Service client Orange, un conseiller va vous répondre… Histoire vraie.

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Par Olivier Magnan Modifié le 12 avril 2013 à 3h50

« Quand vous appelez un service client, comment gérez-vous l'attente ? ». La question, issue d'une publicité, met en scène des réponses qui se veulent drolatiques, malgré leur petit côté vécu : « Mon mari me masse », « Je prends une feuille de papier et je la déchiquette en tout petits bouts », « Moi, je hurle ».

On a tous connu ça : l'attente, l'annonce du prix à la minute, le « aucun conseiller n'est disponible... » ou le discours stéréotypé qui ne résout rien. Si encore un service client rapportait gros à la marque... Même pas. En 2009 déjà, un fournisseur mondial de logiciels de gestion d'interactions client, Genesys, avait chiffré l'impact d'un mauvais service client à travers une étude menée dans seize pays : de contrats résiliés en ventes annulées, on arrivait, sur un an, dans les seize pays étudiés, à une perte de 338,5 milliards de dollars ! A l'époque, la France se taillait le 9e rang. Perte annuelle : 15 milliards de dollars !

Ce jour-là, je décide d'appeler le service client Orange. Six mois plus tôt, j'avais déjà tenté l'aventure : je venais de souscrire un abonnement cher, m'étais laissé « fourguer » une box de la Télé d'Orange que j'avais voulu rendre aussitôt au vu de l'indigence des programmes. Trop tard. Le « conseiller » m'avait presque ri au nez : « Vous l'avez, vous la gardez... ». Elle était effectivement restée dans son emballage.

Alors, après avoir respiré un grand coup, j'appelle. La robote m'annonce 3 minutes d'attente. À 2'59, une voix humaine se manifeste : « Je me présente, Pierre P., que puis-je pour vous ? » J'aurais dû me méfier. Répondre dans les temps ? Suspect. Je lui narre ma triste histoire, mais avec un ton si défaitiste que Pierre P., avec son petit accent du Sud, doit me classer dans la catégorie des emmerdeurs à récupérer... ou pas.

« Sachez, Monsieur, avant tout, que vous êtes abonné depuis plus de six mois. Et que je suis en mesure de vous proposer, avec les mêmes services, une réduction de votre facture qui est aujourd'hui de 89,90 € et qui sera revue à 69,90 €... » Méfiant, incrédule, dubitatif, perplexe, à la limite du scepticisme, je lui fais remarquer, aigre-doux, que si je n'avais pas appelé, je n'en aurais rien su, et aurais continué à payer 20 € de plus... Pierre, plus poli que jamais : « C'est exact, Monsieur. Je ne saurais trop vous recommander d'appeler au moins tous les six mois votre service client, vous aurez une bonne surprise de cet ordre. Que voulez-vous ? Nous sommes comme les banquiers qui "oublient" de prévenir leurs clients que les taux ont été revus à la baisse... » (sic).

Je l'aurai un jour : tel le client râleur de la pub Maaf, je lui demande ce que je dois faire pour bénéficier du rabais : remplir 15 formulaires, me connecter sur un site avec codes oubliés, me rendre dans une boutique entre 16 heures 02 et 18 h 31, demander une audience à Sa Sainteté en surplis orange ? Pierre : « Vous n'avez qu'à me dire "oui", Monsieur, c'est ce que j'attends depuis tout à l'heure » (ver-ba-tim). Je couine, incrédule : « Ouoooui ? » « Eh bien c'est parfait, le 10 avril, vous recevrez votre facture minorée... ».

Enhardi, presque aimable (ce qui, me connaissant, est déjà un exploit de la part de P.), je m'enquiers de savoir ce que je dois faire de cette [censuré] de box de télé Orange. Pierre : « Autre bonne nouvelle, M. Magnan, elle ne vous coûte rien. Il faudrait que vous achetiez des bouquets télé pour être facturé. Vous voulez nous la retourner ? C'est bien simple. Je peux vous envoyer un bon de retour. Mais peut-être préférerez-vous la conserver, au cas où auriez envie un jour de souscrire à un abonnement ? ».

Le ton est si majordome, si policé, si parfait, que je subodore l'ironie, la raillerie, l'humour, voire le sarcasme. Le client râleur de la Maaf qui est en moi n'a pas dit son dernier mot. Là, le Pierre, il va rester cloué, tétanisé, sans voix : et la Livebox que je n'ai pas pu acheter à l'époque, vous allez me dire que je dois continuer à la louer, bien sûr, jusqu'à la fin des temps ! « Mais Cher Monsieur, susurre Pierre P., non, pas du tout, voyons. Libre à vous d'aller l'acquérir dans l'un de ces magasins spécialisés, de style Darty, Boulanger (je vous assure que c'est du verbatim). Alors, au vu de votre preuve d'achat, nous vous reprendrons votre Livebox louée. Vous comprenez, c'est humain qu'Orange exploite son parc de Livebox... ».

Cette fois désarçonné, je demande, la voix adoucie : « Vous connaissez le prix... ? » Pierre : « Ah, alors là non, je suis désolé, mais voyez-vous, je ne m'intéresse pas à la téléphonie. J'ai un vieux Nokia, et mon attention n'est guère attirée par ce genre d'offre dans les magasins... (sic, sic et resic) Mais il m'a semblé entendre dire qu'elle vaut entre 35 à 40 €, voyez-vous, quelque chose comme ça... [en réalité, renseignements pris, 59 €]. Pour tout vous dire, Orange argumente en faveur de la location en vous disant qu'en cas de panne, le matériel vous sera aussitôt échangé. Mais je dois à la vérité de dire que les pannes sont infinitésimales... » (sic-sic-sic).

Cette fois, terrassé par l'ange conseiller, j'entends mon Pierre emboucher sa trompette. Je crois voir ses ailes dans son dos frémir. « Savez-vous, Monsieur Magnan, que vous pouvez changer de téléphone ? Qu'avez-vous en ce moment ? »
Euh, un, une, un Samsung, euh, une demi-tablette, vous savez, le gros, là...
Oui, je vois. Je constate d'après votre dossier que vous possédez un Galaxy Notes. Oh, très bon appareil, haut de gamme, je crains n'avoir pas mieux à vous proposer... ».

L'hameçon, entré bien profond dans mon palais de client truite, ne me laisse aucune chance. Je bafouille : « Et le Jèddiche ? » (je venais de lire un papier très laudateur sur le dernier né de BlackBerry, le Z10). Pierre : « Aaaah, ah oui ! » (j'en oublie de battre des nageoires). Ah oui ! le BlackBerry Z10 ! Écoutez, moi qui ne suis pas un passionné de téléphonie, on nous en a fait une démonstration. Si je m'intéressais à ce genre d'appareil, c'est l'un des rares qui me feraient abandonner mon vieux Nokia (verbatim). C'est tout simplement une réussite ! ».

Moi (toujours gêné par l'hameçon dans 'a houche') : « Wou l'awez dans l'ôffre ? ». « Mais bien sûr, oui ! Il est génial parce que moins sensible que les iPhone, vous savez, on avait du mal avec l'iPhone, au début, parce qu'il était si sensible que même l'oreille coupait la communication [1'30 de considérations sur l'iPhone]. Alors que le Z10 ! Vous savez ? Il coûte 589 €. Vous pouvez l'obtenir pour 149 €. [et bla-essai 14 jours, et bla-retour à nos frais, et bla-prélevé sur votre facture, et bla-envoyé dans un dépôt agréé, « nous allons vous trouver ça, près de chez vous, par exemple "Au pétale charmant", un fleuriste, vous venez avec une pièce d'identité... »]

Comme un gros mérou ferré, j'ai dit « (c)ouic ». Pierre-Orange m'a demandé s'il avait répondu à toutes mes questions-et-que-je-n'hésite-pas-à-remplir-le-questionnaire-pour-dire-tout-le-bien-que-j'ai-pensé-de-lui... J'ai remercié.

J'ai re-mer-cié. Oui, moi le méchant, le vindicatif, le « on-me-la-fait-pas », j'me suis fait tout p'tit devant un service client Orange à l'accent Nokia du Sud...

On est en train de nous les changer, les plates-formes d'appels. On est en train de nous les changer, les « conseillers »-vendeurs. J'ai payé un gros tas de minutes pour m'entendre dire que j'étais le plus heureux des clients, l'heureux possesseur d'un Samsung, l'acheteur comblé d'un BlackBerry dont je n'avais sans doute nul besoin, que la télé nulle d'Orange ne me coûtait rien, et que si j'avais d'autres questions à poser, Pierre P. serait toujours à mon service.

C'est arrivé le 2 avril 2013. Le 2. Il m'a même frustré d'un poisson d'avril.

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Olivier Magnan est journaliste et rédacteur en chef de R2, la Revue des Régions d'Europe. Il est également l'auteur de "Mon banquier, la crise et moi", Les Loges de la République et "Mentaliste" aux éditions du Moment ainsi que "Les règles d'or pour réussir le financement de votre entreprise" aux éditions Dunod.

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