La réforme des aides sociales est sous les feux de la rampe. Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de fusionner plusieurs prestations sociales pour créer un « revenu universel d’activité ». L’idée de changer le nom des prestations et de les recombiner n’est pas complètement nouvelle.
Lors du quinquennat précédent, le RSA d’activité avait déjà fusionné avec la prime pour l’emploi pour donner naissance à la prime d’activité. L’idée de simplifier est séduisante. Quels objectifs poursuit cette simplification ? Dans quelle mesure cette simplification est-elle réelle et concrète ? Jusqu’où peut-on aller en matière de simplification des aides sociales ?
La complexité du système d’aide sociale, un casse-tête politique et social
Ce système est en effet devenu aujourd'hui monstrueux de complexité, à l’image de cette épreuve des 12 Travaux d’Astérix où récupérer un document administratif est un parcours du combattant qui fait perdre la tête. Cela ne peut que décourager certaines personnes qui pourraient prétendre aux minimas sociaux, tombant ainsi dans le piège dans le non-recours. Ce problème était pointé du doigt dans une évaluation du non-recours aux minimas sociaux réalisée en 2016 pour le compte de l’Assemblée Nationale, qui était estimé à 13 milliards d’euros par an. Cela représente tout de même 500 euros par an par famille en moyenne !
La complexité des aides sociales est la source de ce non-recours. La pléthore de dispositifs explique que beaucoup de Français méconnaissent leurs droits. La complexité des règles de calcul et des plafonds de ressources explique que beaucoup de Français ne matérialisent pas l’intérêt d’exercer leurs droits. Enfin, la complexité des démarches et des formulaires est la source de non-recours, soit parce que les ayant-droits font des erreurs dans leurs démarches, soit carrément qu’ils s’auto-censurent par peur de mal faire.
Selon une étude de Viavoice publiée en juin dernier, plus de trois quarts des sondés (78 %) jugeaient trop complexe le système d'aides sociales en France, 63 % se disaient favorables à leur regroupement au sein d'une allocation unique et près de sept sondés sur dix (68 %) estimaient qu'il faudrait demander davantage de contreparties aux bénéficiaires.
Quelles solutions de simplification ?
« Ce qui est simple est faux, ce qui est compliqué est inutilisable » écrivait Paul Valéry. Voilà bien résumé l’opportunité et le risque de la simplification des aides sociales.
L’opportunité est réelle que la simplification permette de diminuer le non-recours. Lorsque le RSA activité et la prime pour l’emploi ont été fusionnés, le taux de non-recours a fortement diminué de 68 % à 30 %. Cependant, en parallèle de cette simplification a eu lieu un basculement d’un accès « guichet » à un accès numérique. La possibilité de demander l’aide en ligne 24/7 en libre-service explique sans doute plus la baisse du taux de non-retours que la simplification elle-même.
Le risque est également réel que la simplification prenne mal en compte des situations spécifiques. Notre système est devenu un tel château de cartes imbriquées que toucher à un élément n’est pas sans conséquence. De plus, certaines situations spécifiques nécessitent des dispositifs ciblés. C’est évident dans le cas de l’allocation adulte handicapé car les personnes qui souffrent d’un handicap qui les éloigne de l’emploi et qui coûte cher au quotidien en équipements ou en services ont besoin de beaucoup plus de solidarité que n’importe qui d’autre. L’aide au logement est également, sans doute, un élément spécifique compte tenu de l’importance du logement dans le budget des ménages, en particulier des plus fragiles qui habitent en zone dense avec des loyers élevés.
Dans tous les cas, notre système gardera donc sans doute toujours une certaine dose de complexité, qui a d’ailleurs tout à fait lieu d’être dans certains cas. Mais cette complexité peut être rendue invisible aux yeux de l’utilisateur ! Ce qui compte est peut-être moins la simplicité perçue, en front office, lorsque l’ayant droit demande une aide, que la complexité réelle, en back office, des algorithmes à l’œuvre.
Le numérique est un excellent levier pour rendre simple ce qui est compliqué. Songez à Waze : l’application permet, en toute simplicité, de visualiser sur une carte un trajet optimisé en temps réel. Mais derrière cette simplicité, il y a une analyse d’une masse d’informations et des calculs qui sont impossible pour un esprit humain.
Sur ce chantier, comme l’a montré Dominique Pasquier dans « L’Internet des familles modestes » (octobre 2018), les administrations de la République ont un retard considérable. Les administrations socialesont cruellement délaissé le travail sur l’ergonomie des interfaces utilisateurs, ce qui explique que la dématérialisation des services publics soit vécue comme un phénomène inhumain et brutal. C’est ainsi que certains chatbots comme Fastoche (pour les aides sociales) ou Tacotax (pour les impôts) permettent de contourner la complexité de notre système social et fiscal via une interface intelligente et intuitive.
En même temps qu’une simplification bienvenue, il est donc urgent d’investir sur la transformation numérique de notre système social !