A Sofia, depuis plus de 40 jours, le peuple descend régulièrement dans la rue comme j'ai pu le constater par moi-même lors de mon passage dans la capitale Bulgare. Ils étaient plusieurs dizaines de milliers de manifestants selon le site OFFNews.bg. Cependant, cette marche récurrente contre le pouvoir est bien différente de ce que nous pouvons voir en Grèce, en Espagne ou au Portugal. Il est en effet intéressant de noter qu'il s'agit d'une protestation d'une toute autre nature et à laquelle nous pourrions peut-être assister dans un avenir proche en France.
Une révolte du peuple contre la corruption
Contrairement aux protestations populaires d'Europe du Sud, les Bulgares ne se « révoltent » pas contre des mesures d'austérité imposées par leur gouvernement. Il est vrai que, plus tôt, cette année, ils s'étaient indignés contre la hausse des prix et avaient poussé le gouvernement à la démission. Mais déjà en février, lors des premières manifestations, le peuple se révoltait contre la corruption qui gangrène le pays depuis la fin du communisme et qui freine son développement économique. Les élections législatives menées peu de temps après la démission du gouvernement Bulgare ont donné une avance mais pas une majorité absolue au parti de droite de l'ancien Premier Ministre Boiko Borisov et ce dernier n'a donc pas pu constituer un gouvernement. C'est donc au parti socialiste, arrivé deuxième lors de ces élections, qu'est revenu la charge de composer un gouvernement. Cependant, ne disposant pas non plus de suffisamment de sièges à l'Assemblée, il s'est donc vu dans l'obligation de constituer un gouvernement avec le parti représentant la minorité Turque, arrivé en troisième position à l'issue du scrutin et ce, avec le soutien du leader du parti d'extrême droite (arrivé en quatrième position). C'est comme si en France, le PS composait un gouvernement avec un parti qui représenterait les Français d'origine Maghrébine grâce au soutien de Marine Le Pen... Impensable ! Mais ce qui a mis le feu aux poudres c'est la nomination à la tête des services secrets d'un magnat des médias qui serait soupçonné d'avoir trempé dans des affaires « louches ». Les protestations du peuple sont donc bien différentes de celles des autres peuples d'Europe du Sud et elles concernent avant tout le politique plutôt que l'économique.
Bruxelles et le peuple Bulgare partagent le même combat
Ce qui est extrêmement intéressant de noter dans ces évènements c'est que sur la problématique de la corruption et du « nettoyage » de la classe politique, le peuple Bulgare et Bruxelles se rejoignent totalement. Beaucoup de drapeaux Bulgares étaient arborés par les manifestants mais il y avait également la présence de nombreux drapeaux Européens ce qui confirme bien que les Bulgares se considèrent comme Européens et qu'ils sont les premiers à souhaiter que l'Europe les aide à se débarrasser d'une classe politique qui trop souvent peut être associée à des clans plus ou moins mafieux. Comme me le disait Nadejda, une manifestante avec qui j'ai eu l'occasion de discuter, « on pensait qu'avec notre entrée dans l'Union on allait enfin débarrasser le pays de la corruption mais on constate que depuis 2007, rien n'a vraiment changé. Le peuple est à bout et la colère gronde. Ca va finir en révolution ». Il est vrai que jusqu'à la semaine dernière les manifestations étaient restées pacifistes mais mardi dernier, le ton est monté d'un cran puisque plusieurs milliers de manifestants ont bloqué quelques dizaines de députés et ministres à l'intérieur du parlement et cela s'est terminé par des affrontements avec la police.
La France n'est pas épargnée par cette collusion qui existe parfois entre le milieu politique et celui des affaires
La France va elle aussi bientôt entrer en période électorale pour les élections locales (qui auront un impact déterminant sur les prochaines sénatoriales) et il semblerait que les Français n'aient plus vraiment confiance dans la classe politique puisque selon un sondage Harris Interactive réalisé pour Marianne les 29 et 30 avril dernier, les citoyens n'accordent que 22% de taux de confiance aux femmes et aux hommes politiques nationaux. Suivront en 2017 (c'est dans quatre ans et quatre ans ça passe très vite !) les présidentielles, les législatives et bien sûr les sénatoriales. La côte de popularité du gouvernement n'a pas vraiment le vent en poupe puisque d'après l'Express "la cote de popularité de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault atteint son plus bas niveau ce mois-ci" , l'UMP s'est sabotée elle-même depuis les primaires Fillon-Copé si bien qu'un nombre croissant de militants en appelle à un retour de Nicolas Sarkozy (c'est tout de même incroyable qu'il soit impossible de regarder vers l'avenir mais toujours vers le passé !), l'UDI ne semble pas avoir vraiment profité du sabordage de l'UMP, quant au Front National et au Front de Gauche, ils sont de plus en plus aptes à gagner des voix. Quelle situation pouvons nous espérer dans un pays ou les deux gros partis du centre de l'échiquier semblent dépassés par les évènements et ou le parti d'extrême droite et le parti d'extrême gauche semblent attirer les déçus du PS et de l'UMP ? Laissez-moi vous poser la question autrement. Que peut-on espérer dans un pays ou depuis vingt ans mais surtout depuis quelques années, des affaires de collusion mêlant le milieu politique et le milieu des affaires font la première page de grands quotidiens nationaux ? La situation actuelle de la Bulgarie pourrait bien nous donner une idée de ce à quoi nous pourrions nous attendre si nous continuons dans cette voie.
Ce qui d'autant plus m'interpelle dans cette histoire c'est que nos médias nationaux "institutionnels" sont restés relativement silencieux sur le sujet alors que cela se passe à notre porte puisque la Bulgarie est bien membre de l'Union Européenne. Pourquoi? Auraient-ils peur de souffler des idées à nos concitoyens? C'est vrai que cette semaine ils étaient plus occupés à couvrir un évènement qui va sans aucun doute avoir un impact énorme sur la politique Européenne dans les prochains mois: la naissance de George Alexander Louis, Prince de Cambridge!