvilles périurbains.

Villes sur catalogue

Le marché des Smart Cities se développe sur cette conviction des élites notamment politiques que « big is beautiful » et que l’enjeu est de faciliter la vie de personnes de plus en plus concentrées sur les aires urbaines. Si le projet est louable, il passe à côté du problème et met en place lui-même les conditions de sa rentabilité. Les projets Smart Cities sont avant tout des projets industriels : IBM pour Nice, Cisco pour Songdo, Toshiba pour Lyon. Ce marché est énorme et se chiffre à chaque fois en milliards d’euros. Les industriels de la Smart City promettent aux élus de soulever leur ville et d’installer dans leur sous-sol et leurs bâtiments les tuyaux de l’intelligence. Tout marchera mieux une fois la ville « innervée » de réseaux. Oui, et non… Oui car il est vrai qu’un réseau numérique permet de piloter un ensemble d’objets connectés qui vont favoriser une meilleure gestion du trafic, une meilleure gestion de la consommation d’énergie, une meilleure gestion des interventions des secours, jusqu’à des modèles de prédiction du crime, déjà opérationnels à New York depuis la mise en place du dispositif imaginé par Victor Goldsmith sous l’ère Giuliani.

Seulement, ces modèles, basés sur des algorithmes, ont des limites de réalité physique et une personne de plus, de trop, fait exploser le système. Par ailleurs ces réseaux ne fabriquent pas un nouveau « vivre ensemble ». Aujourd’hui, les projets liés aux rapports sociaux se font à l’échelle des quartiers, autrement dit du village dans la ville.

Small is beautifull

Selon l’INSEE, un village est une agglomération de moins de 2000 habitants. Pour le dire autrement, c’est une commune rurale. Une échelle d’intervention où l’élu(e) connaît sa population, où elle est mobilisable, peut-être impliquée dans ses choix pour l’avenir. L’économie collaborative, la location d’objets entre particuliers tente de reproduire en ville le prêt entre voisins qui a cours naturellement dans les villages. Chacun perçoit à quel point l’anonymat des métropoles pèse sur leurs habitants qui utilisent massivement les réseaux sociaux pour se construire de nouvelles relations et communautés.

Les villes moyennes sont présentées aujourd’hui par la DATAR comme des « pôles d’équilibre ». L’expression est pleine de sens. Elle sous-entend qu’il existe peut-être un seuil, une fourchette de peuplement dans laquelle la vie en commun est « soutenable », et donc durable.

Les smart villages seront plus vite et plus facilement déployés, et dès lors offriront une attractivité considérable aux populations aspirant à une meilleure qualité de vie. Il est donc indispensable de soutenir activement la « numérisation » des communes rurales, des intercommunalités rurales, des petites villes et des villes moyennes dans les domaines des réseaux fixes, mobiles, et de la culture numérique de leurs administrés.

Plus jamais de villes nouvelles

Les années 50 et 60 ont accouché d’un modèle urbain dont tout le monde est déjà revenu, les « villes nouvelles ». Leur péché originel ? Penser la ville sans ses habitants, en considérant que ceux-ci utiliseraient les fonctions imaginées pour eux (sommeil, divertissement, travail…) exactement comme prévu. Qui aurait prédit qu’une cage d’escalier pourrait devenir un lieu de sociabilité, voire de divertissement ? Automatiser le passé c’est en reproduire les erreurs. Il est donc urgent de penser au niveau national un « désengorgement » des espaces urbains et de capitaliser sur le Numérique pour renforcer l’attractivité des espaces ruraux.

La fibre arrive dans les campagnes. Trop lentement encore mais le mouvement est amorcé. Il va être possible de créer des activités économiques liées aux TIC (le secteur économique le plus important et le plus porteur pour la France) partout sur le territoire, sans préjudice des infrastructures physiques hors la fibre optique. Le Plan National Très Haut Débit est en fait un véritable plan de Réaménagement du territoire et une opportunité majeure à saisir.

Il est donc temps, comme jamais avant, de traiter prioritairement la montée en puissance numérique de l’espace rural, ses réseaux et ses habitants, afin de favoriser les transferts de populations déjà amorcés. Le Manifeste des Smart Villages* propose 10 clés pour y parvenir.

Selon les calculs de l’AMRF (Association des Maires Ruraux de France), un habitant d’une commune urbaine coûte deux fois plus cher qu’un habitant d’une commune rurale. En effet, la concentration urbaine génère des services et des complexités additionnelles, qu’il s’agisse de collecte et traitement des déchets, d’infrastructures de transports, de forces de police… Donner la priorité à la ruralité et à son peuplement, c’est résoudre les problèmes des grandes villes ! Le Numérique des champs, contribuera donc au bien-être des habitants des villes.

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Sébastien Côte est le fondateur de "Mon Territoire Numérique"

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