Quand bien même le contexte de crise récent a accéléré la digitalisation de bon nombre d’entreprises, les banques européennes n’avaient pas attendu la pandémie de Covid-19 pour proposer aux consommateurs des solutions numériques. Sur les dix plus grandes banques du continent européen, (composées de quatre françaises, deux britanniques, une allemande, une néerlandaise, une espagnole et une italienne), toutes proposaient déjà un service complet d’applications mobiles avant le mois de mars 2020.
En France, si certains évoquent le ‘retard’ du secteur bancaire en matière de numérique, ils font en réalité référence à un déclin du modèle des banques de détail, qui doivent désormais consolider leurs activités et réinventer leurs services. Car, si le secteur bancaire, notamment européen, a longtemps été considéré comme en avance sur son temps, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Une numérisation antérieure à la crise
Les services financiers verticaux comprenant la gestion de portefeuille VIP ou des offres en matière d’assurance permettaient déjà, avant crise, de tester des solutions bancaires via le format vidéo et autres approches multicanales. En outre, l’arrivée sur le marché des banques en ligne a bouleversé le paysage des banques traditionnelles, les obligeant à réagir rapidement. BNP Paribas a créé Hello bank! en 2013, positionnée comme la banque la plus numérique, Santander a créé Openbank en 2016, qu’elle a baptisée « la banque 100 % digitale », la Société Générale a racheté Boursorama en 2014 et Belfius a été désignée comme l’une des banques les plus numériques de Belgique.
En Europe, l’évolution vers la numérisation a incité les banques à faire preuve de créativité, afin de fidéliser leurs clients, qu’il s’agisse d’enrichir les services proposés avec les paiements sans contact, les rapports de comptes, le libre-service, le transfert d’argent et d’autres services de base disponibles via les applications mobiles depuis maintenant plusieurs années.
Mais alors que la numérisation progressait, les exigences européennes en matière de conformité légale, de sécurité et de stabilité se sont accrues. Si les grandes banques ont bien eu à coeur de numériser leurs processus, peu d’organismes ont réellement procédé à une « transformation » numérique de fond. Si elles l’avaient vraiment fait, elles auraient pu créer de nouveaux services personnalisés et les mettre en œuvre il y a bien longtemps. Ainsi le modèle des banques de détail aurait évolué sans qu’un événement conjoncturel extérieur ne l’y pousse.
Banques en lignes, banques traditionnelles, GAFA… un secteur très concurrentiel
Les banques en ligne, qui ne font pas face aux mêmes contraintes et infrastructures que les grands acteurs du marché, peuvent évoluer rapidement et développer de nouvelles offres avec confiance et agilité, étant déjà dans une configuration numérique. Pourtant, plusieurs questions demeurent : qu’est-ce que la pandémie de Covid-19 a réellement changé pour le client final ? Quelles nouveautés des applications mobiles n’étaient pas encore disponibles deux ans auparavant ?
Face à ces nouveaux acteurs, les banques traditionnelles ont dû passer de la « numérisation » à la « transformation numérique », afin que leurs processus internes et leurs services clients puissent rattraper leur retard. En outre, l’avènement de l’Open banking (avec les API), qui permet aux clients de changer de fournisseur plus simplement, est venu bousculer les habitudes, exerçant une pression supplémentaire pour se transformer et optimiser l’ensemble du parcours client.
De leur côté, les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) présents sur d’autres continents proposent déjà des services financiers et « bancaires » qui permettent à leurs clients de bénéficier de promotions commerciales exclusives. Ces nouveaux usages doivent encourager les banques traditionnelles à se poser de nouvelles questions : pourquoi ne pas faire gagner des points de fidélité aux clients qui achètent chez un commerçant partenaire de la banque ? La carte bancaire est-elle vraiment indispensable ? Quid de l’application mobile depuis l’entrée en vigueur de la directive DSP2 sur l’authentification forte et la sécurité ? En quoi une approche omnicanale permet de mieux servir le client final ?
Se préparer à la nouvelle génération de consommateurs
Les consommateurs connectés, et exigeants, considèrent désormais les établissements financiers comme des marques digitales parmi d’autres avec lesquelles ils s’attendent à pouvoir interagir rapidement, de manière transparente et sur la plateforme de leur choix. Cela ne se limite pas à une application mobile, mais il peut s’agir des réseaux sociaux, de leurs applications de messagerie favorites ou même des plateformes de vente en ligne. Les établissements financiers doivent accompagner les consommateurs tout au long de leur nouveau parcours numérique avec une expérience de qualité. Faciliter un virement bancaire ou aider les clients en quelques instants pour une carte perdue ou volée n’est qu’un élément basique du service client dans ce secteur. Ce qui est une nouveauté pour une banque est généralement une offre de base pour une autre.
Comment les banques peuvent-elles se démarquer dans ce cas ? En faisant en sorte qu’un client se sente unique en lui offrant une expérience instantanée, omnicanale et donc personnalisée. La banque se souviendra-t-elle des échanges via l’application mobile le mois suivant lorsque le client recevra un SMS annonçant qu’il est sur le point d’atteindre le plafond de son découvert bancaire ?
Les banques doivent également tenir compte des différences générationnelles : entre les Millennials (génération Y), les générations X et Z, les baby-boomers et demain la génération Alpha, etc. Un Millennials appréciera peut- être de communiquer par e-mail, alors qu’un autre de la génération Z sera plus enclin à utiliser WhatsApp. Le secteur de la banque doit donc identifier, comprendre ces différences et ajuster les stratégies marketing et de communication en conséquence.
La pandémie de Covid-19 a accéléré la transformation numérique des établissements financiers alors même que c’est une réalité depuis une décennie. La différence est que cette fois-ci, elle touche directement le modèle de prestation de services.
Qu’y a-t-il de nouveau, d’utile et d’unique au sujet des applications aujourd’hui ? Peut-être que l’omnicanal est la « nouvelle application ». Ailleurs qu’en Europe, les banques sont d’ores et déjà coutumières du recours à des dispositifs de chat en direct comme WeChat, Viber, WhatsApp et RCS pour remplacer la fonction de l’application mobile. Conscient de ces évolutions, le vieux continent va-t-il reprendre l’avance qui le caractérisait ?